Depuis maintenant plusieurs années, les impacts des changements climatiques frappent régulièrement les municipalités de plein fouet. Non seulement elles sont appelées à intervenir en tant que services de première ligne, mais elles doivent également moderniser leurs installations et leurs infrastructures pour devenir plus résilientes. C’est particulièrement le cas pour la gestion de l’eau qui doit être repensée.
Genèse d’un projet essentiel
Étant donné leurs responsabilités, les municipalités québécoises ont un rôle essentiel à jouer en matière d’adaptation et de lutte aux changements climatiques, lequel génère de nombreux défis auxquels elles doivent faire face, notamment en ce qui a trait à la gestion de l’eau.
C’est dans cette optique qu’est née, en février 2024, la chaire municipale en gestion durable de l’eau[1], issue d’un partenariat entre la Fédération québécoise des municipalités (FQM) et l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), avec l’appui du MAMH. Les deux organisations se sont alliées ainsi pour développer des solutions en gestion durable de l’eau dans le contexte de la crise climatique. Il s’agit d’une initiative unique dans le domaine, la FQM s’associant à une chaire de recherche pour la toute première fois.
En réunissant toutes les parties prenantes, la chaire permet de définir plus aisément les priorités de recherche, d’agir plus efficacement et de s’assurer que les solutions répondent aux réels besoins des municipalités. De plus, les demandes de financement pour les projets issus de la recherche extensive pourront être préparées de façon concertée.
Les objectifs de cette initiative sont simples :
- Accompagner les municipalités pour déterminer les meilleures solutions pour améliorer la qualité de l’eau des rivières, réduire les risques associés aux inondations et accroître la durabilité et l’efficacité des infrastructures de gestion des eaux
- Former du personnel hautement qualifié ayant une expertise de pointe unique
Enjeux fondamentaux
Une étude de marché[2] effectuée par Econoler pour la FQM, avec l’aide financière de Transition énergétique Québec (TEQ), souligne entre autres que le secteur du traitement des eaux potables et usées représente 49 % des besoins d’investissement contre 51 % pour les bâtiments municipaux. Ainsi, près de la moitié des besoins en matière de transition énergétique se situe dans le domaine de la gestion de l’eau. L’adaptation des façons de faire et la modernisation des infrastructures sont donc essentielles pour assurer la résilience du monde municipal. Un des enjeux les plus criants est celui des risques liés aux inondations. En effet, les changements climatiques ayant augmenté considérablement ces risques dans les dernières années, cela fait en sorte que certaines mesures doivent être prises pour protéger les milieux humides. Or, cela pose un enjeu pour le zonage et par rapport aux opportunités de développement économique et de création de logements. La chaire aura l’occasion de se pencher sur le développement et la mise en place de solutions d’ingénierie favorisant la perméabilité ou la récupération de l’eau.
La modernisation des infrastructures d’eau potable, usée et pluviale est une des grandes priorités pour les organisations municipales. Tant en ce qui concerne les opérations que pour la gestion des actifs, beaucoup de travail doit être fait pour améliorer la durabilité des infrastructures et l’efficacité des façons de faire. La recherche pourra étudier les moyens les plus efficaces d’optimiser la gestion des différents réseaux pour face aux changements climatiques et à d’autres menaces.
La protection des cours d’eau est également un enjeu essentiel, particulièrement en ce qui a trait à l’équilibre entre les divers usages et la protection des écosystèmes naturels et de la biodiversité. La chaire verra à revoir les modes de développement du territoire de façon que la protection des milieux naturels soit favorisée.
De plus en plus de régions ont également à faire face à des pénuries d’eau potable, directement liées aux changements climatiques, à l’augmentation des épisodes de chaleur extrême et à des problématiques liées au développement économique. Nous avons d’ailleurs évoqué cette situation dans l’édition de mars 2023 de ce magazine, alors que nous mettions en lumière les efforts de la MRC Brome-Missisquoi pour remédier à ce problème criant[3]. La chaire pourra donc travailler sur des solutions pour ces municipalités qui éprouvent des problèmes d’approvisionnement à la source, notamment la réduction des pertes d’eau potable.
Pour et par les municipalités
Sous la direction de Sophie Duchesne, professeure à l’INRS et experte en hydrologie et infrastructures urbaines, ce projet de recherche est conçu pour être mené pour et par les municipalités.
En effet, les municipalités, représentées par la FQM, seront impliquées dans la gouvernance de la chaire pour favoriser le partage des découvertes scientifiques dans l’ensemble du monde municipal, afin d’éviter les recherches en silos et de pouvoir optimiser les solutions à l’échelle du Québec. La collaboration avec les organismes municipaux permettra aussi d’ancrer la recherche dans l’expérience et les défis concrets.
La chaire permettra de consolider les connaissances déjà acquises et d’en apprendre davantage sur les besoins et sur les particularités spécifiques aux régions. À terme, ces informations permettront d’élaborer des stratégies adaptées, efficaces et efficientes.
Les thématiques de recherche de la chaire seront établies en fonction des préoccupations municipales et gouvernementales, dont la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable 2019- 2025, les recommandations du groupe de travail « Assainissement 2.0 » et le Plan québécois de protection du territoire face aux inondations.
Les solutions aux enjeux vécus par les municipalités québécoises en matière d’eau existent déjà. Cette initiative a pour but de consolider les expertises afin de déterminer et de mettre en place les meilleures mesures à moindre coût et de la façon la plus efficace possible.
Formation et préparation de la relève
La relève scientifique fera partie intégrante de ce projet qui soutiendra la formation de futurs spécialistes en gestion de l’eau, sensibilisés aux questions du développement des territoires, de l’urbanisation et des changements climatiques. Grâce à cette formation spécialisée, ces professionnels hautement qualifiés pourront éventuellement combler les besoins en ressources humaines des municipalités québécoises.
La chaire agira donc comme tremplin pour bâtir des communautés résilientes et mieux outillées face à ces défis. Que ce soit pour diminuer les risques d’inondation, moderniser les équipements, améliorer la gestion des eaux usées, assurer l’approvisionnement en eau potable ou pour protéger les cours d’eau, les questions à étudier ne manqueront pas. Il s’agit d’un partenariat structurant pour la gestion durable de l’eau au Québec.
_____
[1] inrs.ca/la-recherche/chaires-groupes-et-reseaux-de-recherche/chaire-municipale-en-gestion-durable-de-leau-soutenue-par-la-federation-quebecoise-des-municipalites
[2] Étude de marché sur les besoins d’investissement en efficacité énergétique dans les municipalités du Québec, Econoler, 2020
[3] Fédération québécoise des municipalités, magazine QUORUM, Vol.48, No 1, mars 2023, p.35