5 nouveautés suivant l’adoption du PL79

15 avril 2025
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Le 25 mars 2025, la Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau administratif des organismes municipaux (ci-après : la « Loi »), introduite par le projet de loi 79 (ci-après : « PL79 »), est entrée en vigueur.
Bien que le PL79 a été déposé en novembre 2024, la ministre Andrée Laforest a indiqué lors des débats parlementaires que c’est un projet de loi sur lequel le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation travaille depuis plusieurs années.

Tel que l’indique le titre de la Loi, elle vise principalement deux objectifs, soit d’introduire la Loi sur les contrats des organismes municipaux (ci-après : la « LCOM ») et d’alléger le fardeau administratif des organismes municipaux. Le présent article porte sur le premier objectif, et plus spécifiquement, sur quelques nouveautés législatives introduites par la LCOM.

L’objectif principal de la LCOM était de rassembler des dispositions, concernant notamment l’octroi de contrat, dispersées dans cinq (5) lois différentes. Ainsi, plusieurs articles de la LCOM étaient déjà prévus dans la Loi sur les cités et villes1 (ci-après : la « LCV »), d’autres proviennent de la Loi sur les contrats des organismes publics2 (ci-après : la « LCOP ») ou des règlements afférents, et d’autres articles qui sont de droit nouveau.

Dans les prochaines lignes, nous étudierons cinq nouveautés introduites dans la LCOM. Il est important de noter que bien que la Loi ait été sanctionnée le 25 mars dernier, la LCOM, quant à elle, entrera en vigueur à la date fixée par le gouvernement3.

1. Règlement sur la gestion contractuelle

L’article 573.3.1.2 de la LCV prévoyait déjà que toute municipalité devait adopter un règlement sur la gestion contractuelle (ci-après : le « RGC »). Cet article prévoyait, notamment, le contenu obligatoire qui devait apparaître au RGC de toute municipalité. Ce même contenu obligatoire a été repris à l’article 8 de la LCOM, en plus de deux nouveaux groupes de mesures supplémentaires obligatoires qui doivent également être prévues dans les RGC des organismes municipaux.

D’une part, les RGC doivent maintenant prévoir des mesures « favorisant l’acquisition responsable tenant compte des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable ». Il peut s’agir de mesures visant la protection de l’environnement, l’équité, l’éthique, etc. L’article 938.1.2.0.1 du Code municipal du Québec4 (ci-après : le « Code municipal ») prévoyait qu’une municipalité pouvait adopter une politique d’acquisition responsable. Avec l’introduction de la LCOM, c’est maintenant un contenu obligatoire au RGC.

D’autre part, des mesures « favorisant les biens et les services québécois ou autrement canadiens et les entreprises qui ont un établissement au Québec ou ailleurs au Canada aux fins de l’attribution de tout contrat attribué suivant une procédure sur invitation écrite ou de gré à gré » doivent également être prévues. Ce principe a été intégré au paragraphe 6.1 de l’article 938.1.2 du Code municipal, entré en vigueur le 6 décembre 2024 suivant l’adoption du projet de loi 575. Il s’agit donc d’un principe très récent, qui a été reconduit dans la LCOM.

C’est par un règlement que la ministre définira ce que sont « les biens et les services québécois ou autrement canadiens et les entreprises qui ont un établissement au Québec ou ailleurs au Canada ». Ce règlement n’est pas encore en vigueur, de sorte qu’il faudra rester à l’affût.

2. Le contrat de partenariat

La LCOM prévoit maintenant des dispositions concernant les contrats de partenariat (ou contrat mixte).

Ce type de contrat a été introduit dans la LCOP par le projet de loi 62 ayant mené à la Loi visant principalement à diversifier les stratégies d’acquisitions des organismes publics et à leur offrir davantage d’agilité dans la réalisation de leurs projets d’infrastructure6.

D’abord, ce contrat peut être conclu dans le cadre d’un projet d’équipement ou d’infrastructure. Il ressort des débats parlementaires que l’expression « d’équipement ou d’infrastructure » vise l’ensemble des immobilisations.

