Coup d’œil sur les préoccupations des élus·es d’aujourd’hui

29 février 2024
marilyn_nadeau

Le 8 mars 2023, la Fédération québécoise des municipalités (FQM), en association avec l’Université de Sherbrooke, lançait une nouvelle enquête visant à mettre à jour les données recueillies en 2017 sur les préoccupations des élus·es, particulièrement pour mesurer les tendances et voir quels nouveaux enjeux auraient émergé depuis. Nous avons discuté avec la présidente du Comité femmes et politique municipale de la FQM, mairesse de Saint-Jean- Baptiste et préfète de la MRC de La Vallée-du-Richelieu, Marilyn Nadeau, afin d’avoir un avant-goût des résultats de l’enquête et des principales recommandations.

Il va sans dire que les préoccupations des élus·es évoluent considérablement au gré des changements sociodémographiques et des événements ponctuels qui affectent l’ensemble de la société. C’est dans le cadre du 81e Congrès de la FQM que les élus·es étaient invités par le Comité femmes et politique municipale à assister au dévoilement des résultats de l’Enquête sur les préoccupations des élus·es 2023 et à discuter des principaux enjeux soulevés pour faire ressortir des solutions afin de les surmonter. Le défi lancé par le Comité : aborder les enjeux de façon positive, trouver des solutions concrètes et faire des recommandations pour le futur.

Conciliation famille-travail

Faciliter la conciliation entre la famille, le travail et le mandat d’élu·e est un défi important pour assurer son bien-être. Cet enjeu est aussi crucial puisqu’il peut s’avérer un obstacle au recrutement de jeunes pour prendre la relève en politique municipale. En effet, sans surprise, l’enquête révèle que les élus·es âgés de 25 à 44 ans sont beaucoup plus préoccupés que les autres par ce problème.

Dans le cadre de l’atelier politique tenu lors du Congrès 2023, les membres ont identifié des solutions qui pourraient faciliter la conciliation famille-travail pour les élus·es municipaux. Parmi celles-ci, notons la mise en place de politiques claires afin de bien définir et de bien communiquer le rôle de chacun. L’ouverture et la flexibilité ressortent comme deux éléments essentiels pour faciliter la conciliation, que ce soit de la part des autres élus·es, de l’administration municipale ou des employeurs de chacun.

Quelques recommandations sont ressorties de l’exercice, notamment de bonifier la rémunération des élus·es pour assurer un salaire qui reflète la charge de travail. Dans le même esprit, le rôle de l’élu·e doit être valorisé, dépeint plus fidèlement et communiqué efficacement. Finalement, deux recommandations plus pratiques ont été soulevées : l’encadrement du télétravail pour les élus·es ainsi que la mise en place, lorsque possible, d’un service de garde sur les lieux de travail.

Mme Nadeau explique qu’il est important pour les femmes d’oser demander les accommodements qui sont nécessaires. « Les femmes élues sont très exigeantes envers elles-mêmes. Elles doivent apprendre à être plus douces et à demander ce dont elles ont besoin ».

Discrimination et autres types de violence psychologique et physique

Dans les dernières années, le nombre de cas d’intimidation a explosé dans le monde municipal. De plus en plus de citoyens mécontents n’hésitent pas à menacer, harceler et intimider les élus·es et les employés de leur municipalité. Ce fléau met non seulement le bien-être des élus·es municipaux en péril, allant jusqu’à mener certains à démissionner, mais également nuit au processus démocratique. Les premiers résultats de l’enquête 2023 confirment que les élus·es sont considérablement plus préoccupés par cet enjeu qu’en 2017.

Les solutions proposées lors de l’atelier politique sont simples, mais essentielles : mieux contrôler l’utilisation des réseaux sociaux, sensibiliser les citoyens aux réalités que vivent les élus·es et cultiver un climat de bienveillance et de solidarité au sein des conseils.

Les recommandations vont dans le même sens : avoir plus de soutien lorsque des situations surviennent et rendre imputables les personnes qui enfreignent les politiques et les règlements.

