7 juin 2023
Ah! Comme il semble loin le temps où, pour savoir quelles étaient les normes réglementaires applicables à la protection des rives, littoraux et zones inondables, il suffisait de consulter la section concernée de son règlement de zonage et… tout était là! Copié de la fameuse, mais défunte Politique de protections des rives, du littoral et des plaines inondables (P.p.r.l.p.i.).
Comme on le sait tous, cette époque est révolue depuis l’entrée en vigueur, le 1er mars 2022, du « nouveau » régime provisoire de protection des rives, littoraux et zones inondables imposé par le législateur du Québec. C’est dorénavant le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations1, pour un, qui assure une partie des mesures de protection de ces zones sensibles des milieux hydriques. Mais cela n’est pas tout, car à ce règlement il faut ajouter les dispositions pertinentes du Règlement sur l’encadrement des activités en fonction de leur impact sur l’environnement2 et celles du Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles3. En fait, le législateur a mis en place une espèce de hiérarchie qu’on pourrait présenter comme suit :
Le législateur impose en effet aux municipalités le devoir de s’assurer du respect des normes de protection des rives et littoraux sur leur territoire, comme au temps de la P.p.r.l.p.i. Ce faisant, les municipalités se doivent de consulter les règlements édictés par Québec, comme nous venons de l’illustrer. La tâche n’est pas mince affaire quand on considère que le seul R.e.a.f.i.e. contient plus de 370 articles! Aussi, on ne peut prétendre que le législateur nous a offert un parangon de clarté avec ces nouveaux règlements. Le seul fait de devoir consulter, en parallèle, trois règlements a certainement pour effet de compliquer le travail des autorités municipales.
Comme si cela n’était pas suffisant, il semble surgir quelques controverses à propos de l’interprétation de ces nouvelles normes réglementaires entre les fonctionnaires du ministère de l’Environnement et le monde municipal. La question de la gestion des ponceaux est de celles qui suscitent de vifs échanges ces derniers temps. Explications.
L’article 117 du Règlement provisoire indique que l’article 118.3.3 L.q.e. – qui consacre la primauté des règlements provinciaux sur les règlements municipaux portant sur le même objet – ne s’applique pas à un règlement municipal qui règlemente le libre écoulement de l’eau, à l’exception des ponceaux dont le diamètre est de 1,2 m à 4,5 m de diamètre. La pose de ponceaux de 4,5 m et plus relève de la compétence du ministère et doit faire l’objet de la délivrance d’une autorisation ministérielle en application de l’article 22 (4°) L.q.e. Les ponceaux de 1,2 m à 4,5 m relèvent ensuite de la compétence des municipalités locales, tel que cela est prévu par les articles 6 et 7 du Règlement provisoire. Mais qu’en est-il des ponceaux dont le diamètre est de moins de 1,2 m?
La plupart des MRC ont réglementé la pose de ponceaux aux termes de leurs pouvoirs réglementaires en application de la Loi sur les compétences municipales. En effet, un ponceau installé incorrectement dans un cours d’eau devient rapidement une entrave au libre écoulement de l’eau, d’où l’intérêt de réglementer ce sujet.
Or, à une demande de clarification de l’interprétation du Règlement provisoire, le ministère de l’Environnement a récemment répondu ce qui suit :
« Nous vous confirmons que le régime transitoire vise à ce que les municipalités ou les MRC ne délivrent pas de permis pour les ponceaux d’une ouverture inférieure à 1,2 m ou supérieure à 4,5 m et ce, malgré l’article 117, par.1°. » [Nous soulignons]
Une telle réponse n’est pas sans nous laisser perplexes, puisque selon les informations qui nous ont été communiquées par les gestionnaires de cours d’eau des MRC, la pose de ponceaux de moins de 1,2 m de diamètre est une activité fréquente sur leur territoire respectif. Il est alors pour le moins singulier que le ministère prône une telle interprétation du régime provisoire car cela aurait pour effet de faire tomber les ponceaux de moins de 1,2 m dans un vide juridique.
C’est pourquoi nous sommes d’avis que les règlements des MRC sur le libre écoulement des eaux sont demeurés en vigueur et qu’ils peuvent, encore et toujours, trouver application pour gérer la pose des ponceaux d’un diamètre inférieur à 1,2 m sur leur territoire.
Cela dit, dans un projet de règlement omnibus récemment diffusé, destiné à modifier pas moins de 24 règlements provinciaux, le législateur se propose de retirer la référence au diamètre des ponceaux à l’article 117 du Règlement provisoire. Aussi, le paragraphe 1° de l’article 117 se lirait comme suit : « 1° le libre écoulement de l’eau, à l’exception des ponceaux », ce qui aurait pour effet de soustraire complètement tous les ponceaux de la compétence du monde municipal, en particulier des MRC.
Encore une fois, nous nous interrogeons sur les motivations du ministère de l’Environnement pour faire une telle proposition. Y avait-il un problème important à propos de la pose de ponceaux de moins de 1,2 m de diamètre? À quelle difficulté le ministère souhaite-t-il remédier avec cette proposition?
Pour notre part, nous sommes d’avis qu’il vaut mieux, parfois, s’en remettre au vieux dicton « Si ce n’est pas brisé, nul besoin de réparer »!
[1] RLRQ, c. Q-2, r. 32.2; ci-après le « Règlement provisoire ».
[2] RLRQ, c. Q-2, r. 17.1; ci-après le « R.e.a.f.i.e. ».
[3] RLRQ, c. Q-2, r. 0.1; ci-après le « R.a.m.h.h.s. ».
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