Ensuite, ce type de contrat permet à un organisme municipal d’impliquer une entreprise privée dès le départ pour la conception et la réalisation, ou encore a posteriori, pour toutes les responsabilités associées à la gestion et l’entretien. On peut penser à la construction d’un amphithéâtre par exemple. La conception et la réalisation peuvent être complexes et nécessiter l’aide d’une entreprise privée dès les premières discussions. Une fois construit, il sera nécessaire de le louer, prévoir des spectacles, l’entretenir, etc. L’entreprise pourra agir de concert avec l’organisme municipal pour mettre en œuvre tous ces aspects.

Un autre exemple donné lors de l’étude détaillée du projet de loi est un projet de construction d’une bibliothèque au-dessus de laquelle des logements résidentiels seraient construits, d’où la notion de contrat mixte. Le partenaire de la municipalité pourra aider cette dernière à élaborer le projet et prévoir les modalités de gestion.

Bref, ce type de contrat vise des projets plus complexes que le contrat traditionnel où sont publiés les plans et devis et les soumissionnaires soumettent un prix pour réaliser le projet.

3. Évaluation des besoins

Un des articles hautement critiqués lors des consultations particulières est l’article 18 de la LCOM. Cet article rend obligatoire pour un organisme municipal de procéder à une « évaluation sérieuse » de ses besoins, qui doit être documentée pour toute dépense égale ou supérieure à 25 000 $, sauf en cas de situation d’urgence.

Les critiques étaient principalement de deux ordres : l’augmentation du fardeau administratif et l’interprétation difficile du caractère sérieux de l’évaluation qui mènera nécessairement à des recours judiciaires.

Ayant entendu les critiques, la ministre Andrée Laforest a, lors de l’étude détaillée de cet article, annoncé que l’expression « évaluation sérieuse » sera définie dans le Muni express qui suivra l’adoption du PL79.

4. L’estimation

Une modification attendue et souhaitée est la concordance entre l’obligation de faire une estimation du prix d’un contrat et le seuil déterminé pour l’application de la procédure ouverte7.

Le seuil pour l’attribution d’un contrat par une procédure ouverte augmentait chaque année; or le seuil imposant l’obligation de procéder à une estimation était figé à 100 000 $. Grâce à l’adoption du PL79, il y a maintenant concordance entre les deux seuils (article 20 de la LCOM).

5. L’appel d’intérêt

L’appel d’intérêt, bien qu’il s’agissait déjà d’une possibilité, est maintenant consigné dans une disposition législative, soit à l’article 21 de la LCOM.

Ce n’est pas obligatoire de procéder à un appel d’intérêt, toutefois, si l’organisme municipal souhaite le faire, il doit obligatoirement être publié sur le système électronique d’appel d’offres. 

L’appel d’intérêt est un processus intéressant pour obtenir des informations à l’égard du marché afin de mieux le connaitre et adapter les documents d’appel d’offres en conséquence. Il permet d’obtenir des renseignements sur le secteur d’activité pertinent pour le projet souhaité par la municipalité. Les entreprises qui répondent à l’appel d’intérêt peuvent discuter avec le donneur d’ouvrage et faire connaitre leurs produits et services. Il s’agit donc d’une procédure qui peut s’avérer mutuellement satisfaisante, autant pour la municipalité que pour l’entreprise qui souhaite soumissionner.

Dans le contexte actuel où les soumissionnaires se font plus rares, c’est un outil très intéressant pour sonder l’intérêt des entreprises et pour s’assurer que les documents d’appels d’offres reflètent la réalité du marché.

Outre les cinq nouveautés précitées, plusieurs autres articles de la LCOM introduisent des nouveautés concernant l’octroi de contrats par les organismes municipaux. Il y a également plusieurs nouveautés concernant l’urbanisme qui ont été intégrées dans la Loi, certaines sont en vigueur depuis le 25 mars dernier.


Par Me Sophie Bernier
Avocate
Morency, Société d’avocats
__________

[1] RLRQ, c. C-19.
[2] RLRQ, c. C-65.1.
[3] Article 88 al. 1, par. 1 de la Loi.
[4] RLRQ, c. C-27.1.
[5] Loi édictant la Loi visant à protéger les élus municipaux et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.
[6] 2024, chapitre 28.
[7] La procédure ouverte était anciennement appelée la demande de soumissions publiques.