Véhicule acheté, loué ou financé : distinctions juridiques

01 novembre 2023
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1 novembre 2023

De multiples options d’approvisionnement de véhicules routiers existent pour les municipalités du Québec, mais quelles sont les distinctions juridiques entre elles? Pourquoi une municipalité choisirait-elle de louer un véhicule lourd au lieu de l’acheter? Pourquoi choisir de se procurer un véhicule léger par crédit-bail plutôt que de le louer? Quels sont les droits et les obligations des municipalités dans le cadre de ce type de contrat? Cette chronique démystifiera l’achat, la location et le crédit-bail pour les municipalités.

Achat : attention aux seuils d’appel d’offres

En choisissant la voie du contrat d’achat, la municipalité paye le prix entier du véhicule d’un seul coup. Cette option entraîne nécessairement une dépense plus élevée, ce qui peut avoir un impact sur l’application des règles de gestion contractuelles.

Puisque le seuil d’appel d’offres public est de 121 200 $1, les règles liées à celui-ci s’appliqueront2 pour toute dépense qui dépasse ce montant, et ce, tant pour les véhicules neufs que pour ceux qui sont usagés.

S’ajoutent au seuil d’appel d’offres public les seuils de discrimination territoriale (Canada ou Union européenne) et de délais minimaux pour la réception des soumissions (15 jours ou 30 jours) pour les contrats d’approvisionnement, qui sont de 121 200 $ et 366 799 $ actuellement3.

Du point de vue pratique, cette option permet aux municipalités de bénéficier d’un plus grand marché et, conséquemment, de plus de concurrence. Les options risquent donc d’être plus grandes et les prix meilleurs.

Du côté financier, l’achat engendre une dépense unique importante qui ne peut probablement pas être assumée par le fonds de roulement de la municipalité et celle-ci devrait alors financer l’achat par un emprunt distinct. Or, rappelons que les formalités liées à un emprunt incluent l’adoption d’un règlement, la demande au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), les intérêts et l’amortissement4. Toutefois, il faut noter que les taux d’intérêt sont souvent avantageux pour les municipalités grâce au fait que l’emprunt est garanti par les obligations de la municipalité.

Location : l’importance du respect du règlement sur la gestion contractuelle

L’option du contrat de location de véhicules routiers peut occasionner une moindre dépense, et par le fait même, moins de formalités dans le cadre du processus d’approvisionnement.

Si la dépense est en dessous du seuil d’appel d’offres public, la municipalité peut, entre autres, demander des prix aux fournisseurs. Cela s’avère être un mode d’approvisionnement plus flexible, tant pour la municipalité que pour les fournisseurs, permettant une négociation ouverte. Bien entendu, la sollicitation et les discussions qui en découlent doivent se conformer au règlement sur la gestion contractuelle de la municipalité5.

Mais attention, la municipalité doit tenir compte de la valeur totale des contrats de location. Plusieurs contrats annuels octroyés au même fournisseur peuvent être considérés comme étant un seul et même contrat, dont la valeur serait en fait la valeur totale de tous les contrats combinés. Il faut alors que la municipalité respecte judicieusement la règle de rotation de fournisseurs prévue dans son règlement sur la gestion contractuelle.

La location de véhicules peut être une bonne option si la municipalité pense avoir besoin d’un véhicule pour un projet particulier, sans vouloir l’ajouter à sa flotte permanente, puisqu’elle peut être faite à court terme.

Sur le plan financier, les dépenses de la location seront évidemment réparties mensuellement, contrairement à la dépense unique d’un achat, c’est-à-dire qu’un règlement d’emprunt ne serait pas forcément nécessaire. Les dépenses mensuelles peuvent être financées par le fonds de roulement de la municipalité, évitant ainsi les formalités légales de l’emprunt ponctuel6.

Crédit-bail : compromis qui peut être avantageux

Le crédit-bail est un contrat hybride, entre l’achat et la location, qui peut être octroyé par appel d’offres public7. En se prévalant de cette option, la municipalité peut notamment étaler le coût d’acquisition sur plusieurs années en bénéficiant de la concurrence du marché public.

Tous les droits et obligations des municipalités en vertu des règles d’adjudication de contrat par processus d’appel d’offres se transposent au régime de crédit-bail8. Outre ces articles particuliers, c’est le régime du droit commun qui s’applique9.

Du point de vue financier, la dépense est répartie mensuellement comme pour la location. La municipalité peut donc plus facilement payer la dépense par l’entremise de son fonds de roulement10. Le prix inclura cependant des taux d’intérêt plus élevés que pour un emprunt.

Un avantage du crédit-bail est la flexibilité de paiements : si la municipalité est certaine de vouloir acheter le véhicule à la fin du contrat, elle peut prévoir des paiements mensuels plus hauts pour un prix d’achat moindre et vice-versa.

Conclusion

Pour toutes ces raisons, il est important de choisir l’option appropriée selon les besoins spécifiques et les ressources de la municipalité. Afin de choisir le contrat approprié, il est essentiel que les responsables de l’approvisionnement discutent avec ceux qui utiliseront le véhicule ainsi qu’avec le service des finances de la municipalité pour évaluer, notamment, les enjeux liés aux emprunts, aux intérêts, à la responsabilité, aux pièces de rechange, à l’entretien et à l’efficience. Le Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) est là pour vous accompagner dans votre gestion contractuelle ainsi que pour répondre à toute question sur le sujet.


[1] Règlement décrétant le seuil de la dépense d’un contrat qui ne peut être adjugé qu’après une demande de soumissions publique, le délai minimal de réception des soumissions et plafond de la dépense permettant de limiter le territoire de provenance de celles-ci, RLRQ c. C-19, r. 5, art. 1 [Règlement décrétant le seuil].
[2] Art. 935.1 al. 1 (3) et 936 CM; art. 573 par. 1 al. 1 (3) ou 573,1 de la LCV.
[3] ACCQO, ALEC et AECG; art. 3 Règlement décrétant le seuil.
[4] Art. 1060.1 et ss. CM; art. 543 et ss. LCV.
[5] Art. 938.1.2 CM et 573.3.1.2 LCV.
[6] Art. 1094 et ss. CM; art. 569 et ss. LCV.
[7] Art. 936.1 CM et 573.1.1 LCV.
[8] Préc., notes 1 à 3.
[9] Art. 1842 et ss. du Code civil du Québec
[10] Préc., note 6.

Écrit par :

Me Colin Braziller

Avocat pour le service d’assistance juridique et le Fonds d’assurance des municipalités du Québec