26 avril 2023
Régulièrement, la municipalité réalise des travaux municipaux, dont des travaux de construction, rénovations et entretien de ses bâtiments municipaux. Si ceux-ci avaient été réalisés par un propriétaire sur un terrain privé, il est clair que la règlementation municipale serait applicable et des permis ou certifications d’autorisation devraient être émis conformément au règlement en vigueur à ce sujet.
Mais qu’en est-il de la municipalité? Doit-elle obtenir un permis préalablement au début des travaux et s’assurer également de respecter l’ensemble de la règlementation?
Tout d’abord, il a maintes fois été reconnu par les tribunaux1 qu’une municipalité n’a pas la liberté d’enfreindre sa propre règlementation et elle est liée en principe par les règlements au même titre que l’ensemble de ses citoyens. Bien qu’il n’existe aucune disposition législative claire en ce sens, la Cour supérieure2 s’est déjà prononcée de la façon suivante :
« Il serait plus que paradoxal, il serait bizarre et inconcevable qu’une Corporation municipale ait l’obligation de faire observer une règlementation concernant les dépotoirs, dont les prescriptions sont d’ordre public et pour la protection de la santé et de la vie humaine, et qu’elle ne soit point tenue de les observer elle‑même. »
Selon les auteurs Hétu et Duplessis3, la simple application du principe de la primauté du droit en vertu de laquelle « il y a une seule loi pour tous » est suffisante pour entraîner l’obligation des municipalités à appliquer la règlementation municipale pour leurs travaux municipaux.
En conséquence, les municipalités n’ont pas la liberté de contrevenir ou de déroger à leurs propres règlements. Cependant, comme tous les contribuables, lorsque vient le temps de déroger aux règles, les municipalités peuvent entreprendre une procédure en dérogation même si c’est pour elles‑mêmes. La municipalité devra alors respecter la procédure applicable et tous les critères prévus sur ce sujet. Nous référons plus particulièrement aux articles 145.1 et suivants de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ c. A-19.1) ainsi qu’aux règlements de la municipalité portant sur le comité consultatif en urbanisme (CCU) ou spécifiquement sur les dérogations mineures.
Qui plus est, puisque les municipalités sont considérées comme des créatures du gouvernement provincial, celles-ci doivent aussi respecter toutes les règles provenant de la législation provinciale. Pensons, par exemple, que les municipalités doivent, lorsque requis par la Loi sur les architectes (RLRQ c. A-21), utiliser uniquement des plans signés et scellés par un architecte, ou encore, lors de travaux à réaliser sur un bâtiment patrimonial, respecter la Loi sur le patrimoine culturel (RLRQ c. P-9.002).
En somme, la Municipalité n’a aucun passe-droit à l’application de la règlementation municipale lorsqu’elle réalise, par ses propres employés ou via un entrepreneur, des travaux de construction sur ses immeubles. Pour éviter ensuite toute contestation ou problématique, elle devra au surplus agir de façon raisonnable, soit en se conformant aux règles qu’elle a adoptées et qu’elle demande à ses citoyens de respecter!
[1] Voir notamment Daigle c. Ville de Granby, 2016 QCCA 84; BD Alliance inc. c. Ville de St-Georges 2015 QCCS 3356.
[2] Auger c. Ville Château-Richer, [1975] C.S. 924, à la p. 926.
[3] HÉTU, Jean et Yvon DUPLESSIS, avec la collab. de Lise VÉZINA, Droit municipal. Principes généraux et contentieux, Brossard, Wolters Kluwers, par. 8.180.
ÉCRIT PAR :