13 septembre 2023
Tout processus d’appel d’offres, qu’il soit public ou sur invitation, de même que tout contrat pouvant être accordé de gré à gré, doit faire l’objet de diverses vérifications de la part du donneur d’ouvrage afin de s’assurer que le plus bas soumissionnaire conforme ou le contractant, selon le cas, réponde aux exigences découlant du processus. Nécessairement, ces vérifications doivent être réalisées avant que le contrat ne soit octroyé, ceci afin d’éviter toute problématique future.
Parmi celles-ci, nous pensons à l’analyse de la conformité de la soumission reçue. De cette analyse découle notamment l’étude du bordereau de prix soumis et des documents joints à la soumission, la signature des formulaires découlant du règlement municipal sur la gestion contractuelle, etc. Une autre analyse, maintenant celle de l’admissibilité du soumissionnaire ou du cocontractant, doit également être effectuée afin de déterminer la recevabilité de la soumission conformément à l’objet du contrat que la municipalité désire accorder.
Cette analyse est tout aussi pertinente que celle de la conformité de la soumission. Elle permet de s’assurer que le soumissionnaire ou le cocontractant :
- Possède les qualifications professionnelles et légales requises;
- N’est pas visé par une interdiction de contracter avec un organisme public (RENA);
- Réponde aux exigences fixées par la municipalité.
Il est pertinent de soulever que les critères d’admissibilité découlent des exigences prévues par la municipalité dans sa documentation d’appel d’offres, mais également de la loi. Il est donc également essentiel de vérifier si l’objet du contrat nécessite une certification ou une autorisation en vertu de la loi.
Recommandation récente de l’AMP
C’est d’ailleurs sur cet aspect que l’Autorité des marchés publics (AMP) a récemment formulé une recommandation dans le cadre d’un processus d’appel d’offres dont l’objet était l’octroi d’un contrat d’approvisionnement pour l’achat d’une unité sanitaire automatisée de type « prêt-à-poser »1 (Installation).
L’enjeu de cette affaire concerne la détention, par le soumissionnaire, d’une certification particulière émise par l’Association canadienne de normalisation, norme CSA, conformément au Code de construction2.
Au moment de la publication de l’appel d’offres, le donneur d’ouvrage n’avait prévu aucune norme ni certification à respecter relativement à l’Installation désirée dans le devis. Le donneur d’ouvrage reçoit une plainte en raison de cette absence. Aux termes d’un addenda dûment publié, le donneur d’ouvrage rectifie en partie le tir en exigeant la certification à l’égard d’une Installation entièrement fabriquée et assemblée en usine. Il précise dans cet addenda qu’une telle certification pourrait être obtenue à la suite de l’assemblage sur le chantier et de la mise en service de l’Installation.
À la suite de la publication de l’addenda, le plaignant n’est pas satisfait de la correction apportée par le donneur d’ouvrage et s’adresse à l’AMP par le dépôt d’une plainte. Le plaignant invoque que « l’interprétation de la Ville est susceptible de la mener à accepter une soumission ne respectant pas les conditions d’admissibilité de la demande de soumissions ».
C’est dans ce contexte que l’AMP se voit impliquée dans le dossier et procède donc à sa propre analyse du dossier. À la suite de cette analyse, l’AMP conclut que le donneur d’ouvrage a incorrectement interprété la norme afférente à l’obtention de la certification, et ce, à deux égards :
- La certification est requise pour tout bâtiment préfabriqué, peu importe qu’il soit ou non assemblé sur le chantier directement;
- La certification ne peut être obtenue après l’assemblage et la mise en service de l’Installation.
L’AMP motive son interprétation de la façon suivante. Selon le Code de construction, l’on parlera de bâtiment usiné lorsque « l’ensemble des sections ou des panneaux est fabriqué en usine », quel que soit le lieu de l’assemblage, et donc, préalablement à celui-ci. En effet, la principale raison pour laquelle la certification doit être obtenue préalablement à l’assemblage d’un bâtiment usiné est l’impossibilité d’effectuer des inspections aux étapes clés de la conception de celui-ci. Comme le mentionne l’AMP dans sa recommandation, le but de la certification est donc d’uniformiser les modes de conception des bâtiments usinés en imposant des mécanismes de contrôle de la qualité.
Ainsi, l’AMP conclut que puisque l’Installation correspond, dans le contexte, à la notion de « bâtiment usiné », elle doit détenir la certification bien qu’elle pourrait être assemblée directement sur le chantier. Contrairement à l’interprétation proposée par le donneur d’ouvrage, cet aspect est sans influence sur la nécessité ou non de détenir ladite certification.
Dans un même ordre d’idée, la Loi sur le bâtiment et le Code de construction interdisent à toute personne d’acheter ou de vendre un bâtiment usiné non certifié. La certification d’un bâtiment usiné devient donc, de ce fait, une obligation d’ordre public applicable à tous. À la lumière de ses vérifications, l’AMP conclut qu’afin de répondre à cette obligation, laquelle s’applique au cas en l’espèce, étant en présence d’un bâtiment usiné, il est nécessaire que l’usine détienne, au moment de la fabrication du bâtiment ou de ses composantes, la certification exigée. Ainsi, aucune certification ne peut être obtenue après la mise en service de l’Installation comme le prétendait le donneur d’ouvrage. Enfin, comme il s’agit d’une exigence d’ordre public, le donneur d’ouvrage devait inclure la détention de la certification par le soumissionnaire afin que l’Installation proposée dans la soumission soit recevable. En l’absence de celle-ci, le soumissionnaire ne peut être considéré comme admissible au processus d’appel d’offres et doit voir sa soumission rejetée pour ce motif.
Pourquoi ne parlons-nous pas d’irrégularité dans ce cas-ci?
Les notions d’irrégularité majeure ou mineure ne trouvent pas d’application dans un tel cas de figure puisqu’il s’agit d’exigences impératives découlant de la loi au même titre que celle relative à la détention d’une autorisation de contracter émise par l’AMP pour certains contrats spécifiques. Ainsi, lorsqu’une condition d’admissibilité n’est pas remplie, cela a pour effet de « disqualifier » le soumissionnaire pour le projet visé par le processus d’appel d’offres. Cette disqualification ne découle pas du contenu de sa soumission, mais plutôt du fait qu’il ne correspond pas aux exigences demandées par le donneur d’ouvrage.
Pour toute question en lien avec le présent texte ou concernant les règles d’admissibilité d’un soumissionnaire dans le cadre d’un processus d’appel d’offres, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat du Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).
[1] Le numéro de la recommandation est le 2023-05.
[2] RLRQ, c. B-1, r. 2.
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