Les pouvoirs de taxation complets et autonomes des Villes et Municipalités en vertu, notamment, de l’article 500.1 de la Loi sur les cités et villes, RLRQ c C-19

17 août 2022
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17 août 2022

Historiquement, les Villes et les Municipalités ne détenaient que des pouvoirs limités en matière de taxation, lesquels s’appliquaient presque seulement à l’imposition de taxes foncières sur les immeubles situés sur leur territoire.

L’avènement des articles 500.1 et suivants de la Loi sur les cités et villes, RLRQ c C-19 (ci-après « LCV ») a modifié les anciens régimes de taxation en élargissant grandement les pouvoirs de taxation des Villes et des Municipalités en leur permettant de diversifier leurs sources de revenus et d’agir sur des considérations locales qui leur sont propres.

Cet article de loi a été adopté en 2017 par le biais de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, LQ 2017, c 13.

Du même coup, le législateur a remplacé les articles de la Charte de la Ville de Montréal et ceux de la Ville de Québec par les articles 500.1 à 500,12 incorporés à la LCV et les articles 1000.1 à 1000,5 insérés au Code municipal du Québec[22], faisant en sorte que cette nouvelle disposition s’applique à toutes les Villes et Municipalités à travers le Québec.

L’article 500.1 LCV est plutôt long, mais les passages pertinents de cet article se lisent comme suit :

« 500.1. Toute municipalité peut, par règlement, imposer sur son territoire toute taxe municipale, pourvu qu’il s’agisse d’une taxe directe et que ce règlement satisfasse aux critères énoncés au quatrième alinéa.

(…)

Le règlement visé au premier alinéa doit remplir les conditions suivantes :

1° il doit indiquer l’objet de la taxe qui doit être imposée;

2° il doit indiquer soit le taux de la taxe, soit le montant de la taxe à payer;

3° il doit indiquer le mode de perception de la taxe, y compris la désignation des personnes qui sont autorisées à la percevoir à titre de mandataires de la municipalité. (…) »

Il y a aussi lieu de préciser que l’article 500.3 LCV prévoit que l’article 500.1 n’a pas pour effet de limiter tout autre pouvoir de taxation accordé à la municipalité par la Loi, ce qui démontre, à notre avis, l’interprétation large qu’il faut donner aux nouveaux pouvoirs de taxation.

Tel qu’il est indiqué dans le titre la Loi précitée, l’objectif des dispositions adoptées par son biais est, entre autres, de reconnaître le rôle important d’une Municipalité en tant que gouvernement de proximité, ainsi que son autonomie en lui octroyant plus de pouvoirs.

Quoique le pouvoir général de taxation d’une municipalité soit élargi par cet article, celui-ci n’est pas illimité. En effet, la municipalité demeure restreinte par d’autres pouvoirs de taxation spécifiquement prévue dans d’autres lois et règlements au bénéfice d’autres niveaux de gouvernement, notamment dans des champs traditionnellement occupés par la province, ou bien dans d’autres cas spécifiques.

À titre d’exemple, le deuxième alinéa article 500.1 LCV prévoit, entre autres, qu’une Municipalité ne peut imposer une taxe à l’égard du cannabis au sens de l’article 2 de la Loi sur le cannabis (L.C. 2018, c. 16)1, ou bien sur une fortune2, y compris des droits de succession.

Dans l’arrêt Plessis-Panet inc. c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 1264 (CanLII)3, la Cour d’appel du Québec a eu à se pencher sur la légalité des règlements adoptés par la Ville de Montréal en vertu des articles 500.1 et suivant de la LCV et des articles équivalents contenus dans Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, RLRQ c C-11.4.

Un résumé des faits de cette affaire s’impose. Dans cette cause, la Ville de Montréal avait adopté des règlements lui permettant d’imposer une taxe sur des parcs de stationnement situés dans certains secteurs de son territoire. La société Plessis-Panet inc., soit l’appelante, s’est donc vu imposer une taxe de 121 485,20 $ pour son exercice financier en 2017, et de 132 101,60 $ pour celui de 2018, pour un parc de stationnement extérieur qu’elle exploitait.

