Étude de cas : l’épineuse question des locations à court terme

30 octobre 2023
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Par Me Marie-Hélène Savard
Avocate et directrice | Service d’assistance juridique et de la prévention des sinistres
Fédération québécoise des municipalités

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Les experts en sinistre du Fonds d’assurance des municipalités du Québec (Fonds) traitent chaque année de nombreux sinistres qui auraient pu soit être évités, soit être moins dommageables. Une sensibilisation adéquate des employés et la mise en place d’un processus efficace de gestion des risques auraient pu faire toute la différence dans plusieurs de ces cas.

Afin d’illustrer nos propos, nous présentons ci-dessous un exemple fictif, mais très réaliste, d’un événement qui pourrait survenir dans de nombreuses municipalités. À noter que toute ressemblance avec des personnes ou des faits ayant eu lieu n’est que pure coïncidence.

Ce qui est arrivé

Le promoteur immobilier a acheté un terrain situé sur le territoire de la municipalité de Sainte-Chapelle-Ardente dans l’objectif d’y construire des chalets pour les revendre à des particuliers à titre de propriétés à revenu pour y faire de la location touristique à court terme de type Airbnb.

Avant de débuter la construction des chalets, le promoteur a pris rendez-vous avec l’officier responsable de l’émission des permis de la municipalité, Gilbert, pour obtenir l’attestation de conformité de la ville. La demande du promoteur est approuvée par le service d’urbanisme, lequel remet l’attestation au promoteur. Puisqu’il s’agit d’un développement à vocation touristique, le promoteur demande un permis à la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), qui l’accorde sans problème avec l’attestation approuvée de la municipalité.

Une fois toute la documentation en main, le promoteur vend à des particuliers la moitié des chalets à construire avant que la municipalité réalise que la vocation prévue pour le nouveau développement est interdite en raison de la règlementation municipale. Le service d’urbanisme de Sainte-Chapelle-Ardente avertit alors le promoteur qu’il n’aurait jamais dû obtenir l’attestation de conformité en raison de la nature de son projet.

Résultat : le promoteur perd toute la valeur des chalets qui n’ont pas encore été vendus, les chalets déjà vendus perdent également de la valeur puisqu’ils ont été achetés comme propriété à revenu, donc plus cher qu’un chalet régulier, et les nouveaux propriétaires perdent également les revenus potentiels des chalets puisqu’ils ne pourront pas les louer. De son côté, la municipalité s’expose à des poursuites coûteuses de la part du promoteur et des nouveaux propriétaires.

Comment cela aurait-il pu être évité?

Pour le traitement de demandes d’attestation de conformité et l’émission de permis de construction, il est essentiel qu’une municipalité se dote d’une procédure claire qui doit être suivie rigoureusement par ses officiers municipaux.

Une procédure comportant notamment la vérification de la règlementation municipale applicable, les usages permis dans la zone ciblée en vertu du règlement de zonage, les informations à demander et la documentation obligatoire à fournir selon le règlement sur les permis et les certificats auraient pu éviter à Gilbert de commettre cette erreur. En posant les bonnes questions prévues à la procédure, il aurait tout de suite connu la vocation du projet de nouveau développement et aurait pu vérifier immédiatement si cet usage était permis par la règlementation.

En plus de cette procédure, outil indispensable au service de l’urbanisme, la municipalité aurait eu tout intérêt à bien former ses employés sur le contenu des règlements applicables. Une bonne connaissance du territoire desservi et des usages permis par zones est un atout majeur pour le traitement des demandes. Un plan de formation régulière et adéquate permet aux employés municipaux d’augmenter leur niveau de compétence et ainsi d’éviter les réclamations basées sur des erreurs et omissions relatives à l’émission d’attestations et de permis.

Le Service d’assistance juridique peut vous prêter assistance dans le traitement des demandes de permis, notamment dans l’analyse de la règlementation municipale et des lois applicables afin d’éviter d’engager la responsabilité de votre municipalité.