28 septembre 2022
De longue date, le législateur impose de lourdes obligations aux élus·es, notamment en matière d’éthique et de déontologie.1 Or, jusqu’à tout récemment, un élu·e qui désirait consulter un conseiller juridique pour se conformer à ses devoirs et obligations devait souvent assumer personnellement les honoraires en découlant.
En 2021, le législateur a modifié la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (ci-après : « LEDMM ») pour changer cet état de fait. Depuis, l’article 35 LEDMM se lit comme suit :
« Tout membre d’un conseil d’une municipalité peut obtenir, aux frais de cette dernière, un avis d’un conseiller à l’éthique et à la déontologie, dans la mesure où :
1° l’avis est demandé, à titre préventif, pour aider le membre du conseil à respecter les règles prévues au code d’éthique et de déontologie qui lui est applicable;
2° le conseiller qui produit l’avis est inscrit sur la liste;
3° les honoraires facturés par le conseiller pour la production de l’avis sont raisonnables.
La municipalité paie les honoraires raisonnables sur présentation d’une attestation écrite du conseiller à l’éthique et à la déontologie indiquant le nom du membre du conseil qui a sollicité l’avis et attestant que les conditions prévues aux paragraphes 1° à 3° du quatrième alinéa sont remplies. »
C’est donc dire qu’un élu·e peut maintenant, aux frais de la municipalité pour laquelle il agit, consulter un conseiller à l’éthique sous réserve des conditions suivantes :
- L’avis vise à aider le membre du conseil à respecter les règles prévues à son code d’éthique et de déontologie;
- L’avis revêt un caractère préventif;
- Le juriste interpellé doit être inscrit à la liste des conseillers à l’éthique accessible sur le site internet de la Commission municipale du Québec (CMQ);
- Les honoraires facturés pour cette consultation doivent être raisonnables.
Cette faculté de faire assumer les honoraires d’une consultation par la municipalité constitue une exception au principe voulant qu’un élu·e ne puisse généralement pas engager de dépenses pour la municipalité à moins qu’une résolution en ce sens n’ait été dûment adoptée.2
Il faut donc respecter scrupuleusement toutes ces conditions pour pouvoir bénéficier de cette exception.
La Cour supérieure l’a récemment rappelé à un élu dans l’affaire Galati c. Ville de Laval3.
Dans cette affaire, M. Galati cherchait à contraindre la Ville de Laval à acquitter les honoraires de ses procureurs relativement à une opinion juridique sollicitée dans le cadre de ses fonctions de conseiller municipal de la Ville.
Essentiellement, M. Galati est à la fois conseiller municipal pour la Ville de Laval et président d’un centre de services scolaires. Or, une modification à la Loi4 a pour effet d’interdire dorénavant le cumul de ces deux (2) fonctions.
La Ville de Laval en informe M. Galati. Ce dernier requiert alors un avis juridique pour y voir plus clair.
La Ville refuse de payer les honoraires découlant de cette consultation étant d’avis que les conditions de l’article 35 LEDMM ne sont pas remplies.
La Cour refuse de donner droit au recours de M. Galati, rappelant notamment5 que l’avis doit être requis à titre préventif. De l’avis de la Cour, l’avis ne vise pas « à éclairer Galati sur une question potentiellement conflictuelle, mais plutôt à opiner sur une difficulté qui s’est déjà cristallisée ». En ce sens, l’avis ne revêt pas de caractère préventif, le mal étant déjà fait en quelque sorte.
Ce jugement invite donc les élus·es à la prudence! Les questions doivent être posées en temps opportun, et dans tous les cas, en amont d’un potentiel problème. À défaut, le régime de l’article 35 LEDMM ne bénéficiera pas à l’élu·e qui sera alors seul à devoir assumer les honoraires engendrés.
[1] L’avènement de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (RLRQ c E-15.1.0.1) y est pour quelque chose.
[2] Sous réserve de certains privilèges dont bénéfice le maire à ce sujet. Voir à ce sujet, l’article 25 de la Loi sur le traitement des élus municipaux (RLRQ c T-11.001).
[3] 2022 QCCS 2652.
[4] Le 5 novembre 2021 entre en vigueur la Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale et diverses dispositions législatives, L. Q. 2021, c-31.
[5] La Cour est également d’opinion que l’avis sollicité ne porte pas à proprement parler sur le code d’éthique et de déontologie, mais plutôt sur la portée de l’article 300 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (RLRQ c E-2.2). La première condition n’est donc pas remplie. Sous réserve du régime de protection prévu aux articles 711.19.1. et suivants CMQ et 604.6. et suivants LCV.
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