Le Régime de protection des rives, littoraux et zones inondables à nouveau modifié

20 septembre 2023
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20 septembre 2023

Le 1er mars 2022 est entré en vigueur le Régime provisoire de protection des rives, littoraux et zones inondables, lequel découle, notamment, du Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations (RLRQ, c. Q-2, r. 32.2 ; ci-après le « Règlement provisoire »).  L’adoption de ce règlement est un premier pas posé par le législateur québécois pour réformer en profondeur l’approche de gestion et de protection de ces zones sensibles des milieux hydriques que sont les rives, littoraux et zones inondables.  Il fait suite aux inondations printanières de 2019 qui ont sonné le glas de la maintenant défunte Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables.  Mais comme le dit le vieil adage : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? »

Si, à l’époque de la Politique, il suffisait à l’inspecteur municipal de s’en remettre au contenu de son règlement de zonage et à ses dispositions portant sur les rives, littoraux et zones inondables, il lui faudra aujourd’hui considérer les dispositions du Règlement sur l’encadrement des activités en fonction de leur impact sur l’environnement (RLRQ, c. Q-2, r. 17.1; ci-après « R.e.a.f.i.e. ») et celles du Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles (RLRQ, c. Q-2, r. 0.1; ci-après « R.a.m.h.h.s. »).  Et ce, en plus de devoir s’en remettre encore et toujours aux dispositions du règlement de zonage pour les sujets qui ne sont pas couverts par les règlements provinciaux précités.

Alors qu’on commençait à s’y retrouver dans ce dédale réglementaire, de nouvelles modifications sont entrées en vigueur le 6 juillet dernier.  À certains égards, ces nouvelles dispositions modifient de nouveau les règles du jeu de façon assez importante.

Tout d’abord, l’article 117 du Règlement provisoire est modifié afin de laisser une plus grande marge de manœuvre aux municipalités qui conservent ainsi les pleins pouvoirs pour réglementer les sujets suivants :

1° Le libre écoulement de l’eau, à l’exception des ponceaux dont le diamètre est de 1,2 m à 4.5 m;

2° La gestion de la végétation dans la rive;

3° L’aménagement de sentier ou d’escalier permettant l’accès à l’eau;

4° La distance d’une bande d’un lac, d’un cours d’eau, d’un milieu humide ou d’un fossé dans laquelle il est interdit d’épandre des matières fertilisantes en vertu de l’article 30 du Règlement sur les exploitations agricoles (chapitre Q-2, r. 26);

5° La gestion des quais, notamment le nombre permis par lot, les matériaux acceptés ainsi que les cas interdits et ceux pour lesquels une autorisation municipale préalable est requise;

6° Les mesures de contrôle à implanter lors de la réalisation de travaux pour limiter l’érosion et les sédiments;

7° La gestion des travaux de stabilisation d’un talus, notamment les techniques à utiliser et les conditions à respecter.

L’article 117 du Règlement provisoire précise qu’en ces matières, les règlements provinciaux adoptés sous l’égide de la Loi sur la qualité de l’environnement ne prévalent pas sur les règlements municipaux, lesquels demeurent donc pleinement en vigueur. Le législateur est donc venu répondre à certaines problématiques d’interprétation qui s’étaient manifestées au lendemain de l’entrée en vigueur du régime provisoire.

D’importantes modifications ont aussi été apportées au R.a.m.h.h.s., notamment quant aux dispositions de ce règlement qui doivent être appliquées par les municipalités (voir art. 59.1 R.a.m.h.h.s.).

Si la plupart des dispositions dont les municipalités héritent de la charge de les appliquer vont de soi, car elles s’inscrivent dans le champ des activités couvertes depuis longtemps par les municipalités comme l’implantation des bâtiments et constructions sur des terrains riverains, d’autres ne sont pas sans surprendre.  En voici quelques exemples.

Ainsi, dorénavant, les municipalités devront s’assurer que des travaux réalisés dans des milieux humides ou hydriques ne comportent pas l’usage d’explosifs, sauf s’il s’agit de relevés sismiques par réfraction (art. 9 (2°) R.a.m.h.h.s.).

Aussi, les municipalités devront s’assurer que le ravitaillement et l’entretien de véhicule ou de machinerie, lorsque effectués dans un littoral exondé ou asséché, une rive, une zone inondable ou un milieu humide, le soient alors que le véhicule ou la machinerie est muni d’un système de captage permettant de recueillir les fuites et les déversements de fluides ou d’un dispositif de prévention des déversements (art. 11, al. 2 R.a.m.h.h.s.).

Ou encore, l’article 33.7 du R.a.m.h.h.s. qui prévoit qu’en « l’absence d’un passage à gué ou d’un ouvrage pour franchir un cours d’eau, un véhicule ou une machinerie peut circuler dans le littoral d’un cours d’eau pour un seul passage aller-retour, dans la mesure où le passage choisi minimise les impacts sur le cours d’eau ».

Bref, comme on peut le constater, les municipalités auront beaucoup de travail pour s’assurer de l’application de ce régime provisoire au cours des prochaines années.

ÉCRIT PAR :

Me Jean-François Girard

Avocat spécialisé en droit de l’environnement et droit municipal chez DHC Avocats