S'allier pour une meilleure offre en loisirs

04 mars 2025
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Diversifier l’offre en loisirs afin de répondre aux besoins des citoyens, quel que soit leur âge, leur condition physique ou leurs moyens financiers tout en prenant en compte un budget reposant sur la taxation municipale représente un certain défi. Dans ce contexte, il est impensable que chaque municipalité ait des infrastructures sportives d’envergure telles qu’aréna et complexe aquatique. Et si la coopération et la mutualisation des services municipaux étaient une solution?

Il y a près de deux ans, le Réseau des Unités régionales de loisir et de sport (URLS) du Québec lançait le site eluloisir.com et la Trousse de l’élu en loisirs destinés principalement aux municipalités de moins de 10 000 habitant(e)s afin de fournir aux élu(e)s des références et outils pour mieux comprendre l’importance d’investir en loisirs et de quelles façons ils peuvent le faire. Dix formations données en visioconférence et enregistrées ont été ajoutées pour une disponibilité en tout temps via le site Web. Parmi ces formations, deux traitent spécifiquement de coopération.

La coopération intermunicipale : un levier puissant

Ces dernières années, depuis la pandémie, plusieurs régions du Québec ont accueilli bon nombre de nouveaux résident(e)s en provenance des centres urbains. Ces nouveaux citoyen(ne)s, habitués à une offre abondante de loisirs, créent de nouveaux besoins et demandes. La formation La coopération intermunicipale, un levier alternatif pour le développement du loisir public propose des pistes de solutions pour les différents domaines où il est possible pour les municipalités de mettre en commun leurs ressources afin de développer leur offre en loisir, sport et culture. Non seulement la coopération entre municipalités permet d’élargir l’offre de loisirs, mais elle réduit également la pression tant sur les ressources financières qu’humaines, ainsi que sur la nécessité de construire des infrastructures.

La coopération intermunicipale peut prendre différentes formes, telles que l’entente informelle, la corporation de loisirs intermunicipale, le comité intermunicipal de loisirs, la délégation à la MRC ou encore le contrat de service. Ces multiples façons de faire peuvent être :

  • Construire une nouvelle infrastructure ou aménager un nouveau sentier;
  • Mettre sur pied un service de prêt de matériel dédié aux loisirs;
  • Partager une ressource professionnelle en loisirs;
  • Mettre en place une programmation d’activités ou un nouvel événement;
  • Mettre en place un service de camp de jour;
  • Développer une programmation variée.

Les conditions essentielles pour réaliser un projet de coopération

Avant de se lancer dans un projet de coopération intermunicipale, il faut d’abord en reconnaître les avantages… ainsi que les compromis à faire. Les municipalités doivent reconnaître avoir un besoin commun tout en acceptant qu’elles n’offriront pas toutes les mêmes activités ou les mêmes infrastructures. Toutefois, en mettant à profit les connaissances, les ressources et les forces de chacun des partenaires, les municipalités pourront proposer une offre concertée des plus intéressantes et diversifiée pour leurs citoyen(ne)s.

Ainsi, la première étape est de s’assurer de bien connaître l’offre de services des organisations du milieu et des municipalités limitrophes. Pour chacune des organisations et municipalités participant à ce partenariat, il est nécessaire de connaître les besoins, d’avoir un inventaire précis des infrastructures sportives et récréatives ainsi que des activités et événements offerts, d’avoir un aperçu des projets à venir ainsi que la liste des employé(e)s et organismes dédiés aux loisirs.

La coopération scolaire-municipale

La Trousse de l’élu en loisirs propose également une formation sur la coopération scolaire-municipale afin de maximiser l’utilisation des infrastructures sportives, récréatives et culturelles, améliorer les offres de services au meilleur coût possible pour les citoyen(ne)s et avoir un impact positif sur leur mieux-être. Une diversité de projets peut voir le jour dans le cadre d’une collaboration municipale-scolaire : la construction d’équipements sportifs et culturels, la réalisation de parcs-écoles, l’organisation d’activités parascolaires, le développement de programmes particuliers d’implication communautaire, le prêt et le partage d’utilisation de locaux, l’organisation d’événements et d’activités, des projets de déplacement actif et sécuritaire, des projets multigénérationnels d’agriculture urbaine et de jardins collectifs, et plus encore.

