Rappel des tribunaux quant à l’obligation pour le promoteur de s’assurer de la conformité de son projet de développement

31 août 2022
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31 août 2022

Dans la décision 9179-0717 Québec inc. c. Ville de Saint-Colomban1 rendue le 27 janvier 2022, la Cour supérieure a réitéré le principe voulant que les officiers municipaux n’ont pas l’obligation d’informer un promoteur de l’évolution de la réglementation applicable ou d’entreprendre des suivis vis-à-vis de la faisabilité d’un projet de développement.

Une mise en contexte s’impose, puisque le litige entre les parties a débuté en 2015 avec l’introduction d’un premier recours par l’entrepreneur contre la ville, pour faire déclarer nul le nouveau règlement de lotissement et obliger celle-ci à signer un protocole d’entente. L’ébauche de cette entente avait été réalisée sans pour autant être signée par l’ensemble des parties avant l’entrée en vigueur de ce règlement.

Le tribunal a rejeté ce premier recours en 20172. Il y a lieu de reprendre le paragraphe 99 de cette décision, où l’honorable juge Gaudet, j.c.s., mentionnait que :

Il se peut que le comportement de la Ville ou de ses représentants, élus ou non, ait pu induire les demanderesses en erreur quant à la règlementation applicable ou quant au statut du projet et ainsi les inciter à effectuer des dépenses qu’elles n’auraient pas autrement engagées. Cependant, le recours ici entrepris contre la défenderesse ne vise pas à obtenir des dommages, mais plutôt à l’obliger à donner suite aux résolutions P-10 et P-11 de manière à permettre la réalisation du projet de développement de 9179.

Un second recours en dommages suivra donc, lequel mènera à la décision susmentionnée qui a été rendue le 27 janvier dernier et aux termes de laquelle la partie demanderesse sera une nouvelle fois déboutée.

Les faits pertinents du litige

Le promoteur avait soumis à la ville un plan de développement en mai 2012. Ce plan a fait l’objet de deux résolutions. La première approuve le projet pour une période de deux ans, sous réserve du respect de certaines conditions, dont le dépôt d’une somme d’argent à titre de garantie. La seconde résolution autorise le maire à signer un protocole d’entente relativement à la construction d’un chemin, laquelle est valide pour une période d’un an.

L’histoire démontrera cependant que ces deux résolutions ont été adoptées par la ville en contravention de la réglementation alors applicable depuis 2009 en matière de zonage et de lotissement3.

Malgré l’aspect illégal de ces résolutions, l’entente ne sera finalement pas signée par la ville à l’intérieur du délai imparti, compte tenu du défaut du promoteur de transmettre un dépôt de garantie. Par ailleurs, le nouveau règlement de lotissement adopté en 2014 par la ville n’autorisera pas davantage la réalisation du projet.

Cette situation mènera donc au dépôt du second recours en dommages par le promoteur pour être indemnisé des dépenses qui ont été réalisées en lien avec la mise en place d’un chemin et en remboursement des frais d’avocat dans le cadre des deux recours judiciaires, pour un total de 358 208,35 $. La partie demanderesse plaidait avoir été induite en erreur par les représentants de la ville et que cette dernière aurait également commis une faute en ne l’informant pas de l’illégalité de son projet depuis 2009.

Position du tribunal

La Cour supérieure conclut en ces termes quant aux agissements de la ville :

[57] 9179 Québec soutient qu’elle a été induite en erreur par les représentants de la Ville, qui étaient au courant des travaux et les cautionnaient. Cependant, la preuve n’appuie pas cette affirmation.  

[58] Le Tribunal ne saurait en venir à la conclusion que la Ville [était] au courant des travaux du simple fait que ses officiers ont répondu à deux reprises aux demandes de renseignement de 9179 Québec : une première fois en 2008, lorsqu’un représentant de la Ville a proposé à monsieur Desjardins le choix d’un ingénieur pour préparer les plans et devis, et une seconde fois en 2015, lorsqu’un représentant de la Ville a fourni à 9179 Québec des renseignements relativement aux normes applicables aux réservoirs d’incendie.

[…]

 [61] 9179 Québec plaide que la Ville a commis une faute en ne l’avisant pas que la règlementation municipale en vigueur depuis 2009 interdisait la construction du chemin proposé par la demanderesse. Or, la jurisprudence est bien établie que les officiers municipaux n’ont pas l’obligation d’informer des citoyens du contenu des règlements. Il appartient au promoteur « de vérifier la légalité de tous les aspects de son projet et de requérir, au besoin, l’opinion d’un juriste sur la règlementation pertinente ». Selon la preuve, monsieur Desjardins n’a jamais obtenu d’avis professionnel concernant la légalité du son projet.

[62] De la même façon, les représentants de la Ville n’étaient pas tenus d’informer 9179 Québec de l’échéance des résolutions P-10 et P-11. À tout évènement, monsieur Desjardins connaissait les délais, ayant lu les résolutions.

Cette décision n’a pas été portée en appel.

Principes à retenir

Malgré la position privilégie des officiers municipaux pour statuer sur la conformité d’un projet, ceux-ci ne sont pas à l’abri de commettre des erreurs. Selon le contexte, un tiers ne saurait donc uniquement se fier aux représentations qui lui ont été faites relativement à la conformité d’un projet sans faire les vérifications appropriées par un professionnel qualifié (avocat, urbaniste, arpenteur, etc.). À défaut de faire ces vérifications utiles de son côté, le promoteur pourra difficilement plaider avoir été induit en erreur.

Au contraire, ce tiers doit lui-même être diligent dans l’administration de ses affaires et être proactif, quitte à devoir mandater des professionnels à cette fin.

À ce sujet, le tribunal, le tribunal concluait d’ailleurs que :

[68] Le Tribunal reconnait que ses conclusions sont sévères à l’égard de monsieur Desjardins et ses sociétés. Cependant, les demanderesses auraient dû s’informer de leurs droits et obligations avant d’agir. Elles auraient dû respecter les exigences imposées par les règlements municipaux, sans présumer la complaisance de la Ville.

Bref, elles auraient dû veiller au grain.


[1] 2022 QCCS 358
[2] 9179-0717 Québec inc. c. Ville de Saint-Colomban, 2017 QCCS 2528
[3] Ibid., paragraphe 93

ÉCRIT PAR :

Mes Rino Soucy et Christophe Bruyninx

Avocats chez DHC Avocats