La nécessité d’améliorer la qualité de la construction au Québec n’est plus à démontrer. Des mécanismes obligatoires de surveillance des travaux de construction sont réclamés par plusieurs associations et ordres professionnels depuis longtemps.
« En 2019-2020, 42 % des inspections effectuées par la Régie du bâtiment du Québec avaient permis de déceler au moins une non-conformité. L’an dernier, ce nombre a augmenté à 59 %. Il s’agit d’une hausse de 40,5 %.
Selon Garantie de construction résidentielle, qui est l’administrateur du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, il est de huit à quinze fois plus coûteux de reprendre des travaux mal exécutés lors de la construction initiale d’un bâtiment que de bien les faire dès le début. »1
Le 2 octobre 2024, le ministre du Travail, Jean Boulet, a déposé le projet de loi no 76 – Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public2, introduisant diverses mesures afin d’accroître la protection du public, la qualité de la construction, la qualification des entrepreneurs et la productivité3; ce projet de loi introduit un renforcement des exigences en matière de construction à plusieurs niveaux.
Les inspections obligatoires durant les travaux comme condition à la délivrance d’un permis par le fonctionnaire municipal
L’une des principales modifications introduites concerne les inspections obligatoires à des moments clés lors des travaux : l’obligation pour l’entrepreneur ou pour le constructeur-propriétaire de faire inspecter ses travaux de construction à au moins trois étapes charnières de la construction, déterminées par un plan de surveillance du chantier. Dans la même veine, une attestation de leur conformité au Code de construction ou aux normes de construction d’une municipalité devra être obtenue également4.
La responsabilité de la surveillance de l’exécution des travaux de construction sera donc imputée, d’abord et avant tout, au propriétaire ou son entrepreneur qui devra conclure un contrat valide pour toute la durée des travaux avec un architecte ou un ingénieur5, lesquels, auront la charge d’inspecter les travaux durant leur réalisation.
Oui, il devra donc y avoir une inspection avant de « fermer les murs »!
Le contrat passé avec l’architecte ou l’ingénieur à cet égard devra être fourni à la municipalité puisqu’il s’agira d’une condition de délivrance du permis de construction par la municipalité.
Par voie de conséquence, ce projet de loi modifie la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme6 de façon à ce que le fonctionnaire7 conditionne la délivrance des permis à la réception de la preuve que les nouvelles conditions sont remplies8.
Cette condition sera obligatoire. Le fonctionnaire municipal n’aura pas le choix de l’exiger.
La Régie du bâtiment pourra assortir la délivrance d’une licence, d’un certificat, d’un permis ou d’une reconnaissance à toute condition qu’elle estime appropriée9. De plus, l’entrepreneur ou le constructeur-propriétaire qui fait une demande de permis ne doit pas avoir été déclaré coupable d’une infraction ou d’un acte criminel dans les cinq années précédant la demande10.
De sévères sanctions
Le projet de loi introduit également un régime de sanctions administratives pécuniaires dont le montant varie entre 500 $ et 5 000 $ pour une personne physique et entre 1 500 $ et 10 000 $ pour une personne morale11. Même que quiconque agirait à titre de prête-nom lors d’une demande de permis s’expose à une amende allant de 6 427 $ à 32 128 $ pour une personne physique et de 19 279 $ à 96 386 $ pour une personne morale12.
En cas de défaut de paiement de l’amende par une société, ses dirigeants en seront personnellement responsables à moins de faire la preuve qu’ils ont agi avec prudence et diligence13 et que le paiement des amendes sera garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles14.
Cheminement du projet de loi
L’étude détaillée en Commission de l’aménagement du territoire a eu lieu durant le mois de novembre et le rapport de la Commission a été déposé le 20 novembre 2024. Comme à l’habitude, des amendements ont été apportés au texte du projet de loi et l’adoption du texte final devrait se faire incessamment (mais n’est pas encore fait au moment d’écrire ces lignes).
Une fois que le projet de loi sera en vigueur, la Régie du bâtiment devra adopter un premier règlement afin notamment d’établir les conditions et les modalités applicables aux travaux de construction, les catégories de bâtiments, les étapes charnières et toutes les conditions de surveillance visées par le nouvel article 1615.
Par Me Caroline Charron
Avocate associée
DHC Avocats
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[1] Cabinet du ministre du Travail, « Modernisation de l’industrie de la construction – Jean Boulet veut améliorer la qualité des constructions », Communiqué, 2 octobre 2024, en ligne : https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/modernisation-de-lindustrie-de-la-construction-jean-boulet-veut-ameliorer-la-qualite-des-constructions-58634.
[2] Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, projet de loi no 76 (prise en considération du rapport de la commission – 21 novembre 2024), 1re sess., 43e légis. (QC).
[3] Cabinet du ministre du Travail, « Modernisation de l’industrie de la construction – Jean Boulet veut améliorer la qualité des constructions », précit., note 1.
[4] Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, projet de loi no 76, précit., note 2, article 2 du projet de loi et article 16 de la Loi sur le bâtiment.
[5] Ou une autre personne reconnue par la Régie du bâtiment selon un règlement à venir. Un amendement suggérant d’inclure également un technologue professionnel a été déposé.
[6] Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, projet de loi no 76, précit., note 2, article 42 du projet de loi et à l’article 120 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.A.U.), par. 1.2.
[7] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, c. A-19.1, article 119 (7).
[8] Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, projet de loi, no 76, précit., note 2, article 42 du projet de loi et à l’article 120, par. 1.2 de la L.A.U., conditions énumérées aux articles 16 et 17.4 de la Loi sur le bâtiment. Pour ce faire, devront être fournies au fonctionnaire : « a) une déclaration selon laquelle le contrat prévu au deuxième alinéa de l’article 16 de la Loi sur le bâtiment a été conclu; b) une déclaration, produite par la personne ou l’organisme qui a préparé les plans et devis conformément au règlement prévu à l’article 17.4 de cette loi, selon laquelle ils sont conformes au Code de construction (chapitre B-1.1, r. 2); ».
[9] Idem, article 18 du projet de loi et 109.6 par. 5 de la Loi sur le bâtiment.
[10] Idem, article 23 du projet de loi et 128.3 de la Loi sur le bâtiment.
[11] Idem, article 29 du projet de loi et 159.3 à 159.7 de la Loi sur le bâtiment.
[12] Idem, article 38 du projet de loi et 197.3 de la Loi sur le bâtiment; un amendement suggérant des amendes augmentées a été déposé.
[13] Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, projet de loi no 76, précit., note 2, article 29 du projet de loi et article 159.18 de la Loi sur le bâtiment.
[14] Idem, article 29 du projet de loi et article 159.19 de la Loi sur le bâtiment.
[15] Idem, article 60 du projet de loi.