Entrevue avec Julie Beaudoin – PRIMEAU 2023 : les impacts du nouveau programme pour les municipalités

En avril dernier, la ministre des Affaires municipales annonçait la nouvelle mouture du Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU). Plusieurs modifications importantes y ont été apportées, dont des éléments d’aménagement du territoire et d’écoresponsabilité. La directrice générale des infrastructures d’eau au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), Julie Beaudoin, explique les impacts de ces modifications pour les municipalités.

PRIMEAU 2023 : c’est quoi?

Le programme PRIMEAU 2023 vise la réalisation de travaux de construction, de réfection ou d’agrandissement d’infrastructures municipales d’eau potable et d’eaux usées. Une enveloppe financière de 2,4 milliards de dollars sur 10 ans y est rattachée. Le programme se divise en deux volets. Le premier concerne les infrastructures d’eau et comprend deux sous-volets, l’un pour les études préliminaires et plans et devis et l’autre pour la réalisation des travaux. Le deuxième volet est destiné au renouvellement de conduites d’eau.

Dans le contexte de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable (SQEEP) et face aux enjeux environnementaux, il s’avérait judicieux de revoir le programme de financement des travaux d’infrastructures en eau en fonction des capacités, tant financières qu’humaines, des municipalités.

Programme sur 10 ans : pour une meilleure prévisibilité

« C’est le premier programme d’infrastructures avec une durée si longue, parce qu’il est associé à une démarche d’élaboration et de mise en œuvre des plans de gestion d’actifs. Donc, pour le Conseil du trésor, c’était un plus pour accorder une durée si longue, car les projets seront basés sur de meilleures connaissances des besoins et sur la planification à long terme », souligne M^me Beaudoin. Le PRIMEAU 2023 permet donc aux municipalités d’aller chercher auprès du MAMH une promesse de financement jusqu’en 2031. Elles auront jusqu’en 2033 pour réaliser les travaux.

« Le programme est à plus long terme. Ce n’est pas pour que les municipalités aillent chercher des promesses trop d’avance, mais plutôt pour qu’elles le fassent au bon moment. D’ailleurs, parmi les nouveautés du programme, la mise à jour des balises et des critères économiques pour le calcul financier sera maintenant faite aux deux ans. Donc, en attendant le moment opportun pour faire leur demande, les municipalités pourront bénéficier de la meilleure aide financière possible », ajoute M^me Beaudoin.

Méthode de calcul simplifiée

Auparavant, la méthode de calcul rendait difficile pour les municipalités de prévoir le taux d’aide financière qu’elles pourraient recevoir. Le calcul utilisait plusieurs variables, notamment la richesse foncière uniformisée (RFU), qui est maintenant remplacée par la taille de la municipalité.

De plus, la prestation électronique de service (PES) permet à une municipalité d’anticiper l’aide financière maximale à laquelle elle pourrait avoir droit au volet 2, ce qui évite aux petites municipalités d’engager des frais avant même de savoir si l’aide accordée sera à la hauteur de leurs besoins pour la faisabilité du projet.

Nombre limité de promesses

La mouture précédente du programme ne limitait pas le nombre de demandes que pouvait faire une municipalité au volet 2. Ainsi, certaines emmagasinaient les promesses de financement, ce qui avait pour effet de « geler » des sommes qui n’étaient alors plus disponibles pour les autres municipalités.

Le programme PRIMEAU 2023 prévoit un maximum de trois demandes en cours, qu’elles en soient à l’étape de la demande proprement dite, de l’exécution des travaux ou de la réclamation. « Cette nouvelle mesure incitera aussi les municipalités à procéder plus rapidement à l’étape de réclamation, qui parfois est repoussée. Clore une demande permettra d’en faire une nouvelle », précise M^me Beaudoin.

