La vente d’un bien municipal : étude de cas

17 septembre 2024
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En matière d’attribution de contrats entraînant une dépense, le législateur impose aux municipalités le respect de diverses règles, dont un processus d’appel d’offres prévu à la Loi sur les cités et villes (LCV) et au Code municipal du Québec (CMQ). Également, le favoritisme dans l’octroi de contrats, dont l’accord d’une aide à un cocontractant sous forme de subvention déguisée est interdit, comme notamment prévu par la Loi sur l’interdiction de subventions municipales.

Le 13 juin dernier, la Cour supérieure rendait une décision1 en lien avec de telles règles et concluait que la Ville de Gatineau avait agi légalement en vendant un terrain de gré à gré dans le but de mettre en place une clinique médicale, malgré une offre à un prix supérieur provenant d’un autre promoteur.

Cette vente est intervenue dans un contexte où l’accès aux soins de santé en Outaouais était déficient.
La Ville désirait ainsi améliorer rapidement l’offre de services à ce sujet, au bénéfice des citoyens. Ayant un terrain disponible près de l’hôpital de Hull, la Ville décida de le vendre de gré à gré pour 1 115 000 $ à un groupe de médecins ayant comme projet d’y construire une clinique médicale, malgré une offre d’achat non sollicitée de 1 400 000 $ provenant d’un autre promoteur. Avant la vente, la Ville a obtenu un rapport évaluant la valeur marchande du terrain à 1 473 000 $.

La Cour rappelle que la vente a pour effet de générer un revenu pour la Ville et non une dépense, ce qui
écarte l’obligation de procéder par appel d’offres public pour conclure le contrat. Au surplus, elle souligne que l’aliénation a été réalisée à titre onéreux, tel que le prescrivent d’ailleurs les articles 28 de la LCV et 6,1 du CMQ, et donc sans favoritisme :
«[160] Le Tribunal constate qu’aucune disposition n’impose à la Ville l’obligation de vendre un bien à sa juste valeur marchande. Il va de soi qu’une vente à vil prix pourrait soulever certaines questions, mais ce n’est pas de cela qu’il est question ici.
[…]
[164] Le Tribunal ne voit rien dans la négociation du prix de vente qui pourrait laisser croire à du favoritisme envers le groupe de médecins. Au contraire, l’objectif de la Ville a toujours été de voir à ce qu’une Superclinique médicale soit ouverte le plus rapidement possible. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, le Tribunal conclut que la vente du Terrain pour un montant de
1 115 000 $ constituait non seulement une transaction à titre onéreux, tel que prévu par la loi, mais aussi une transaction avantageuse pour la Ville et ses citoyens. Il n’y a aucune preuve de subvention illégale visant à avantager le groupe de médecins.»

La Cour indique que la décision de vendre le terrain de gré à gré était une décision de politique générale, prise par le maire et les conseillers municipaux de bonne foi pour répondre au manque d’accès aux soins de santé. Cette décision se retrouve donc protégée par l’immunité relative de l’État et est donc à l’abri d’un recours en responsabilité civile.

Considérant l’absence d’obligation de se soumettre à un processus d’appel d’offres, le caractère onéreux de la vente ainsi que l’immunité relative de la Ville, le promoteur a vu sa réclamation de 18 000 000 $ rejetée, le tribunal concluant à l’absence de responsabilité municipale. Nous en concluons qu’il demeure possible pour une municipalité, dans l’intérêt général de sa population et dans la mesure où la contrepartie est qualifiée d’onéreuse, de céder un bien municipal à prix alléchant pour un promoteur. Voilà une façon intéressante pour les municipalités de disposer d’immeubles municipaux, notamment dans l’objectif de dynamiser leur territoire ou d’offrir des services de proximité aux citoyens!


Par Me India Simard
Avocate
Cain Lamarre
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Article tiré du : QUORUM, volume 49, No 3, septembre 2024, p. 20
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[1] T9318-8548 Québec inc. c. Ville de Gatineau, 2024 QCCS 2199