Déclaration assermentée : ne signe pas qui veut!

26 avril 2022
Fédération québécoise des municipalités

26 avril 2022

Le 16 décembre 2021, la Cour du Québec rendait une décision dans l’affaire Cévico inc. c. Ville de Sept-Îles1. Ce litige opposait la Ville de Sept-Îles (ci-après : « la Ville ») à un soumissionnaire, lequel accusait l’administration municipale d’avoir illégalement rejeté sa soumission dans le cadre d’un appel d’offres pour des travaux de décontamination et de réfection intérieure d’un bâtiment. Il prétendait également que le contrat aurait dû lui être octroyé puisqu’il était le plus bas soumissionnaire.

Au cœur de cette affaire est une déclaration assermentée du soumissionnaire, laquelle devait être jointe à la soumission. Cette exigence apparaît aux documents d’appel d’offres et provient de la politique de gestion contractuelle de la Ville, laquelle est réputée être un règlement. Devant des délais serrés, le président de l’entreprise soumissionnaire autorise par résolution son commissaire à signer pour et au nom de la société la déclaration devant un commissaire à l’assermentation de la Ville.

L’employé en question n’a pas participé à la préparation de la soumission et ne connaît pas non plus la teneur de l’appel d’offres ni des documents à déposer auprès de la Ville. Il fait confiance au président de l’entreprise soumissionnaire. Pourtant, dans cette déclaration assermentée, il affirme entre autres « que le soumissionnaire a préparé la soumission sans collusion, sans entente ou arrangement avec un concurrent, qu’il n’y a pas eu de trucage des offres, qu’il n’y a eu aucune tentative d’influence, de pression indue ou de tentative d’obtenir de l’information relative à cet appel d’offres auprès du comité de sélection et qu’il n’y a pas eu d’intimidation, de trafic d’influence et de corruption2 ».

Il apparaît clair au tribunal que le signataire de la déclaration n’est pas en mesure de connaître les informations au sujet desquelles il prête serment.

Après une analyse des origines de l’exigence d’une déclaration assermentée, le tribunal conclut que celle-ci ne peut être considérée comme étant une formalité, mais revêt plutôt une grande importance3. La validité de cette déclaration devient donc un enjeu majeur quant à la validité de la soumission. Bien que le tribunal reconnaisse que la soumission et la déclaration du soumissionnaire n’ont pas à être signées par la même personne, il est cependant essentiel que le déclarant ait participé à la préparation de la soumission de manière à « en connaître les tenants et aboutissants et avoir suffisamment d’information pour donner plein effet à cette déclaration4 ».

En effet, une déclaration assermentée n’est pas qu’un formulaire à remplir. Par son serment, le déclarant atteste de la véracité du contenu de la déclaration à sa connaissance personnelle. Ainsi, si le déclarant n’est pas en mesure de connaître l’information qui fait l’objet de la déclaration, cette dernière ne peut être valide, ou pour reprendre les termes employés par le tribunal, celle-ci « n’a aucune valeur factuelle et juridique ».

En conclusion, ce n’est pas parce qu’un document est signé que cette signature est nécessairement valide. Il faut s’assurer que la personne qui déclare un fait soit en mesure de le faire, sans quoi la validité de cette déclaration et incidemment de la soumission qu’elle accompagne peut être remise en question, comme ce fut le cas dans cette affaire.

_______________________________________

[1] 2021 QCCQ 13271.
[2] Paragraphe 17 de la décision.
[3] Paragraphe 30 de la décision.
[4] Paragraphe 34 de la décision.
[5] Paragraphe 40 de la soumission.

ÉCRIT PAR :

Me Maryse Catellier Boulianne

Avocate chez Morency, Société d’avocats, s.e.n.c.r.l.