Télétravail, vie privée et droits de gérance de l’employeur : comment faire bon ménage?

19 octobre 2022
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19 octobre 2022

La pandémie aura précipité et imposé le télétravail dans les habitudes et modes de travail et on n’y échappe plus, même au sortir des plus importantes consignes sanitaires.

Or, comme on a pu le constater, tout en traversant cette période toute particulière de notre histoire, le législateur a mis de l’avant une importante mise à jour des règles en santé et sécurité du travail.

En effet, le 6 octobre 2021, la Loi modernisant le régime de santé et de la sécurité du travail1 est entrée en vigueur et, suivant un certain calendrier d’entrée en vigueur de ses dispositions, elle transforme certains aspects du travail. Les municipalités du Québec s’en sont trouvées spécialement affectées.

En effet, dès son entrée en vigueur, de nouvelles maladies professionnelles ont été reconnues par mode de présomption pour les pompiers ainsi que pour des travailleurs qui ont eu à travailler avec des pesticides, lesquels peuvent encourir la maladie de Parkinson.

Aussi, comme ailleurs dans le monde du travail, les municipalités doivent composer avec les exigences de leurs employés pour du télétravail à temps partiel et même à plein temps.

Or, la modernisation du régime a su régulariser des principes applicables à ce mode de travail, mais aussi à y proposer de nouveaux principes.

En effet, dans son objectif de prévention, le télétravail est maintenant considéré comme lieu de travail.

De plus, bien que les développements jurisprudentiels nous y menaient, tous les risques à la santé que l’on cherche à prévenir incluent dorénavant la santé mentale.

En lien avec ce qui précède, la Loi a ajouté une obligation toute particulière à l’employeur : le devoir de s’assurer de la protection du travailleur exposé sur les lieux du travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.

Dès lors, dans un monde soucieux du respect de la vie privée, un principe amplement protégé par la Loi, les employeurs, dont les municipalités, devront agir avec doigté afin d’exercer leurs droits et obligations.

En effet, le droit de gérance accorde à l’employeur le droit de surveiller l’exécution du travail, mais s’impose à lui en plus, l’obligation de s’assurer d’un lieu de travail sécuritaire au plan physique et mental, et ce, pour tous ses d’employés, travaillant autant au bureau qu’en télétravail.

Les employés à distance doivent s’attendre à entrouvrir la porte de leur demeure à leur employeur.

La situation peut devenir délicate entre le respect de la vie privée et la vérification du lieu de travail qu’on veut sain et sécuritaire, au plan physique dans la demeure des employés autant qu’à celui de la santé mentale et de la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel!

La survenance d’accidents du travail ou de maladies professionnelles à la demeure de l’employé en télétravail comporte aussi son lot de défis, ne serait-ce que pour investiguer les lieux et circonstances propres à un accident allégué par un travailleur.

De bonnes politiques bien diffusées, traçant les règles en ce domaine, sauront aider employeurs et employés à cheminer dans les respect de leurs obligations et droits respectifs.

Diverses autres règles ont progressivement su entrer en vigueur depuis le 6 octobre 2021 et une règle mérite qu’on s’y attarde plus spécifiquement.

À cet effet, en date du 6 octobre 2022, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) peut maintenant déterminer un accommodement raisonnable pour un travailleur, de retour au travail, mais qui n’est pas en mesure de reprendre l’emploi qu’il occupait avant sa lésion professionnelle.

Il sera maintenant intéressant de voir comment s’opéreront les choses dans le contexte du télétravail que l’on connaît maintenant. Pourrait-on penser que la CNESST considère le télétravail à plein temps comme accommodement raisonnable?

Beaucoup de questions et de beaux défis demeurent!


(1) LQ 2021. c.27

ÉCRIT PAR :

Me Jean-François Martin

Avocat associé au sein du cabinet DHC Avocats