La gestion des actifs municipaux est une démarche en plusieurs étapes qui vise à bien connaître l’état des infrastructures afin de décider comment les utiliser et les entretenir de façon optimale en tenant compte des besoins actuels et futurs ainsi que des risques. De plus en plus de municipalités assurent un suivi rigoureux de la gestion de leurs infrastructures, et pour cause. Une saine gestion des actifs permet de bien gérer ses infrastructures et de prendre des décisions éclairées lorsque vient le temps d’investir.
Toutes les municipalités n’ont malheureusement pas encore entrepris de démarche de gestion des actifs parce qu’elles ne savent pas comment s’y prendre ou parce qu’elles croient ne pas avoir les ressources humaines ou financières nécessaires. Dans une série de cinq textes, nous expliquons chacune des cinq compétences clés à maîtriser pour implanter une saine gestion des actifs. Dans cette édition, nous traitons de la seconde compétence : le personnel et le leadership.
COMMENT DÉVELOPPER CETTE COMPÉTENCE?
La gestion des actifs est une démarche stratégique qui nécessite l’adhésion et l’engagement de toutes les ressources humaines au sein d’une municipalité, autant des élus·es que du personnel. Que ce soit au sein d’une petite ou d’une moyenne municipalité, il ne s’agit pas de créer du travail, mais de mieux coordonner les pratiques actuelles et de les moderniser sous forme d’approche systématique et organisée.
Afin d’enclencher et de pérenniser la démarche, une personne de l’organisation doit en assurer le leadership. Selon la dynamique de l’organisation, le leader peut autant faire partie du conseil municipal que de l’équipe administrative. Sa première tâche sera de créer une équipe multidisciplinaire qui réunira les employés municipaux possédant les compétences et les connaissances entourant les actifs, l’information et les finances. Le leader devra aussi susciter l’adhésion du conseil municipal afin qu’il y affecte les ressources nécessaires pour procéder à l’inventaire et à la préparation d’une feuille de route.
En d’autres mots, le leader mobilise les membres de l’organisation, gagne l’adhésion de la haute direction et des élus·es, crée un comité de travail doté de responsabilités claires et s’assure que les ressources sont suffisantes.
QUI DEVRAIT FAIRE PARTIE DE L’ÉQUIPE MULTIDISCIPLINAIRE?
Une équipe multidisciplinaire idéale devrait réunir les employés qui connaissent chaque aspect de la prestation de services : les opérations, la planification, les finances, la prise de décisions ainsi que les activités de chaque service municipal pertinent. S’il s’agit d’une petite municipalité, l’équipe peut comprendre uniquement le directeur général et le gestionnaire des travaux publics.
Pour débuter, les membres de l’équipe multidisciplinaire devraient se réunir afin de discuter de ce qu’est la gestion des actifs et de savoir pourquoi il est important d’entreprendre une telle démarche. Ils devraient ensuite élaborer une feuille de route et s’assurer des ressources nécessaires.
Pour susciter l’adhésion des élus·es, les membres de l’équipe pourraient faire une présentation au conseil municipal pour expliquer en quoi consiste la gestion des actifs, pourquoi elle est importante, en quoi elle diffère des pratiques actuelles et ce qui devrait être mis en place par l’organisation pour enclencher la démarche.
L’engagement du conseil municipal et de la haute direction aura l’avantage de faciliter l’implantation du processus. Puisqu’il s’agit d’une démarche en continu, en obtenant un mandat organisationnel clair et l’adhésion du conseil municipal, il sera possible de franchir les autres étapes menant à une saine gestion des actifs.
L’EXEMPLE DE PIOPOLIS
À Piopolis, sur les rives du lac Mégantic, le maire s’est fait le leader de l’implantation de la démarche dans sa municipalité. L’enjeu est tellement important pour Peter Manning que la gestion des actifs figure en tête de liste des dossiers sous sa responsabilité sur le site Web de la Ville.
