La réclamation d’un entrepreneur en raison du retard dans l’exécution des travaux

26 juin 2024
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L’adjudication de contrats par voie d’un processus d’appel d’offres peut amener son lot de questionnements et de problèmes pour une municipalité.

Pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer un scénario dans lequel un contrat de construction est octroyé à un entrepreneur, et prévoit que les travaux doivent être exécutés en respectant un certain délai, calculé à partir de la date d’octroi du contrat.

Dans le cadre de ce scénario, de nombreuses difficultés se présentent en cours de route, si bien qu’il devient clair qu’il sera impossible pour l’entrepreneur de respecter le délai prévu au contrat. Les travaux seront ainsi exécutés bien après la date butoir initialement prévue.

Il en résulte que l’entrepreneur réclame à la municipalité une prolongation du délai et une compensation pour les frais qu’il a engagés en raison des retards.

En effet, l’entrepreneur réclame le remboursement de frais additionnels relativement à la main-d’œuvre, aux matériaux et à l’équipement de construction, mais aussi les frais d’administration du chantier, de surveillance des lieux ou encore d’entreposage.

La municipalité s’interroge alors sur la validité de la demande de l’entrepreneur. Qu’en est-il?

Lorsqu’une municipalité conclut un contrat à prix forfaitaire à la suite d’une demande de soumissions, le prix convenu doit être maintenu, sauf si les parties s’entendent pour apporter des modifications. Seule une modification accessoire qui ne change pas la nature du contrat peut alors être apportée, comme l’indiquent l’article 573.3.0.4 de la Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C -19, et l’article 938.0.4 du Code municipal du Québec, RLRQ, c. C -27.1.

En ce qui concerne précisément la réclamation pour des retards dans l’exécution des travaux, il faut mentionner qu’une municipalité a le droit d’exiger que les travaux soient exécutés entièrement, correctement et sans retard1.

La violation des délais prévus au contrat peut donc engager la responsabilité de l’entrepreneur. Celui-ci doit, pour échapper à la responsabilité et obtenir une compensation pour les frais additionnels qu’il a engagés, démontrer que les retards ne lui sont pas imputables, mais peuvent être imputés à la municipalité.  

Parmi les enjeux pouvant permettre de conclure que les retards dans l’exécution des travaux sont imputables à la municipalité, notons la présence d’ambiguïtés, de déficiences ou d’erreurs dans les plans et devis, de retards dans la transmission, par la municipalité, de ces mêmes plans et devis et des matériaux, ou encore de retards dans l’obtention des autorisations nécessaires à la réalisation des travaux2.

Un projet peut également être marqué par de nombreux ordres de changement. Or, il est bien établi que ce ne sont pas tous les travaux additionnels qui ont un impact sur le cheminement critique des travaux, ce qui impose à l’entrepreneur de prouver que les changements ont bel et bien retardé la fin des travaux3. Il doit aussi pouvoir démontrer quels sont les coûts attribuables à chacune des modifications.

Il est même possible que certains retards soient imputables aux deux parties, ce qui pourrait permettre à l’entrepreneur d’obtenir une certaine indemnisation pour la partie du retard qui est imputable à la municipalité.

Bien qu’il revienne à l’entrepreneur de prouver que sa réclamation est justifiée, et qu’il ait une obligation de prendre les mesures raisonnables pour limiter ses frais additionnels dans les circonstances, la municipalité doit prendre garde afin d’éviter de se retrouver dans une situation où ses actions ou omissions sont à l’origine d’un dépassement des délais. À défaut, elle pourrait se retrouver à devoir dédommager l’entrepreneur pour les coûts occasionnés par la prolongation du chantier.

Dans le cadre d’un processus d’appel d’offres, un accompagnement professionnel est donc fortement encouragé pour limiter les risques que de telles situations problématiques ne surviennent.

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[1] Code civil du Québec, art. 1590.
[2] Compagnie d’assurances Travelers du Canada c. Ville de Montréal, 2020 QCCS 1414, par. 29.
[3] Ville de Montréal c. Compagnie de construction Édilbec inc., 2022 QCCA 1521, par. 22-23.

Me Maxime Vallée-Girard
Avocat
Au sein du cabinet Dunton Rainville – Avocats et notaires