Taux de financement eau potable – Eaux usées

L’un des changements importants de la nouvelle mouture du programme est que les travaux en infrastructures d’eau potable bénéficient maintenant du même taux de financement que les travaux en infrastructures d’eaux usées. « Les projets d’eau potable avaient un taux moins élevé parce que l’enjeu à l’époque n’était pas l’eau potable. Ça en est devenu un. On entend de plus en plus parler de pénurie, de restrictions. Donc, nous avons augmenté le taux financé pour les projets d’infrastructures en eau potable, tant pour l’étude du projet que pour l’exécution des travaux », ajoute la directrice générale des infrastructures d’eau.

Programme adapté à la taille des municipalités

« Le programme PRIMEAU 2023 est scindé en deux enveloppes, l’une pour les grandes villes et l’autre pour celles de 100 000 habitants ou moins. De plus, le taux pour les petites et moyennes municipalités a été majoré; il y a maintenant possibilité d’une bonification pour des projets conjoints et l’admissibilité pour l’aide financière des travaux en régie. Avec ce nouveau programme, l’ensemble des municipalités de moins de 6 500 habitants peut avoir accès à un taux de financement pouvant atteindre 95 % des travaux d’implantation d’infrastructures d’eau si elles respectent certains critères », explique Mme Beaudoin.

Taux d’aide majorés

Les taux maximaux du programme PRIMEAU 2023 ont été revus, notamment pour tenir compte de la taille des municipalités (voir le tableau ci-dessous). Les critères qui permettront aux municipalités d’accéder à une majoration du taux de financement de leur projet ont notamment pour objectifs la gestion durable de l’eau. Ainsi, en plus d’une majoration selon sa taille, une municipalité pourra aussi bénéficier d’un taux de financement plus important (jusqu’à 95 % pour une implantation) si elle répond à des critères d’écoresponsabilité tels que l’économie d’eau potable, la gestion des actifs et l’aménagement du territoire.

Pour une majoration du taux d’aide sur le critère de la gestion des actifs, les municipalités devront respecter certaines dates butoirs. D’ici 2024, un engagement par résolution municipale à réaliser un plan de gestion des actifs en eau (PGA-eau) devra être pris. Ce PGA-eau devra ensuite être déposé en janvier 2027.Cette majoration se veut un incitatif pour que les municipalités se dotent d’un outil qui leur permettra une planification plus rigoureuse du cycle de vie de leurs infrastructures et des investissements qui sont nécessaires à leur opération et à leur entretien.

L’une des grandes nouveautés du programme PRIMEAU 2023 est l’orientation tournée vers l’aménagement du territoire. Ainsi, le calcul de taux sera majoré afin que les municipalités puissent effectuer leurs travaux en fonction de la densification prévue dans leur périmètre urbain. Par exemple, si le secteur où sont prévus les travaux est appelé à se densifier, une bonification pourra être donnée pour installer des conduites avec un diamètre plus important. De plus, le périmètre urbain qui sera pris en compte sera celui reconnu au moment de la demande d’aide, contrairement à la version précédente du programme qui utilisait le périmètre reconnu à la date de création du programme. « Ces changements donnent plus de flexibilité au programme et permettent de faire des travaux tout de suite, en prévision de demain », précise M^me Beaudoin.

Souplesse et agilité

« On a fait beaucoup de discussions, de rencontres auprès d’intervenants du monde municipal. Le programme PRIMEAU 2023 répond à des choses qu’on a entendues. On a bâti un programme dans lequel on a assoupli des contraintes. On ne veut pas multiplier les programmes en eau. Il y en aura peut-être d’autres petits, mais on essaie de trouver une piste pour simplifier et être agile, que ce ne soit pas compliqué ni pour les municipalités, ni pour nous. Et on souhaite accompagner les municipalités, sans se substituer à des consultants, être le deuxième regard afin de bien les aligner parce qu’on a une vue d’ensemble. Par exemple, nous pourrions les guider vers un projet en collaboration avec une autre municipalité », conclut M^me Beaudoin.

Comparaison des taux d’aide maximum (%)