Le traitement des avis de hausse de prix

21 juin 2022
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21 juin 2022

Vous avez récemment reçu de la part d’un entrepreneur ou d’un soumissionnaire un avis selon lequel il doit augmenter ses tarifs dans le contexte actuel d’inflation? Pourtant, aucune clause d’ajustement de prix n’était prévue aux documents d’appel d’offres. Vous n’êtes pas seul! Cette situation est devenue monnaie courante dans les derniers mois.

Mais alors, comment réagir à de tels avis de hausse de prix?

Dans un premier temps, il faut savoir qu’en droit québécois, l’erreur économique ne permet pas à une partie à un contrat d’en demander l’annulation1. Autrement dit, un cocontractant ne peut pas invoquer s’être trompé quant au prix soumis pour ensuite refuser d’honorer ses engagements.

En contexte de contrat de gré à gré

C’est le scénario le plus simple. Un contrat est intervenu et lie les parties. L’entrepreneur doit honorer son prix.

En contexte de demande de prix

Lorsque vous demandez des prix auprès de différents entrepreneurs et que ces derniers y donnent suite, leurs prix constituent une offre. Une fois acceptée par la Municipalité, cette offre constitue un contrat qui lie les parties.

Un tel contrat ne devrait donc pas être pris à la légère et facilement renégocié.

D’ailleurs, les règlements de gestion contractuelle des municipalités limitent généralement les modifications aux contrats intervenus.

La municipalité est donc en droit d’exiger de l’entrepreneur qu’il honore son prix.

En contexte d’appel d’offres

En contexte d’appel d’offres, la résolution octroyant le contrat au plus bas soumissionnaire conforme forme une relation contractuelle entre la Municipalité et ce plus bas soumissionnaire conforme.

Le soumissionnaire est d’ailleurs lié par les modalités, dont le prix, indiquées à sa soumission.

Ce contrat ne doit pas faire facilement l’objet de modifications.

La latitude d’une municipalité à modifier un contrat octroyé au terme d’un appel d’offres est particulièrement balisée par la loi, notamment par le Code municipal du Québec :

« 938.0.4. Une municipalité ne peut modifier un contrat accordé à la suite d’une demande de soumissions, sauf dans le cas où la modification constitue un accessoire à celui-ci et n’en change pas la nature. »

Les avis de hausse de prix devraient donc être l’exception.

En effet, sauf dans la mesure où une clause d’ajustement de prix est prévue à l’égard de certains items, de tels avis unilatéraux de hausse de prix ne devraient pas faire l’objet d’une acceptation par la Municipalité. On peut facilement imaginer des soumissionnaires qui verraient à présenter des prix sous-évaluer, dans l’optique de les majorer par la suite une fois le contrat leur étant octroyé.

Si l’entrepreneur refuse d’exécuter le contrat suivant le refus de la municipalité de donner suite à l’avis d’augmentation du prix, la municipalité peut :

  • Conserver le dépôt de garantie dont elle dispose;
  • Faire intervenir la caution, d’où l’importance de prévoir l’exigence d’un cautionnement d’exécution aux documents d’appel d’offres;
  • Poursuivre le soumissionnaire pour la différence entre le prix indiqué à sa soumission et le prix payé à un autre entrepreneur ayant finalement exécuté les travaux.

Par ailleurs, il faut être particulièrement prudent avec ces avis de hausse de prix qui ont parfois pour conséquence de faire passer la dépense au-delà d’un seuil exigeant un mode précis d’adjudication de contrat. Par exemple, un contrat d’un peu plus 100 000 $ octroyé de gré à gré2, sur demande de prix3 ou sur appel d’offres par invitation pourrait facilement, après l’avis de hausse de prix, représenter une dépense de plus de 105 700 $. Un tel contrat devrait alors être adjugé par appel d’offres public.

La nouvelle réalité économique inflationniste se fait sentir dans toutes les sphères de la société. Le monde municipal n’y échappe pas. Si la réalité économique a changé dans les derniers temps, la réalité juridique est quant à elle demeurée inchangée : un contrat est un contrat. Il doit être honoré.

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[1] Beaurivage et Méthot inc. c. La Corporation de l’Hôpital de Saint-Sacrement, 1986 RJQ 1729 (C.A.); Constructions Labrecque et Poirier inc. c. Maçonnerie Jean-Marc Tremblay inc. 2011 QCCS 1961

[2] Si le règlement de gestion contractuelle le permet

[3] Idem

ÉCRIT PAR :

Me Christopher-William Dufour-Gagné

Avocat en droit municipal chez Morency, Société d’avocats S.E.N.C.R.L.