Des moisissures à la Municipalité?

31 mai 2022
Fédération québécoise des municipalités

À notre époque pandémique, les problèmes de santé reliés à la qualité de l’air dans les milieux de travail se retrouvent au cœur des discussions. Récemment, le Tribunal administratif du travail (le « Tribunal») rendait une importante décision à ce sujet1. Dans cette affaire, des travailleuses estimaient souffrir de diverses maladies découlant de la mauvaise qualité de l’air dans l’édifice public où elles travaillaient.

Les travailleuses concernées entendaient démontrer, par présomption de faits, que les maladies dont elles souffraient découlaient de la présence de moisissures sur les lieux de travail, notamment causées par divers épisodes de fuites d’eau qui auraient contaminé l’air.

À cette occasion, le Tribunal rappelle que les moisissures sont des organismes microscopiques, regroupant des milliers d’espèces et présents partout dans la nature, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des édifices. Le Tribunal souligne aussi que divers facteurs doivent être présents pour faire en sorte que les moisissures puissent proliférer et produire des spores néfastes à la santé, circulant dans l’air ambiant. Ces facteurs dont la présence est nécessaire sont les suivants :

  • De l’eau en quantité suffisante, que ce soient des éléments humides ou mouillés ou encore une humidité relative de l’air égale ou supérieure à 65 %;
  • Des éléments nutritifs, c’est-à-dire qui, mêlés à l’eau, vont permettre le développement des moisissures, comme le bois, des panneaux de gypse, etc.;
  • Une température appropriée, c’est-à-dire comparable à celle existant à l’intérieur des bâtiments et donc à l’exclusion de conditions trop froides.

Le Tribunal estime également qu’il faut tenir compte de l’ensemble des facteurs et que des éléments comme une odeur nauséabonde, de la pourriture, ou des moisissures ne sont pas nécessairement en soi la démonstration qu’il existe une contamination de l’environnement.

Bref, pour qu’il y ait une contamination dangereuse pour la santé, au niveau fongique, il faut une prolifération non contrôlée de moisissures, peu importe l’endroit où cette prolifération existe.

Malgré la présence de certains éléments comme les mauvaises odeurs ou de la poussière pouvant éventuellement, avec des fuites d’eau, conduire à la présence de moisissures à des niveaux néfastes à la santé, le Tribunal estime dans cette affaire que la somme des éléments à démontrer n’est pas rencontrée afin de permettre une indemnisation des travailleuses.

En fait, bien qu’il soit maintenant admis que la plupart des espèces de moisissures et des mycotoxines peuvent causer des problèmes de santé reliés à la sphère oto-rhino-laryngologie (ORL), il faut nécessairement démontrer, par une preuve scientifique, que ces moisissures ou mycotoxines sont présentes de façon relativement importante dans l’air ambiant sur les lieux de travail.

La plupart du temps, ce sont des études effectuées par des experts en la matière, comme des hygiénistes industriels sur les lieux mêmes du travail, qui pourront faire la démonstration que l’on est en présence de prolifération non contrôlée de moisissures, celles-là mêmes qui vont vicier l’air et causer des problèmes de santé.

Mentionnons également que si nos sens, comme l’odorat, peuvent être utiles à l’identification des moisissures, ils peuvent également être trompeurs!

En définitive, il est clair que la qualité de l’air dans les édifices publics fait partie des préoccupations de ceux qui y travaillent. Néanmoins, la démonstration d’une prolifération non contrôlée de moisissures est un exercice nécessaire, mais souvent fort complexe, et qui comporte parfois des coûts importants.

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[1] Miron et Centre de services scolaire des Samares, 2022 QCTAT 1279.

ÉCRIT PAR :

Me Bernard Cliche et Me Carolane Pétrin

Avocats, cabinet Morency, Société d’avocats S.E.N.C.R.L.