Exemple inspirant : Deschambault-Grondines

En 2023, la Municipalité de Deschambault-Grondines présentait un plan d’action en loisirs basé sur les consultations tenues auprès de sa population. « Notre municipalité est reconnue pour son patrimoine bâti, ses activités culturelles. En 2021, une nouvelle administration est arrivée en place. J’ai été élu maire après 12 ans comme conseiller et un seul conseiller de l’équipe précédente est revenu. Ce nouveau conseil a un préjugé plus que favorable pour actualiser les loisirs, sans délaisser ce qui se faisait. On avait actualisé l’offre pour les 0-5 ans, mais pour le reste, on surfait sur notre erre d’aller », explique le maire Patrick Bouillé à propos du contexte ayant mené à cet exercice de planification.

Fresque sur le quai de Grondines dans le cadre du projet Zone-Fleuve,
août 2024.
Crédit photo : Mathieu Bergeron.
Défi santé en collaboration avec les jeunes des écoles primaires, mai 2023.
Crédit photo : Municipalité de Deschambault-Grondines.

La fusion des municipalités de Deschambault et de Grondines en 2002 a fait en sorte que la nouvelle entité a des doublons d’infrastructures, mais avec 12 km entre les deux noyaux villageois, ce n’était pas envisageable de se départir de certaines de celles-ci.

Lors des consultations publiques, qui se sont tenues avec en toile de fond la sortie de pandémie, c’est sans surprise que les activités en nature sur les quatre saisons ont tenu une place importante. « On a profité de l’occasion pour faire beaucoup de sensibilisation au fait qu’on n’a pas le choix de travailler avec d’autres municipalités. Nos moyens sont limités. Pourquoi on ferait 5-6 km de sentiers de ski ici quand il y en a à 10 minutes au Parc régional de Portneuf, qui est soutenu par la MRC? Il y a comme un dosage à faire. Il faut éviter la politique du voisin gonflable », ajoute M. Bouillé.

À la suite de la consultation, qui a connu un fort taux de participation, un plan d’action a été établi dans lequel plusieurs partenaires sont mis à contribution. « La municipalité a une programmation à part, saisonnière, mais on a aussi beaucoup d’organisations à qui on apporte un soutien au fonctionnement. Donc l’école de musique s’occupe de la portion spectacle. Culture et patrimoine organise des activités dans son créneau. Le Comité des loisirs, un comité formé de bénévoles, voit à l’organisation de Magie d’octobre et d’un marché de Noël. Et finalement, nos deux bibliothèques font des activités. S’ajoutent à ça la FADOQ et le Club Lion Deschambault-Grondines que la municipalité finance de façon ponctuelle pour la tenue d’événements », détaille le maire.

La collaboration se fait aussi régionalement. « On cherche l’équilibre entre le souci de proximité et la disponibilité locale. On ne veut pas dédoubler l’offre. On a un Comité des loisirs pour le secteur ouest de Portneuf. Ils établissent les besoins et déterminent les projets à développer. On est très fort dans Portneuf pour les projets régionaux. Il y a deux ans, l’école secondaire Saint-Marc avait un projet de gymnase double. Les huit municipalités de l’ouest de Portneuf ont appuyé le projet et investi un total de 400 000 $ parce que ça accroît la possibilité d’activités pour nos citoyen(ne)s. On avait fait la même chose pour la piscine intérieure. Il y a aussi la Véloroute et bon an, mal an, on fait plusieurs activités avec les autres municipalités. On travaille aussi sur un projet présentement pour créer un lieu de rendez-vous pour les ados avec des activités », illustre M. Bouillé.

Les deux premières années de l’application du plan d’action en loisirs sont plus que positives. Parmi les nouveautés qui ont été mises en place, il y a la nouvelle façon d’offrir le camp de jour afin de profiter des particularités de chaque coeur villageois ainsi que l’installation de places éphémères qui ont connu un franc succès.

« Il y a beaucoup de choses de faites, surtout en activités directes. La dernière année du plan d’action sera consacrée aux projets d’infrastructures, comme le développement de la scène extérieure aux sentiers de la Chevrotière qui est situé entre les deux villages. On veut habituer les gens à se déplacer. Il y a déjà quelques sentiers et il y a un grand potentiel de sentiers de raquette et de randonnée. En bout de piste, ce serait une petite base de plein air à la jonction des deux anciennes municipalités. Il y a aussi le projet d’abri de patinoire, un préau. On va faire les études sur ça en 2025 », conclut M. Bouillé.

