Événements extérieurs et voisinage : quand la musique devient-elle un inconvénient?

14 mai 2025
Fédération québécoise des municipalités

Par Me Sophie Brodeur
Avocate au Service des affaires litigieuses
Fonds d’assurance des municipalités du Québec

De plus en plus de municipalités font rayonner leur région par l’organisation de festivals musicaux extérieurs. Attraits touristiques de choix, les festivals permettent aux citoyens de profiter des installations municipales, en plus de mettre de l’avant les talents artistiques de la région. Ces événements peuvent cependant déranger certains citoyens. Dans un contexte de cohabitation, où devons-nous tracer
la ligne entre l’intérêt collectif et le droit des citoyens de jouir de leur propriété en toute sérénité?

Le 4 février 2024, la Cour supérieure du Québec a dû déterminer si le bruit et les inconvénients occasionnés par un festival musical et artistique extérieur provoquaient des troubles de voisinage au sens
de l’article 976 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

Les faits principaux

Un couple (ci-après les « demandeurs ») souhaite obtenir une injonction interdisant toute activité permanente saisonnière extérieure avec bar, restaurant ou spectacle sur la presqu’île du lac
Osisko, située sur le territoire de la Ville de Rouyn-Noranda («la Ville»).

Notons que l’on compte approximativement 200 m à vol d’oiseau entre la propriété des demandeurs et la presqu’île du lac Osisko.

Les demandeurs allèguent que les activités qui y sont tenues par le Collectif 08, un organisme à but non lucratif, leur occasionnent des inconvénients anormaux tant au niveau du bruit qui est généré
que par l’accroissement de l’achalandage dans leur quartier. De 2019 à 2023, à l’exception de 2020, le festival a présenté environ 20 spectacles, échelonnés chaque année entre le 20 juin et le 20 août.

Dès 2019, les demandeurs déposent une plainte auprès de la Ville en regard du bruit occasionné par les spectacles et le non-respect de l’horaire prévu aux résolutions du conseil de Ville, lesquels
les brimeraient dans la jouissance de leur propriété. La Ville et le Collectif 08 contestent la demande en précisant qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour atténuer les inconvénients
occasionnés par la tenue des activités, notamment le déplacement de la scène et l’ajout d’une présence policière.

Le jugement

La Cour en vient à la conclusion que le trouble allégué a un caractère répétitif et s’étale sur une période qui couvre pratiquement tout l’été, ce qui satisfait le critère de la récurrence.

Cependant, il n’atteint pas le niveau de gravité qui excède les limites de la tolérance que se doivent d’avoir les propriétaires au sens de l’article 976 C.c.Q. Le nombre de plaintes ainsi que la lecture des
décibels confirment que les activités organisées n’atteignaient pas un niveau excessif ou déraisonnable. La Cour en profite pour réitérer qu’un propriétaire ne bénéficie pas d’un droit acquis à ce que la
situation de son voisinage demeure inchangée au fil du temps. De nouveaux inconvénients de voisinage peuvent survenir avec l’évolution de l’usage qui est fait d’un quartier ou d’un environnement.

De plus, la Cour statue que la Ville n’a pas commis de faute engageant sa responsabilité civile. En effet, les demandeurs n’ont pas été en mesure de démontrer qu’elle n’avait pas respecté
les résolutions adoptées en ce qui a trait au bruit généré par les événements, au respect des horaires préétablis, ou à la sécurité et la salubrité sur le site. Des mesures d’atténuation ont été mises
en place afin de limiter les impacts négatifs, ce qui démontre le comportement diligent de la Ville.

Ainsi, la Cour considère que la décision de la Ville d’organiser ces événements s’inscrit dans une vision de mise en valeur de ses sites afin d’en faire profiter ses citoyens. Dans cette optique, il n’y a pas
lieu de prohiber les activités pour lesquelles les inconvénients ont été réduits à un niveau acceptable et pour lesquelles les bénéfices collectifs dépassent les inconvénients personnels.

Bonne saison des festivals à tous!