Il est bien établi que les organismes municipaux sont dans l’obligation, dans le cadre d’un processus d’appel d’offres prescrit par la loi, d’attribuer le contrat au plus bas soumissionnaire conforme. À défaut, une soumission comportant une irrégularité majeure doit être rejetée, tel qu’en fait foi la décision Excavation Marcel Vézina inc. c. Ville de Lévis1, où la Cour conclut que l’exigence d’être propriétaire ou locataire d’une niveleuse à 6 roues motrices lors du dépôt de la soumission est une condition essentielle de l’appel d’offres devant être respectée sous peine de rejet de la soumission.
En 2022, un appel d’offres est lancé par la Ville de Lévis (Ville) pour le déneigement et le déglaçage de son territoire. Considérant avoir déposé une soumission conforme au prix le plus bas, Excavation Marcel Vézina inc. (Excavation) reproche à la Ville de ne pas lui avoir accordé le contrat et réclame des dommages-intérêts. Néanmoins, la Cour conclut que la Ville n’a pas commis de faute en rejetant la soumission d’Excavation, laquelle n’avait pas en sa possession une niveleuse à 6 roues motrices au moment du dépôt de sa soumission. La Cour rappelle que pour rejeter une soumission en raison d’une non-conformité, 2 éléments doivent être démontrés :
- Un manquement à une exigence essentielle ou substantielle de l’appel d’offres; et
- Ce manquement a un effet sur l’égalité entre les soumissionnaires et l’intégrité du processus d’appel d’offres.
Plus précisément, quant au premier élément, pour qualifier une exigence d’essentielle, la Cour doit utiliser le test établi dans l’arrêt Tapitec inc. c. Ville de Blainville2 et répondre aux questions suivantes :
- L’exigence est-elle d’ordre public?
- Les documents d’appel d’offres indiquent-ils expressément que l’exigence constitue un élément essentiel?
- À la lumière des usages, des obligations implicites et de l’intention des parties, l’exigence traduit-elle un élément essentiel ou accessoire de l’appel d’offres?
Une réponse affirmative à l’une ou l’autre desdites questions mène à la conclusion que l’exigence est essentielle.
À la question 3, si la Cour conclut à l’existence d’une exigence accessoire, elle doit vérifier si la Ville a bien exercé sa discrétion en rejetant la soumission d’Excavation. De l’autre côté, si la Cour conclut que l’exigence est essentielle, elle doit vérifier si l’irrégularité ou le vice est mineur ou majeur en tenant compte des 3 considérations suivantes :
- La gravité de l’erreur par rapport à l’exigence des documents d’appel d’offres;
- La possibilité pour le soumissionnaire de corriger son erreur;
- Le risque de préjudice aux autres soumissionnaires.
À la lumière des considérations juridiques susmentionnées, la Cour décide que l’exigence en lien avec la niveleuse à 6 roues motrices est une condition essentielle à l’appel d’offres. Elle termine en précisant que l’objectif voulant qu’un contrat public doive être conclu au meilleur prix possible pour le bien de la collectivité ne peut l’emporter sur le principe d’égalité entre les soumissionnaires.
Dès lors, la possibilité pour Excavation de faire fi des exigences du devis joint à l’appel d’offres pour ensuite remporter la mise s’avère non seulement injuste envers les autres soumissionnaires, mais également envers de potentiels soumissionnaires qui après avoir constaté ne pas répondre aux exigences, n’ont pas déposé de soumission.
Par conséquent, bien que la Ville possède une certaine latitude dans l’analyse des soumissions, elle doit tout de même s’abstenir de l’utiliser lorsque l’égalité entre soumissionnaires n’est pas respectée3.

Par Me Kim Bergeron, avocate
Cain Lamarre
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[1] 2025 QCCS 1016.
[2] 2017 QCCA 317.
[3] Notons qu’une déclaration d’appel a été déposée à l’encontre de la décision.