Exemple inspirant : MRC de l’Érable

Les résident(e)s de la MRC de L’Érable bénéficient d’équipements supralocaux depuis près de 20 ans, mais en 2022 elle en a fait un projet signature. « Chacune des quatre infrastructures a son histoire et sa réalité propres. L’une était un club privé, une autre était portée par un comité de bénévoles. Vers 2000, ils ont commencé à avoir des difficultés financières et se sont tournés vers la MRC. Afin de pérenniser ces installations, la MRC a commencé à envoyer des quotes-parts chaque année au Mont Apic et au Centre aquatique. Quant au parc régional des Grandes-Coulées, c’est une création de la MRC pour mettre en valeur les terres publiques et le parc linéaire des Bois-Francs est un projet commun avec la MRC d’Arthabaska dont l’entretien a été délégué à des OBNL », explique le directeur général de la MRC de L’Érable, Raphaël Teyssier.

Le parc linéaire des Bois-Francs propose 77 kilomètres de sentier en poussière de pierre sur deux MRC, soit celle de L’Érable et celle d’Arthabaska.
Crédit photo : Kim Roberge.
Le parc des Grandes-Coulées est l’un des équipements supralocaux accessibles à l’année dans la MRC de L’Érable.
Crédit photo : PaRQ-JF Girard.

Ce projet signature vient avec un plan d’action appuyant une vision globale du développement du territoire qui met en valeur son caractère sportif. De plus, un financement y est rattaché, à la hauteur de 1,38 M$. « Depuis 2022, on a échangé avec les quatre entités qui gèrent ces équipements régionaux pour arrimer et développer le projet. Le plan d’action comporte un axe sur la promotion, mais jusqu’à maintenant, on a travaillé à consolider, mieux structurer et mettre à niveau les infrastructures. Le financement est toujours le nerf de la guerre. En associant l’image de la MRC à ces infrastructures, ça permet un levier intéressant. On a des expertises à la MRC, donc le recours à nos ressources à l’interne est intéressant. La mise en commun des expertises permet de réaliser des choses sans trop augmenter le fardeau des organisations », ajoute M. Teyssier.

La MRC de L’Érable se veut un agent facilitateur, mais pas centralisateur. Ainsi, chacune des organisations en place garde ses particularités et chacune aura son plan stratégique, tout en travaillant ensemble pour consolider les acquis et rendre la région encore plus attractive. Les équipements supralocaux offrent ainsi une diversité intéressante pour la pratique de loisirs et de sports :

  • Le Centre aquatique régional de L’Érable situé à Princeville est géré par un organisme à but non lucratif dont le conseil d’administration est formé de membres représentatifs de la communauté. Y sont offerts des cours de natation, de mise en forme et plusieurs autres activités favorisant le bien être;
  • Le Mont Apic est un centre de glisse proposant pistes de ski, glissades sur tubes et sentiers de raquettes;
  • Le Parc linéaire des Bois-Francs est balisé Route Verte et Sentier transcanadien. Cette piste cyclable a été entièrement aménagée sur une ancienne voie ferroviaire et traverse les MRC d’Arthabaska et de L’Érable, permettant aux cyclistes de se rendre à vélo de la rive sud de Québec jusqu’aux Cantons-de-l’Est;
  • Depuis 2010, le parc régional des Grandes-Coulées permet à la MRC de L’Érable de valoriser ses propriétés publiques dans un projet touristique rassembleur. Il est composé de cinq secteurs distincts, dont deux sont utilisés à des fins récréatives, soit celui de la Grande-Tourbière-de-Villeroy et celui de la Forêt ancienne. Près de 15 km de sentiers sont accessibles à toute la famille. S’y pratiquent la randonnée pédestre, la pêche à la truite, le vélo et l’observation de la faune et de la flore. Trois circuits de rallye GPS et une piste d’hébertisme de 18 modules sont aussi accessibles dans le secteur de la Forêt ancienne.

