6 septembre 2023
Le régime d’autorisation de contracter instauré par le gouvernement dans la foulée de la Commission Charbonneau a été mis en place par le biais, notamment, de la Loi sur les contrats des organismes publics, dont l’article 21.17 prévoit l’obligation pour une entreprise désirant conclure un contrat avec un organisme public de détenir une autorisation décernée par l’Autorité des marchés publics (AMP, anciennement l’Autorité des marchés financiers). Les seuils d’application minimum ont été progressivement réduits afin de viser, depuis 2014, tout contrat de construction de 5 M$ et plus.
Ce régime s’applique au monde municipal par le biais de l’art. 573.3.3.3 de la Loi sur les cités et villes, pour tout contrat comportant une dépense égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement.
Dans le cadre de l’affaire L. A. Hébert ltée c. Ville de Lorraine1 rendue ce printemps, s’est posée la question suivante : une ville peut-elle exiger la détention d’une autorisation de l’AMP pour des seuils inférieurs à ceux décrétés par le gouvernement dans le cadre d’un appel d’offres?
Le document d’appel d’offres de la Ville, dans ce dossier, ne souffrait d’aucune ambiguïté et exigeait que les soumissionnaires soient autorisés à contracter par l’AMP à la date de la soumission, sans référence à un seuil minimal. L’entreprise L. A. Hébert, qui était conforme à cette exigence, a déposé une offre de 4 439 817 $, arrivant deuxième derrière une entreprise ne détenant pas l’autorisation requise.
Malgré la rédaction de sa clause, la Ville a octroyé le contrat au plus bas soumissionnaire, arguant qu’elle n’était pas tenue d’assurer le respect de la condition liée à l’autorisation de contracter, qui ne serait applicable qu’aux contrats comportant une dépense de plus de 5 M$.
La Cour supérieure a retenu la position de la Ville et conclu à l’inapplicabilité de la clause d’autorisation au contrat en question, vu le montant des soumissions. La Cour mentionne que la clause de la Ville doit être lue à la lumière du régime législatif applicable, rappelant qu’il appartient au gouvernement de fixer les seuils applicables. L’article 21.17.1 de la LCOP prévoit d’ailleurs que le gouvernement peut, aux conditions qu’il fixe, imposer la détention d’une autorisation de l’AMP pour des montants inférieurs au seuil de 5 M$, ce qu’il a d’ailleurs fait par décret à certaines occasions, par exemple à l’égard de la Ville de Montréal.
En l’absence d’une telle autorisation donnée à la Ville, celle-ci était bien fondée de ne pas appliquer l’exigence d’une autorisation à un contrat inférieur au seuil prévu par décret, et pouvait validement l’écarter. Inversement, rappelle la Cour, la Ville n’aurait pas pu exercer sa discrétion afin d’écarter la clause à l’endroit d’une soumission de plus de 5 M$.
Ce rappel des règles applicables est d’intérêt pour l’ensemble des corps municipaux, qui auront avantage à préciser les clauses de leurs documents d’appel d’offres à la lumière de cette décision.
[1] 2023 QCCS 1020
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