« C’est important de savoir ce que l’on possède et si c’est bien entretenu, explique-t-il. Il faut être capable de prévoir un ou deux ans à l’avance pour ne pas être pris au dépourvu et prévoir les budgets nécessaires à l’entretien de nos actifs. Aussi, lorsqu’arrivent de nouveaux programmes de subventions, il faut être prêt à déposer des demandes. »
Peter Manning a été sensibilisé à l’importance d’une saine gestion des actifs lors du Congrès de la FQM en 2019. Il en a ensuite discuté avec la directrice générale de Piopolis, puis suivi les formations offertes par la FQM dans le cadre du Programme de gestion des actifs municipaux avant d’enclencher la démarche dans sa municipalité.
« Il a fallu que je vende l’idée aux conseillers municipaux, que je leur explique les avantages et la façon dont nous allions procéder, se rappelle-t-il, en assurant que toute l’organisation est maintenant mobilisée. Toute la petite équipe de la municipalité met la main à la pâte. La directrice générale, le directeur des travaux publics, l’urbaniste, on s’est assis ensemble et on s’est fait un plan de match, en commençant par l’inventaire de nos actifs. »
DES EXEMPLES DE RÉALISATION
Le maire de la municipalité de 350 habitants de la MRC du Granit, en Estrie, donne quelques exemples de réussites obtenues grâce à l’implantation de la démarche. « La toiture du bâtiment municipal était à refaire depuis plusieurs années. Ça faisait 4 ou 5 ans que le projet était reporté parce que le toit ne coulait pas encore, raconte-t-il en insistant sur le fait qu’il ne faut pas attendre que ça coule pour réparer. Parce qu’on a prévu, on a réussi à se qualifier pour obtenir une subvention, et là, c’est fait! »
Il donne aussi l’exemple d’un nouveau camion récemment acheté par la municipalité. « Nous commençons déjà à planifier. Nous savons que sa durée de vie sera d’environ 20 ans et nous planifions dès maintenant les montants que nous aurons à investir pour son entretien dans 10 ou 15 ans. »
En faisant l’inventaire de ses actifs, Piopolis a aussi eu des surprises. « Nous avons découvert des choses dont nous ignorions l’existence, poursuit-il. Entre autres, il y avait un bâtiment qui avait jadis servi à la municipalité, puis été loué, mais qui n’avait jamais eu de suivi. L’inspection a révélé que c’était infesté de champignons. Il y avait aussi une vieille école achetée il y a plusieurs années et dont plusieurs murs étaient complètement pourris. Dans ces cas, on est obligé de faire du rattrapage et ça coûte beaucoup plus cher. Il ne faut pas attendre que ça dégénère avant d’agir. »
S’adressant aux petites municipalités qui n’ont pas encore entrepris la démarche, Peter Manning insiste sur l’importance de constituer un inventaire des actifs et de planifier. « L’objectif est d’essayer le plus possible de prévoir les dépenses à venir, idéalement sur un horizon de 4 à 5 ans, précise-t-il. L’erreur, c’est d’avoir une courte vue. Il faut prendre un item à la fois en commençant par ceux qui ont le plus de répercussions sur la sécurité de la population, en se rappelant qu’un éléphant se mange une bouchée à la fois! »
C’est la formule retenue par Piopolis qui avance tranquillement, mais sûrement dans sa démarche. « Nous continuons de bâtir notre inventaire. Nous avons un tableau de suivis et des étapes à suivre. Parmi celles-ci, nous comptons adopter une politique de gestion des actifs, mais nous ne sommes pas encore rendus là pour l’instant », conclut-il.
RENSEIGNEZ-VOUS!
La FQM et la Fédération canadienne des municipalités (FCM) proposent un large éventail de ressources en matière de gestion des actifs. Des outils pour mesurer la progression de votre organisation pour chacune des cinq compétences clés de la gestion des actifs sont disponibles à fcm.ca/sites/default/files/documents/ resources/tool/echelle-preparation-gestion-actifs-pgam.pdf.
Les communautés de pratique constituent également une ressource additionnelle offrant un soutien en gestion des actifs. La liste de ces communautés se trouve sur le site de la FCM. Aussi, le service d’ingénierie et infrastructures de la FQM offre de nombreuses ressources à fqm.ca/services/ingenierie-et-infrastructures-2.
Parue dans le magazine QUORUM, Vol. 47 No 4, décembre 2022, pages 22-23