Par Lila Beddar
Directrice de la souscription et de la prévention des sinistres
Fonds d’assurance des municipalités du Québec
Dans les dix dernières années, les municipalités se voient de plus en plus souvent offrir des bâtiments patrimoniaux pour une modeste somme, notamment des églises et des maisons ancestrales situées sur leur territoire. Il peut également arriver que le ministre du Patrimoine offre, à la demande des municipalités, un transfert de la responsabilité d’un bâtiment de ce type. En effet, les avantages pour les municipalités peuvent être nombreux. Il s’agit d’une façon de préserver le patrimoine religieux de la région et ses lieux peuvent être convertis pour mieux servir la communauté.
_____
Un risque difficile à assurer
Or, quand vient le temps d’assurer ce type d’immeuble, les propriétaires éprouvent d’énormes difficultés à trouver un assureur qui acceptera de prendre ce type de risque.
Rappelons qu’au Québec, un bâtiment patrimonial est, au sens de la Loi sur le patrimoine culturel, « un immeuble qui présente un intérêt pour sa valeur archéologique, architecturale, artistique, emblématique, ethnologique, historique, paysagère, scientifique, sociale, urbanistique ou technologique, notamment un bâtiment, une structure, un vestige ou un terrain[1] ». Il existe différents statuts pour les immeubles patrimoniaux, qui sont attribués soit par le ministère de la Culture et des Communications (MCC), une municipalité locale ou régionale ou par un conseil de bande, et des exigences de conservation et de préservation sont précisées pour chaque statut[2].
Parfois, les exigences touchant l’extérieur ou l’intérieur du bâtiment patrimonial représentent un casse-tête pour les assureurs lors d’un règlement de sinistres en raison des caractéristiques spécifiques et uniques du bâtiment. Cela explique que plusieurs se soient retirés du marché des immeubles patrimoniaux. De plus, ces bâtiments n’ont pas tous été bien entretenus et requièrent des travaux d’entretien et de préservation, ce qui nécessite un budget considérable que les municipalités n’ont pas toujours.
La prudence est de mise
Ainsi, bien qu’il puisse sembler attrayant d’acheter à bas prix une église ou une maison centenaire pour la convertir en musée ou en centre communautaire, il est important de bien évaluer la situation et de voir les avantages et les désavantages d’une telle transaction!
En plus d’entraîner des dépenses considérables pour son nouveau propriétaire, un bâtiment mal entretenu représente également un risque de poursuite en responsabilité civile important. Par exemple, une municipalité pourrait faire l’objet d’une poursuite d’un citoyen qui se serait blessé en chutant dans des escaliers en mauvais état ou encore par le détachement de pierres qui l’auraient frappé en tombant. Pour éviter ces désagréments, il est primordial de bien connaître les signes de détérioration des bâtiments, surtout si votre municipalité songe à en acquérir un.
Il est important, lors de l’acquisition d’un tel immeuble, de bien préparer le dossier présenté à l’assureur. Il faut donc avoir en main le carnet de santé du bâtiment, c’est-à-dire l’historique des travaux faits et de ceux à effectuer. Le dossier doit inclure des photos qui démontrent clairement l’état des lieux. La municipalité doit également présenter clairement son intention et ses plans quant à l’utilisation future de l’immeuble.
Les effondrements
Il arrive que les bâtiments patrimoniaux perdent une partie de leur édifice à cause d’un effondrement de la structure. Pour éviter un tel sinistre, il faut porter une attention particulière à ces manifestations : inclinaison, fissures dans la maçonnerie, déformations des murs extérieurs et bris dans les poutres. Toutefois, certains signes sont difficiles à évaluer ou à interpréter. Parfois, la structure semble solide de l’extérieur, mais se dégrade de l’intérieur. Pour cette raison, il est recommandé de faire inspecter le bâtiment par un ingénieur en structure, qu’il y ait présence ou non de signes visibles d’affaiblissement du bâtiment.
Les incendies
Le chauffage dans les bâtiments centenaires est principalement assuré par des chaudières utilisant du mazout ou du gaz naturel. Il arrive que ces équipements soient désuets, ce qui peut représenter un risque d’incendie. Il est donc pertinent de les faire évaluer par un professionnel et de prévoir leur remplacement avant la fin de leur vie utile.
Également, avec le temps et les intempéries, plusieurs bâtiments ont perdu leur paratonnerre ou sont équipés d’un appareil endommagé. Dans les deux cas, il est préférable d’en faire installer un nouveau pour diminuer les risques d’incendie par la foudre.
Les vieilles installations électriques comportent par ailleurs un risque d’incendie dans certaines circonstances. Il est donc important de mettre à niveau le système électrique d’un bâtiment patrimonial, particulièrement si son usage est modifié.
Les dommages par l’eau
Avec le temps, l’eau peut s’infiltrer un peu partout dans les bâtiments et causer des dommages majeurs à la structure. Il est important de porter une attention particulière aux signes d’infiltration d’eau dans la toiture, la structure, le parement extérieur et les fenêtres.
Une conduite d’eau ou un équipement qui fuit constitue également un risque de dommage. Les signes les plus courants de ce type de sinistre sont la présence de moisissure, de peinture écaillée, de papier peint décollé des murs et d’humidité excessive.
Évaluation rigoureuse requise
Avant de vous porter acquéreur d’un bâtiment patrimonial, veillez à le faire inspecter rigoureusement par des professionnels spécialisés dans ce domaine. De cette façon, vous éviterez les mauvaises surprises!
De même, communiquez avec votre courtier d’assurance en prévision de l’acquisition d’un bâtiment de cette nature pour connaître les règles de souscription de votre assureur. Si vous êtes assurés avec le Fonds d’assurance des municipalités du Québec, notre équipe de prévention des sinistres peut vous accompagner pour l’analyse préliminaire d’un bâtiment.
_____
[1] L.R.Q., c.P-9.00
[2] Bureau d’assurance du Canada, Exigences relatives aux immeubles patrimoniaux en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel