Collecte sélective : où en sommes-nous, où allons-nous?

05 juin 2024
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Le Décret 1875-20231, publié le 10 janvier 2024, a reporté au 31 décembre 2025 la date ultime de fin des contrats conclus par les municipalités et qui visent la collecte et le transport des contenants, emballages et imprimés (CEI).

Ce décret nous donne l’occasion de revenir sur la modernisation du système de collecte sélective et sur les prochaines étapes de sa mise en œuvre.

Le Décret 1875-2023 fait en sorte que les contrats de collecte sélective conclus avant le 24 septembre 2020, dont la date d’échéance est antérieure au 31 décembre 2025, peuvent être prolongés ou renouvelés au plus tard jusqu’à cette date. Ceux dont la date d’échéance est postérieure au 31 décembre 2025 peuvent se poursuivre jusqu’à leur terme, sans prolongation ni renouvellement. Les contrats de collecte sélective conclus après le 24 septembre 2020 prendront fin au plus tard le 31 décembre 2025. Revenons sur le contexte dans lequel s’inscrit ce décret.

Le 17 mars 2021, la Loi modifiant principalement la Loi sur la qualité de l’environnement en matière de consigne et de collecte sélective2 a accordé au gouvernement le pouvoir d’obliger les producteurs de matières résiduelles à mettre en œuvre et financer un système de collecte sélective et de confier à un organisme de gestion désigné (OGD) la responsabilité d’élaborer, de mettre en œuvre et de financer ce nouveau système au nom des producteurs. Les obligations des producteurs, de l’OGD et des autres parties prenantes sont prévues au Règlement portant sur un système de collecte sélective de certaines matières résiduelles (le Règlement), entré en vigueur le 7 juillet 20223.

Le 24 octobre 2022, Éco Entreprises Québec (ÉEQ) a été désignée à titre d’OGD.

La mise en œuvre du système modernisé de collecte sélective s’inscrit dans une logique de responsabilité élargie des producteurs, tenant compte des principes de l’économie circulaire et de l’économie sociale4.

La responsabilité élargie des producteurs est définie comme une « approche selon laquelle certaines entreprises, généralement par obligation réglementaire, s’assurent de la gestion des produits qu’elles mettent sur le marché, au moment de leur postconsommation.5

La même approche encadre le nouveau système de consigne6 et le Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises7, lequel concerne notamment les produits électroniques, les piles et batteries, les peintures, les huiles et les appareils ménagers.

L’économie circulaire, quant à elle, est définie comme un « système de production, d’échange et de consommation qui repose sur des stratégies permettant d’optimiser l’utilisation des ressources à chacune des étapes du cycle de vie des produits, dans le but de réduire les impacts environnementaux et d’améliorer le bien-être des individus et des collectivités. »8

L’objectif du système modernisé de collecte sélective est donc de rendre les producteurs de CEI responsables de leur gestion, de la conception jusqu’au recyclage, ce qui devrait favoriser l’écoconception des produits. Les municipalités jouent néanmoins un rôle clé dans le système, puisque l’OGD a l’obligation d’entreprendre des démarches en vue de conclure, avec elles, des contrats visant la collecte sélective des CEI. En pratique, ce contrat consiste en l’Entente-cadre publiée par ÉEQ, dont certains éléments peuvent être personnalisés au cas par cas.

Le report prévu au Décret 1875-2023 accorde donc aux municipalités un délai supplémentaire pour octroyer les contrats visant la collecte et le transport des CEI, en conformité avec les ententes conclues avec ÉEQ. Il importe de noter que le Décret 1875-2023 n’a pas pour effet de repousser la date d’entrée en vigueur du système modernisé de collecte sélective, fixée au 1er janvier 2025, ni de repousser les échéances prévues pour l’élargissement futur de la collecte sélective à certains lieux et à certaines matières.

C’est ainsi qu’ÉEQ devra assurer, dès le 1er janvier 2025, le financement de la collecte sélective des CEI des secteurs suivants9 :

  • Le secteur résidentiel
  • Les institutions, commerces et industries (ICI) dont les matières résiduelles et les volumes sont assimilables à ceux du secteur résidentiel
  • Les écoles et cégeps
  • Les ICI et lieux publics extérieurs déjà desservis au 7 juillet 2022

ÉEQ devra déposer, au plus tard le 24 octobre 2025, un plan pour la collecte et le transport des matières résiduelles provenant des lieux publics extérieurs des municipalités de plus de 25 000 habitants10. Dans un délai de trois ans suivant le dépôt de ce plan, soit au plus tard le 24 octobre 2028, ÉEQ devra progressivement élargir la collecte sélective à l’ensemble des lieux publics extérieurs qui y sont identifiés.

Par la suite, la collective sélective sera progressivement élargie11 :

  • Au plus tard le 7 juillet 2027, à l’ensemble des ICI, ainsi qu’aux universités
  • Au plus tard le 7 juillet 2030, à l’ensemble des industries

Dès qu’elles sont desservies par la collecte sélective, les ICI et les immeubles multilogements doivent y participer, notamment, dans le cas des immeubles multilogements, en mettant des bacs de récupération et de recyclage à la disposition des occupants12.

En ce qui concerne les matières composant les CEI, la collecte sélective sera progressivement élargie13 :

  • Au plus tard le 1er janvier 2027, à plusieurs matières utilisées à des fins non industrielles, incluant le polystyrène, les plastiques souples, le bois, le liège et les textiles
  • Au plus tard le 1er janvier 2029, aux pailles et ustensiles à usage unique, entre autres
  • Au plus tard le 7 juillet 2030, aux matières utilisées à des fins industrielles

Au plus tard le 1er janvier 2031, aux matières constituées de plastiques compostables ou dégradables.

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[1] Décret 1875-2023 Concernant le report de la date du 31 décembre 2024 prévue aux articles 17 et 18 de la Loi modifiant principalement la Loi sur la qualité de l’environnement en matière de consigne et de collecte sélective, pour les contrats qui visent, en tout ou en partie, la collecte et le transport de certaines matières résiduelles, (2024) 156 G.O. II, 193.
[2] L.Q. 2021, c. 5 (42e légis., 1re sess., projet de loi 65).
[3] [RLRQ, c. Q-2, r. 46.01], (2022) 154 G.O. II, 3399.
[4] Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q -2, art. 53.30.
[5] Office québécois de la langue française, « Entrez dans la ronde : vocabulaire de l’économie circulaire », https://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/vocabulaire-economie-circulaire.aspx.
[6] Règlement visant l’élaboration, la mise en œuvre et le soutien financier d’un système de consigne de certains contenants, [RLRQ, c. Q-2, r. 16.1] (2022) 154 G.O. II, 3356;
[7] [RLRQ, c. Q-2, r. 40.1].
[8] Office québécois de la langue française, préc. note 5.
[9] Article 12 du Règlement.
[10] Article 56 du Règlement.
[11] Id.
[12] Articles 123 et 124 du Règlement.
[13] Article 24 du Règlement.

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Par Me Jean-Philippe Lepape
Avocat
Morency, Société d’avocats