Tour d’horizon des outils de protection du patrimoine culturel

18 avril 2023
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18 avril 2023

Depuis son entrée en vigueur, le 1er avril 2021, le projet de Loi 691 (la loi) a déjà fait l’objet de plusieurs chroniques et formations. Si cette loi s’adresse d’abord au ministère de la Culture et des Communications et au gouvernement dont les devoirs et obligations se trouvent renforcés, elle comporte également des responsabilités et pouvoirs accrus pour les municipalités et MRC qui touchent la protection du patrimoine culturel, l’entretien des immeubles et leur démolition. Le présent article se concentre principalement sur les nouveaux pouvoirs en matière de protection du patrimoine.

Un inventaire régional des immeubles patrimoniaux

Bien sûr, la nouvelle loi n’octroie pas que des pouvoirs, mais elle impose aussi certaines obligations, dont l’une des plus importantes est que chaque municipalité régionale de comté (MRC) devra dresser et adopter, au plus tard le 1er avril 2026, un inventaire des immeubles situés sur son territoire qui ont été construits avant 1940 et qui présentent une valeur patrimoniale.

En effet, pour protéger le patrimoine, d’abord faut‑il bien le connaître. L’inventaire pourrait inclure certains immeubles plus récents que 1940, mais il n’y a aucune obligation en ce sens. Les municipalités locales peuvent contribuer à constituer cet inventaire en communiquant la liste des immeubles qu’elles auront elles‑mêmes répertoriés à la MRC. Aussi, la MRC qui désire prendre les devants et ne pas attendre l’échéance du 1er avril 2026 peut d’ici là constituer son inventaire des immeubles patrimoniaux de manière progressive, par municipalité par exemple.

Une fois les immeubles patrimoniaux bien identifiés, ils seront obligatoirement assujettis aux nouveaux règlements que les municipalités doivent adopter, dont le Règlement sur la démolition d’immeubles qui doit être adopté avant le 1er avril 2023 et le Règlement sur l’occupation et l’entretien des bâtiments, qui lui, doit être adopté au plus tard le 1er avril 2026. Ces nouveaux règlements peuvent avoir une portée plus large, mais ils s’appliquent minimalement aux « immeubles patrimoniaux », qui sont définis comme suit : un immeuble cité conformément à la Loi sur le patrimoine culturel, un immeuble situé dans un site patrimonial cité conformément à la Loi sur le patrimoine culturel, ou encore un immeuble inscrit dans un inventaire réalisé par la MRC au plus tard le 1er avril 2026.

Citation de biens patrimoniaux

Avec la nouvelle loi, les MRC ont désormais, à l’instar des municipalités locales, le pouvoir de citer des immeubles patrimoniaux. L’immeuble à citer devra être compris dans une partie du territoire identifiée à cet effet au schéma d’aménagement de la MRC.

Les MRC peuvent se constituer un conseil régional du patrimoine pour les guider dans l’exercice de leurs pouvoirs. Elles possèdent les mêmes pouvoirs d’ordonnance et de subvention que ceux qui sont applicables aux municipalités locales. Le pouvoir d’ordonnance permet à la MRC d’ordonner, pour une période d’au plus trente (30) jours, soit :

  • La fermeture d’un lieu et n’en permettre l’accès qu’à certaines personnes ou à certaines conditions;
  • La cessation de travaux ou d’une activité, ou la prise de mesures de sécurité particulières;
  • Des fouilles archéologiques;
  • Et toute autre mesure qu’elle estime nécessaire pour empêcher la menace pour le bien.

La nouvelle loi prévoit également que si le conseil d’une municipalité locale ou d’une MRC qui a cité un bien envisage d’abroger son règlement de citation, il doit alors en aviser la MRC ou la municipalité locale sur le territoire de laquelle se trouve le bien patrimonial au moins quatre-vingt-dix (90) jours avant de le faire. Ceci permettra à cette dernière de prendre le relais et de citer le bien en remplacement de la citation abrogée.

Acquisition et location d’un immeuble protégé

Les MRC, comme les municipalités, peuvent dorénavant acquérir un immeuble patrimonial cité ou situé dans un site patrimonial qu’elles ont cité, et ce, de gré à gré ou par expropriation.

La loi prévoit que le bien patrimonial ainsi détenu peut être loué à toute personne, y compris une entreprise.

Malgré la Loi sur l’interdiction de subvention municipale, la municipalité pourra alors fixer un loyer préférentiel à un coût inférieur à sa juste valeur marchande. Il s’agit ici de dispositions qui visent à favoriser l’occupation des immeubles patrimoniaux, pour ainsi contribuer à éviter leur détérioration.

Les revenus de location doivent être utilisés prioritairement pour l’entretien nécessaire à la préservation de la valeur patrimoniale du bien et au respect des engagements financiers contractés par la municipalité en l’endroit de ce bien (par exemple : le remboursement d’un emprunt ayant financé l’achat ou la restauration du bien).

Conclusion

Certaines démolitions d’immeubles patrimoniaux ont capté l’attention médiatique et fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années. Face à une réelle et légitime inquiétude de la population, le législateur est intervenu pour octroyer des pouvoirs accrus aux MRC et aux municipalités. Il est à prévoir que, sous l’impulsion de différents groupes de pression et des citoyens en général, les MRC et les municipalités seront de plus en plus actives en matière de préservation du patrimoine. Il sera intéressant de suivre l’évolution des initiatives locales et régionales dans le domaine et la façon dont les intervenants municipaux seront appelés à exercer pleinement les nouveaux pouvoirs qui leur ont été octroyés


[1]     Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives, LQ 2021, ch.10.

ÉCRIT PAR :

Me Louis Béland

Avocat associé au sein du cabinet DHC Avocats