Circonflexe : accès aux équipements pour tous

En 2021-2022, le Réseau des URLS était mandaté par le gouvernement pour tenir un projet pilote de centrales de prêt d’équipement de sport et activités physiques. En mai 2022, le gouvernement annonçait un financement de 40,7 M$ sur 5 ans pour déployer ce projet à la grandeur du Québec sous le nom de Réseau collectif d’accès aux équipements. En septembre 2023, le projet a pris le nom de circonflexe prêt-pour-bouger et, en novembre 2024, il comptait 412 points de service au Québec, soit sous la forme de comptoirs de prêt, d’unités mobiles et de stations connectées, c’est-à-dire des casiers intelligents installés notamment dans des parcs et fonctionnant avec une application mobile.

« Le 1er objectif de circonflexe est de briser la barrière de l’accessibilité à l’équipement, que ce soit une barrière financière ou l’accès à des équipements adaptés pour les personnes vivant avec un handicap. Cette accessibilité permet aux gens de découvrir et de s’initier à différentes activités et même de redécouvrir un sport qu’ils pratiquaient plus jeunes. On offre aussi des initiations à certains sports avec les unités mobiles, pour que les gens s’approprient le matériel qui est à leur disposition », explique Marie-Eve Fleury, gestionnaire de programmes au Réseau des URLS.

Le rôle du Réseau des URLS est d’assurer la coordination provinciale et de promouvoir le programme. « Ce sont les unités régionales qui développent circonflexe en concertation avec le milieu. Chaque région y met sa couleur en fonction de sa réalité. Les municipalités intéressées transmettent à leur URLS ce qu’elles veulent faire, comment elles veulent le faire et comment leur URLS peut les aider. Chaque projet est géré à la pièce, il n’y a pas de recette uniforme pour toutes les municipalités », ajoute Mme Fleury.

À ce jour, il y a trois manières de faire : le comptoir de prêt, l’unité mobile et la borne autonome. « Mais il y a de l’ouverture pour des façons différentes. Tant que le projet consiste à offrir en prêt gratuit du matériel sportif, on peut aider », précise Mme Fleury.

Le Réseau a également le mandat de mettre en place le volet numérique de circonflexe. « C’est une plateforme de prêt d’équipement pour rendre la gestion du matériel plus simple, comme la tenue d’inventaire, le prêt, l’entretien, etc. Un volet de la plateforme s’adresse aux administrateurs et un volet, celui du prêt, est public », explique Audrey Lemay, coordonnatrice des programmes au Réseau. Le volet pour les administrateurs a été mis en ligne en février alors que le volet pour le prêt sera disponible en mars via circonflexe.ca.

« On est également en train de travailler avec les fédérations sportives sur des outils d’information sur divers sujets, comme l’entretien adéquat des équipements. On offre aussi, dans la section S’outiller sur le site, des conseils sur le démarrage d’une plateforme de prêt d’équipement. Ce qu’on souhaite, c’est outiller les gestionnaires, leur rendre ça le plus facile possible », ajoute Mme Lemay.

Quel impact le prêt gratuit d’équipement sportif et de loisir peut-il avoir sur la population? « On a entendu de beaux exemples où circonflexe a permis de briser des barrières, de favoriser l’accès à des équipements dans les écoles, les municipalités, les camps de jour. J’ai deux histoires auxquelles je pense tout le temps quand on pose cette question. La première se passe à Montréal. Il y a des prêts d’équipements dans certains parcs municipaux. Quand les gens veulent emprunter, il n’y a pas de contraintes, on ne leur pose pas de questions. Ils ne sont même pas obligés de donner leur nom. Il y a donc un itinérant qui a emprunté un ballon de basket. Ça faisait des années qu’il n’avait pas joué. Grâce à circonflexe, il a pu vivre une activité qui lui plaît. Une autre belle histoire est celle de l’unité mobile de planche à roulettes dans Lanaudière. Ce sont les jeunes du CJE qui animent cette activité dans les skate parks l’été. Ça leur permet de vivre une belle réussite », raconte Mme Fleury.

L’engouement et les retombées de circonflexe sont déjà si positifs que le Réseau regarde déjà pour maintenir le programme grâce à des collaborations et des fonds privés, une fois que le mandat confié par le gouvernement sera arrivé à terme.