Mme Nadeau estime que ce problème pourrait être atténué si les élus·es connaissaient mieux leur rôle et celui de leurs collègues, et si ces rôles étaient mieux communiqués aux citoyens. Miser sur la transparence et la vulgarisation pourrait éviter les problèmes de perception et les malentendus qui sont souvent à l’origine des cas de harcèlement et de violence.

Capacité à bien effectuer son travail d’élu·e

Cet enjeu demeure très présent pour les femmes, et est plus préoccupant pour les hommes en 2023 qu’en 2017. Bien que d’autres formations pourraient être ajoutées et que la communication aux élus·es pourrait être améliorée afin de mieux les préparer à gérer les dossiers, la présidente du Comité femmes et politique municipale insiste sur l’importance de se faire confiance et de se donner le temps et la chance d’apprendre.

« Lorsque j’ai commencé comme conseillère, je craignais souvent de prendre la parole, je m’écrivais des textes pour savoir quels mots dire exactement, je relisais plusieurs fois mes documents d’information… à un moment donné on doit se faire confiance et comprendre que la façon de faire peut être différente de celles des hommes qui ont plusieurs mandats derrière la cravate, mais ça ne veut pas dire que le résultat est moins bon! », a-t-elle affirmé dans un grand geste évoquant une dose de bienveillance envers ses pairs.

L’importance d’accompagner les nouveaux élus·es est aussi cruciale. Mme Nadeau souligne que beaucoup de personnes nouvellement en poste gagneraient à être accompagnées pour comprendre la réalité et les nuances liées à leur rôle. Elle insiste encore sur l’importance de la communication et de la transparence pour être en mesure d’attirer les bonnes personnes en politique municipale et de les garder en poste.

Aspect conflictuel de la politique

La mairesse de Saint-Jean-Baptiste insiste sur le fait qu’on met trop l’accent sur cet enjeu. Bien qu’elle admette qu’il s’agisse là d’un aspect important, particulièrement pour les femmes, elle estime que le rôle de l’élu·e est d’être le porte-parole des citoyens sur l’ensemble de son territoire. « Même si cela implique d’être en désaccord avec certains collègues, il faut savoir émettre son opinion dans le respect. Bien communiquer c’est toujours la clé pour avancer en politique et pour aimer ce qu’on fait! », a-t-elle ajouté.

Elle mentionne l’importance de savoir bien s’entourer pour être en mesure de faire avancer les dossiers. « Il faut avoir de bons alliés, écouter les personnes de tous les horizons, pas juste ceux qui veulent prendre la parole naturellement. C’est en écoutant tous les côtés, en étant ouvert et inclusif, qu’on peut faire avancer les dossiers et qu’on s’assure que le résultat répond aux besoins réels de la population.»

C’est ce que Mme Nadeau appelle le leadership partagé. Elle considère que sa façon de faire les choses permet, même si elle prend parfois plus de temps, de vraiment s’assurer de l’acceptabilité sociale d’un projet et d’éviter les situations fâcheuses, tant avec les citoyens qu’avec les autres élus·es.

Un avenir inspirant

Femme rassembleuse et déterminée, Marilyn Nadeau a été élue pour la première fois comme conseillère municipale de Saint-Jean-Baptiste en 2009 et elle devient mairesse aux élections suivantes. En 2017 et en 2021, elle a été élue par acclamation à la mairie avec un conseil paritaire. En 2021, elle a été élue préfète de la MRC de La Vallée-du-Richelieu par ses pairs, puis, en 2023, elle a été réélue par acclamation.

Elle préside le Comité femmes et politique municipale depuis 2022 et c’est sous sa gouverne que plusieurs initiatives ont vu le jour, dont le premier Colloque FemmÉlues en juin 2023 et la participation de l’ancienne première ministre du Québec Pauline Marois au 81e Congrès de la FQM en septembre dernier.

Mme Nadeau se remémore la conférence de Mme Marois avec émotion et humilité : « Quelle femme inspirante, résiliente! C’est un très beau modèle à suivre pour tous les élus·es, mais, bien sûr, particulièrement pour les femmes. On s’est toutes senties un peu Pauline Marois ce soir-là dans la salle, nous étions solidaires avec elle pour les moments difficiles que nous avons toutes vécues, et nous étions fières avec elle pour toutes les réalisations, petites ou grandes, qu’on accomplit chaque jour.»