18 mai 2022
Le principe voulant que les municipalités n’aient pas à informer les citoyens du contenu de leur réglementation est bien connu et a souvent été réitéré par les tribunaux. Malgré ceci, encore à ce jour, il demeure que plusieurs poursuites sont intentées contre les municipalités sur la base d’une prétendue obligation d’information. Un exemple récent nous est donné dans l’affaire 9179‑0717 Québec inc. c. Ville de Saint-Colomban1.
Les faits de cette affaire sont les suivants. En 2008, 9179‑0717 Québec inc. (« Québec inc. ») fait l’acquisition de terrains sur le territoire de la Ville de Saint-Colomban en vue d’un projet d’ensemble résidentiel. L’année suivante, en 2009, la Ville adopte des règlements qui interdisent l’ouverture de nouvelles rues en bordure de terrains de moins de 40 000 m2, ce qui met un frein au projet de Québec inc.
Malgré cette nouvelle réglementation, en 2011, Québec inc. entreprend des travaux de construction d’une rue, sans en aviser la Ville au préalable, ni obtenir de permis ou signer une entente relative aux travaux municipaux. L’année suivante, soit en 2012, le conseil municipal approuve par erreur un plan de développement préliminaire produit par la demanderesse. Québec inc. intente une première poursuite, soit une demande en mandamus afin de forcer l’émission d’un permis par la Ville. Cette première demande est rejetée par la Cour supérieure en juin 20172. Bien qu’elle rejette la demande de Québec inc., la Cour émet tout de même une certaine critique à l’endroit de la Ville à son paragraphe 99 :
« [99] Il se peut que le comportement de la Ville ou de ses représentants, élus ou non, ait pu induire les demanderesses en erreur quant à la réglementation applicable ou quant au statut du projet et ainsi les inciter à effectuer des dépenses qu’elles n’auraient pas autrement engagées. Cependant, le recours ici entrepris contre la défenderesse ne vise pas à obtenir des dommages mais plutôt à l’obliger à donner suite aux résolutions P‑10 et P-11 de manière à permettre la réalisation du projet de développement de 9179. »
Forte de ces commentaires de la Cour, Québec inc. intente une nouvelle poursuite, mais cette fois‑ci en dommages, afin de réclamer les frais qu’elle a investis dans son projet, ainsi que ceux relatifs aux travaux qu’elle a débutés sans permis pour un total d’environ 350 000 $.
En rendant son jugement sur la demande en dommages, la Cour supérieure rappelle qu’il appartient au promoteur de vérifier la légalité de son projet. La Cour ajoute que l’adoption d’une nouvelle réglementation n’emporte pas l’obligation pour la municipalité d’en informer les personnes qui pourraient voir leurs projets contrecarrés par la nouvelle réglementation.
Le tribunal réitère ce principe de la façon suivante, aux paragraphes 61 et 68 de sa décision :
« [61] 9179 Québec plaide que la Ville a commis une faute en ne l’avisant pas que la réglementation municipale en vigueur depuis 2009 interdisait la construction du chemin proposé par la demanderesse. Or, la jurisprudence est bien établie que les officiers municipaux n’ont pas l’obligation d’informer des citoyens du contenu des règlements. Il appartient au promoteur « de vérifier la légalité de tous les aspects de son projet et de requérir, au besoin, l’opinion d’un juriste sur la réglementation pertinente ». Selon la preuve, monsieur Desjardins n’a jamais obtenu d’avis professionnel concernant la légalité du son projet. (…)
[68] Le Tribunal reconnait que ses conclusions sont sévères à l’égard de monsieur Desjardins et ses sociétés. Cependant, les demanderesses auraient dû s’informer de leurs droits et obligations avant d’agir. Elles auraient dû respecter les exigences imposées par les règlements municipaux, sans présumer la complaisance de la Ville. Bref, elles auraient dû veiller au grain. »
En rendant sa décision, la Cour insiste sur le fait que les demanderesses ont débuté leurs travaux en 2011, soit avant l’approbation par erreur de leur plan de développement préliminaire de 2012. L’erreur de la Ville d’approuver un plan non conforme à la réglementation n’a donc aucun effet dans le présent cas.
Bien que la décision de la Cour supérieure n’en traite pas, il faut aussi voir que la nouvelle réglementation de 2009 interdisant l’ouverture de nouvelles rues en bordure de terrains de moins de 40 000 m2 n’était ni plus ni moins qu’une modification de concordance rendue nécessaire en raison des nouvelles normes du Schéma d’aménagement de la MRC. En effet, la réglementation municipale contient souvent des contraintes au développement, qu’il s’agisse de l’imposition de zones de réserve ou encore du phasage du développement. Ces normes découlent généralement des dispositions du schéma d’aménagement qui découlent elles-mêmes des orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire (« OGAT ») concernant la gestion de l’urbanisation et qui sont imposées par le gouvernement à toutes les MRC. Dans un tel contexte, la norme qui pose une contrainte au développement qui découle d’une obligation de concordance avec le schéma d’aménagement devrait en règle générale être jugée valide par la Cour comme ce fut le cas dans Grubb c. Municipalité du Canton de Shefford3.
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[1] 2022 QCCS 358.
[2] 2017 QCCS 2528.
[3] 2019 QCCS 1637.
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