Que faire lorsqu’une municipalité ne reçoit aucune soumission dans le cadre d’un processus d’appel d’offres?

30 novembre 2022
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30 novembre 2022

Avec le manque de personnel dans plusieurs industries, il est de plus en plus fréquent pour des municipalités de lancer un appel d’offres public pour d’importants travaux ou des services publics comme le déneigement et de se retrouver face à une absence totale de soumission. Cela place la municipalité dans une situation délicate puisque le service doit être fourni et le moyen d’octroi de contrat exigé par la Loi pour ce type de dépense ne donne aucun résultat. Que faire dans une telle situation?

Il existe trois principales options.

La première et la plus fréquemment utilisée est simplement de lancer un nouvel appel d’offres. En effet, les raisons derrière l’absence de soumission peuvent être multiples alors il est important de réviser les documents d’appels d’offres afin de tenter de voir si leur contenu ne pourrait pas expliquer l’absence de soumission. Une autre possibilité est le manque de publicité entourant le processus. Il pourrait alors être pertinent de recommencer celui-ci et de mieux le publiciser au moyen, par exemple, d’avis dans les journaux ou d’annonces à la radio. Cependant, il n’est pas possible de contacter directement des entrepreneurs puisque cela violerait l’égalité des soumissionnaires.

La seconde option consiste à évaluer la possibilité de faire les travaux « en régie », c’est-à-dire que la municipalité les fasse elle-même. Cela n’est pas toujours simple puisque le manque de personnel affecte également la municipalité et selon les situations cela peut nécessiter l’achat ou la location de matériel à des coûts relativement élevés. Une avenue intéressante peut être de vérifier si une municipalité avoisinante effectue déjà le type de travail recherché en régie. Par exemple, si la municipalité voisine effectue son propre déneigement. Si c’est le cas, il peut être intéressant de conclure une entente intermunicipale pour permettre le partage de services. De même, si d’autres municipalités font face au même problème, il peut être intéressant de créer une régie intermunicipale à cet effet.

La troisième et la moins connue des options est celle de demander à la ministre des Affaires municipales l’autorisation de procéder à l’octroi du contrat au moyen d’un autre type de mode d’adjudication. En effet, cette possibilité est prévue à l’article 573.3.1 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, c. C-19) ainsi qu’à l’article 938.1 du Code municipal (RLRQ, c. C-27.1) lequel se lit comme suit :

938.1. Le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire peut, aux conditions qu’il détermine, soit permettre à une municipalité d’octroyer un contrat sans demander de soumissions ou sans être tenue de l’adjuger conformément à l’un ou l’autre des règlements pris en vertu des articles 938.0.1 et 938.1.1, soit lui permettre de l’octroyer après une demande de soumissions faite par voie d’invitation écrite plutôt que par voie d’annonce dans un journal ou plutôt que conformément à ce règlement, soit lui permettre de l’octroyer, après la tenue d’un concours de design, au lauréat de ce concours. Le ministre peut, de son propre chef, exercer ce pouvoir à l’égard de toutes les municipalités ou d’une catégorie d’entre elles pour un contrat ou une catégorie de contrats.

Ces dispositions font l’objet de très peu de jurisprudence et de doctrine, ce qui témoigne de la rareté de leur utilisation

Le premier alinéa ne s’applique pas lorsqu’en vertu d’un accord intergouvernemental de libéralisation des marchés publics applicable à la municipalité les appels d’offres doivent être publics.

Ainsi, face à l’absence d’autres solutions, il est possible de s’adresser à la ministre. Cependant, il importe de garder en tête qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire de la ministre, laquelle est libre de refuser ou encore d’imposer certaines conditions.

En conclusion, se trouver face à l’absence de soumissions au terme d’un processus d’appel d’offres demeure rare, mais de plus en plus fréquent et cela peut placer la municipalité dans une position inconfortable vis-à-vis des attentes des citoyens relativement aux travaux ou services que la municipalité offre habituellement. Cela peut aussi avoir pour effet de retarder certains projets de développement. Dans une telle situation, il importe d’évaluer les différentes options et de choisir la plus appropriée selon les circonstances.

ÉCRIT PAR :

Me Maryse Catellier-Boulianne

Avocate chez Morency, Société d’avocats S.E.N.C.R.L.