1 juin 2023
En mars dernier, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) a sondé ses membres sur leurs besoins en logement. 117 municipalités et MRC ont répondu au questionnaire, ce qui permet de dégager des tendances. « Il y a un équilibre à trouver entre la densification, les obligations gouvernementales, les coûts et les capacités de payer. Les municipalités et MRC ont besoin de plus de marge de manœuvre », commente Maryse Drolet, conseillère à la direction des politiques de la FQM.
CRISE DU LOGEMENT TOUT COURT ET PAS QU’ABORDABLE!
« Bien que les logements abordables soient la réponse la plus souvent choisie, les maisons unifamiliales suivent de près. Et, en parallèle, lorsqu’on regarde pour quelle clientèle les besoins ne sont pas comblés, on constate que pour les deux tiers de nos répondants, ce sont les jeunes ménages. Ce que ça nous dit, c’est que les besoins ne sont pas que pour le logement abordable, et qu’ils varient aussi selon les milieux. Cela nous ramène à la nécessité de donner plus de flexibilité et de latitude aux municipalités et MRC afin de s’adapter aux besoins de leur milieu », analyse Mme Drolet.
Les commentaires des répondants à la question sur les besoins en logement illustrent bien la diversité de ceux-ci : résidence de tourisme, unités d’habitation accessoires, logements temporaires, logements ou solutions innovantes permettant aux personnes âgées de rester dans leur milieu, mini maisons, logements pour travailleurs étrangers, logements de qualité « normaux » et multilogement pour la classe moyenne, puisque les unifamiliales ne sont plus abordables pour elle.
Un coup d’œil aux réponses à la question des clientèles particulières pour lesquelles les besoins ne sont pas répondus vient appuyer ce constat d’un besoin pour la classe moyenne : 66 % des répondants ont mentionné les jeunes ménages comme étant la clientèle où se trouvent les plus grands besoins, bien devant les nouveaux arrivants et immigrants (49 %) et les aînés (44 %). Les commentaires recueillis à cette question font d’ailleurs mention de l’accès difficile à la propriété pour les jeunes ménages. Le manque d’espace pour loger la main-d’œuvre est aussi un enjeu qui revient régulièrement parmi les commentaires.
TERRAINS DISPONIBLES CHERCHENT PROMOTEURS VOULANT CONSTRUIRE
64 % des répondants ont des terrains disponibles pour la construction de nouvelles unités d’habitation locative, mais cela ne semble pas garant de l’apparition à court terme d’habitations. Parmi les commentaires, il est fait mention à quelques reprises du fait que les terrains appartiennent à des promoteurs privés qui ne veulent pas développer tout de suite, laissant ainsi des espaces vacants.
Toutefois, être propriétaires des terrains n’est pas pour autant une voie rapide vers la construction d’habitations pour les municipalités, notamment parce que le rôle de promoteur est fastidieux, mais aussi en raison des coûts de prolongement de l’aqueduc et des égouts qui représentent un investissement non subventionnable dont la facture doit être « refilée » aux citoyens. Certains répondants font même mention d’un contrôle de l’offre de terrains qui crée une rareté fictive générant de la spéculation immobilière.
Quant aux municipalités n’ayant pas de terrains disponibles, les difficultés et la lourdeur du processus pour changer le zonage auprès de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) ralentissent considérablement le développement de projets résidentiels.
L’ARGENT ET LA PAPERASSE : LES PLUS GRANDS FREINS AU DÉVELOPPEMENT
Confrontées à la pénurie de main-d’œuvre, les municipalités et MRC identifient bien sûr le manque d’entrepreneurs, mais aussi des autres corps de métier, comme élément contribuant à la lenteur de la mise en marche de projets de construction.
Cependant, ce sont plutôt les enjeux de coûts et de démarches administratives qui représentent les grands freins au développement de projets d’habitations et de logements locatifs.
Plus spécifiquement, ce sont les coûts trop élevés des projets de nouvelles constructions (68 %), la non-rentabilité des projets — les coûts par rapport au prix des loyers — (63 %), le manque de soutien financier pour les projets (52 %) et les lourdeurs administratives des programmes de la Société d’habitation du Québec (49 %) qui sont cités comme étant les freins les plus importants.
Dans certaines régions, la demande touristique et l’attrait pour des unités de résidence secondaire nuisent aux gens qui souhaitent y établir leur résidence principale et font augmenter la valeur de vente des résidences existantes. Le coût des matériaux et les hauts taux d’intérêt viennent également décourager les promoteurs de construire et ceux qui décident de le faire se dirigent vers des types d’habitation haut de gamme plutôt que vers le logement abordable.
Les programmes de financement sont également critiqués, notamment pour leur manque d’adéquation et pour la lourdeur administrative qu’ils représentent, qui se traduit souvent par des délais très longs avant qu’un projet puisse débuter.
D’ailleurs, à propos de ces programmes, plusieurs ont mentionné ne pas les connaître : 20 % des répondants pour le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) et 13 % pour le programme AccèsLogis.
Plus spécifiquement sur le programme PHAQ, des répondants lui reprochent la période de dépôt relativement courte, le peu de projets choisis et l’implication financière trop élevée des municipalités.
Quant au programme AccèsLogis, les répondants ont notamment mentionné qu’il s’agit d’un programme hyper lourd et fastidieux, qu’il ne permet pas l’équité et qu’il est trop contraignant au niveau des exigences.
Le programme RénoRégion semble être le plus connu des répondants qui mentionnent que plus d’argent dans ce programme, une période d’inadmissibilité plus courte entre deux demandes et des critères moins restrictifs permettraient de le bonifier.
COMMENT MIEUX OUTILLER LES MUNICIPALITÉS ET MRC?
« Les réponses que nous avons reçues à cette question viennent consolider la vision que nous défendons en matière de logement et d’habitation, soit de donner plus de latitude afin d’adapter les programmes à la réalité régionale et d’aider à l’embauche d’une ressource dédiée. C’est la clé du succès », souligne Mme Drolet.
Source : sondage de la FQM auprès de ses membres, mars 2023