Remboursements de dépenses : mise à jour sur les bonnes pratiques

04 juin 2025
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Des événements rapportés dans l’actualité récente, concernant le remboursement des dépenses engagées par des fonctionnaires pour le compte d’une municipalité, ont suscité la polémique. Ce contexte nous amène à revisiter les bonnes pratiques concernant le remboursement des dépenses engagées pour le compte d’une municipalité. Les principes applicables diffèrent selon que la dépense est effectuée par un fonctionnaire ou par un membre du conseil.

Le cas des élus
Il n’est généralement pas de la responsabilité des membres du conseil d’effectuer des achats courants auprès des fournisseurs de la municipalité1.

Dans une affaire pénale présentant une certaine gravité, la Cour supérieure a reconnu que le pouvoir de surveillance, d’investigation et de contrôle du maire ne lui confère aucun pouvoir de dépenser ni de conclure un contrat pour le compte de la municipalité2. Au contraire, le maire doit voir à ce que les revenus de la municipalité soient « perçus et dépensés suivant la loi »3, c’est-à-dire conformément aux dispositions législatives portant sur l’adjudication des contrats municipaux, au règlement de gestion contractuelle et à tout règlement déléguant à un fonctionnaire ou employé désigné le pouvoir d’autoriser des dépenses. Il est bien établi qu’il n’appartient pas aux élus de s’ingérer dans les opérations courantes de la municipalité. Une récente publication de l’Association des directeurs généraux du Québec, réalisée en collaboration avec plusieurs organisations du monde municipal, rappelle d’ailleurs qu’il appartient à la direction générale, avec ses collaboratrices et collaborateurs, de voir aux opérations administratives et aux relations avec les fournisseurs4.

Une exception à l’absence de pouvoir de dépenser du maire se présente en situation d’urgence, soit « dans un cas de force majeure de nature à mettre en danger la vie ou la santé de la population ou à détériorer sérieusement les équipements municipaux »5. La Loi sur le traitement des élus municipaux (« LTEM ») permet aux membres du conseil d’être remboursés de toute dépense effectuée pour le compte de la municipalité, dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le cas des conseillers, la dépense doit être préalablement autorisée par une résolution du conseil. Le maire est dispensé d’obtenir cette autorisation lorsqu’il agit dans l’exercice de ses fonctions. Mais attention! Pour être remboursable, une dépense doit être engagée dans l’exercice des fonctions de l’élu6. Or, comme nous l’avons vu, les fonctions de maire ou de conseiller ne comprennent généralement aucun pouvoir de dépenser pour acquérir des biens ou des services pour le compte de la municipalité.

En pratique, les remboursements de dépenses des élus consisteront souvent en des frais de repas, de déplacement ou d’hébergement engagés à l’occasion de congrès, colloques ou autres événements de représentation, comme le permet la LTEM7. À cet effet, la LTEM permet de prévoir, par règlement le tarif applicable aux dépenses et les pièces justificatives exigées. À ce sujet, notons que la Commission municipale du Québec a conclu, dans une décision récente, que les frais d’alcool constituent généralement une dépense personnelle qui « peut difficilement être assimilée à un acte posé dans l’intérêt de la Municipalité », bien que des exceptions puissent s’appliquer8.

Bref, il est de bonne pratique d’adopter un règlement conforme à l’article 27 de la LTEM, prévoyant les modalités de remboursement des dépenses des membres du conseil, lorsque ceux-ci engagent des dépenses dans l’exercice de leurs fonctions, comme lors d’activités de représentation.

Le cas des fonctionnaires et employés
En principe, une municipalité ne peut s’engager que par résolution ou règlement de son conseil. Il est néanmoins permis au conseil d’une municipalité de déléguer, à tout fonctionnaire ou employé de la municipalité, le pouvoir d’autoriser des dépenses et de passer des contrats au nom de la municipalité9.
Le simple fait que des fonctionnaires ou employés de la municipalité soient autorisés à engager des dépenses, d’un montant limité, pour le compte de la municipalité, n’est donc pas répréhensible en soi. Il peut cependant poser un risque réputationnel dans certains cas, par exemple lorsque les médias rapportent des dépenses pouvant paraître inusitées aux yeux du public.

Cela dit, le règlement doit prévoir non seulement le montant maximal de la dépense que peut autoriser le fonctionnaire ou l’employé, mais également le champ de compétence auquel s’applique la délégation (le type de dépense) et les autres conditions applicables. De plus, lorsqu’un fonctionnaire ou employé autorise une dépense, il doit l’indiquer dans un rapport transmis au conseil dans le délai prévu par la Loi.

Il y a donc lieu de s’assurer que tout règlement de délégation prévoie l’ensemble des trois éléments décrits précédemment, et qu’il soit appliqué avec rigueur. De plus, il peut être prudent de prévoir, à même le règlement de délégation, des règles relatives aux modalités de remboursement, semblables à celles concernant les dépenses des élus en application de la LTEM. Ainsi, le règlement pourrait prévoir un tarif applicable aux dépenses des fonctionnaires ainsi que les pièces justificatives exigées.


Par Me Jean-Philippe Le Pape, avocat
Morency Société d’avocats s.e.n.c.r.l.

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[1] Voir par exemple (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu Roland-Luc Béliveau, 2018 CanLII 34541 (QC CMNQ), par. 72 et ss.
[2] R. c. Gingras, 2020 QCCS 748, conf. par 2022 QCCA 1546.
[3] Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1 (« CM »), art. 142; Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19 (« LCV »), art. 52.
[4] Gérard Divay et al., Ensemble : Guide pour une saine relation politico-administrative dans les municipalités, Éditions Sablier, Association des directeurs généraux des municipalités du Québec (ADGMQ), 2025.
[5] CM, art. 937; LCV, art. 573.2.
[6] RLRQ, c. T-11.001 (« LTEM »), art. 25-26.
[7] Id., art. 30.0.2.
[8] (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu Gaétan Guindon, 2024 CanLII 39512 (QC CMNQ), par. 82.
[9] LCV, art. 477.2; CM, art. 961.1.