Étant d’avis que cette nouvelle taxe était inéquitable, déraisonnable et abusive, Pleassis-Panet inc. a donc introduit un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure afin de demander la nullité des règlements adoptés par la Ville de Montréal lui permettant d’imposer cette nouvelle taxe, tout en réclamant le remboursement des taxes imposées. Le juge de première instance a maintenu la légalité des règlements adoptés, et ainsi, le bien-fondé de la taxe imposée.

Pleassis-Panet inc. a donc interjeté l’appel de cette première décision devant la Cour d’appel du Québec.

La Cour d’appel, sous la plume de l’honorable juge Stéphane Sanfaçon, j.c.a., a maintenu cette décision, en se posant notamment la question à savoir ce qui permettait à la Ville de Montréal d’imposer une telle taxe, plutôt que de se demander ce qui l’empêchait de le faire4.

À cet égard, la Cour d’appel était d’avis que l’intention du législateur était de rédiger ce nouveau pouvoir de façon large et libérale, de sorte que la Ville de Montréal pouvait imposer toute taxe municipale directe, sauf les cas spécifiques prévus au deuxième alinéa de l’article 500.1, pourvu qu’il s’agisse d’une taxe directe.

La Cour d’appel souligne le fait que le législateur a voulu accorder aux municipalités un régime de taxation distinct, puisqu’il est prévu à l’alinéa 5 de l’article que celles-ci possèdent tous les pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre et imposer les nouvelles taxes.

En effet, la LCV donne plusieurs pouvoirs aux municipalités à l’égard des taxes qu’elle entend imposer, par exemple, de prévoir l’objet de la taxe qu’elle entend imposer, son taux ou le montant à payer, des exonérations de la taxe, son mode de perception, la désignation des personnes qui sont autorisées à la percevoir, etc.  Somme toute, la Cour d’appel décrit le régime de taxation établi par les nouveaux pouvoirs généraux de taxation de l’article 500.1 et s. LCV comme étant « complet et autonome»5.

La Cour d’appel retient donc que le législateur a voulu exprimer son intention de confier, à toutes les Villes et les Municipalités du Québec, un pouvoir général de taxation leur permettant de diversifier leurs sources de revenus et d’agir sur des considérations locales qui leur sont propres.

En tenant compte de ses principes, la Cour d’appel conclut que la Ville de Montréal possédait le pouvoir d’adopter des règlements lui permettant d’imposer une taxe à des aires de stationnement dans son territoire. Elle mentionne également que la taxe ne devient pas inéquitable du seul fait qu’elle impose un fardeau fiscal important au contribuable.

Pour conclure, l’adoption de l’article 500.1 et suivants de la LCV et ses dispositions équivalentes, notamment contenues dans le Code municipal du Québec, RLRQ c C-27.1, accordent des pouvoirs généraux de taxation à toutes les Villes et Municipalités du Québec, visant à élargir leurs capacités d’imposition.

Les nouveaux pouvoirs octroyés en fonction des articles 500.1 et suivants de la LCV et ses dispositions équivalentes sont d’intérêt pour les Villes et Municipalités qui veulent se prémunir de ses dispositions pour adopter des règlements en vue d’imposer de nouvelles taxes à leurs contribuables, ce qui leur permettra de diversifier leurs sources de revenus et de tenir compte des enjeux qui sont propres à leur territoire, tel que précédemment décrit dans la décision de la Cour d’appel précitée.

Pour toute question spécifique sur la rédaction et l’adoption d’un tel règlement, ou pour la mise en œuvre d’un nouveau régime de taxation, n’hésitez pas à nous contacter.


[1] Article 500.1 LCV, alinéa 2, paragraphe 10.1;
[2] Ibid, au paraphe 6;
[3] Lien vers l’arrêt : https://canlii.ca/t/j1hnk;
[4] Voir le paragraphe 22 de l’arrêt cité à la note de bas page 3;
[5] Ibid, au paragraphe 34.

ÉCRIT PAR :

Mes Natasha Sivret et Rino Soucy, avocats, et Alexanne Bouchard, étudiante en droit

DHC Avocats