11 janvier 2023
Le droit de préemption a fait son arrivée dans le coffre à outils des municipalités en juin 2022 par son intégration au Code municipal du Québec1 et à la Loi sur les cités et villes2. Mais en quoi cela consiste-t-il? Comment faire pour s’en prévaloir? Quels sont ses avantages, inconvénients et ses limites? Cette chronique répond à ces questions.
Qu’est-ce que le droit de préemption et comment l’exercer?
Le droit de préemption est un droit de préférence. La municipalité peut alors égaler une offre d’achat soumise au propriétaire pour la vente de son immeuble sur lequel celle-ci avait indiqué vouloir exercer ce droit. Ainsi, la municipalité évite les situations où un immeuble représentant un intérêt pour la municipalité ne soit vendu à un tiers, sans qu’elle n’en soit préalablement informée.
Précisons que les immeubles appartenant à un organisme public sont exclus de cette application.
Pour se prévaloir du droit de préemption, la municipalité doit s’assurer de respecter la procédure applicable qui se résume par :
- L’adoption d’un règlement qui détermine le territoire sur lequel le droit de préemption peut être exercé et les fins municipales auxquelles des immeubles peuvent être acquis;
- La notification d’un avis d’assujettissement de l’immeuble au propriétaire et inscription de cet avis au registre foncier. Cet avis ne peut avoir une durée de plus de 10 ans.
Cette procédure est essentielle pour pouvoir exercer le droit de préemption et nécessite un important travail de réflexion, puisqu’un avis devra être publié pour chaque immeuble ciblé.
Lorsque le propriétaire désire aliéner son immeuble, la municipalité reçoit par notification un avis d’intention mentionnant le prix et les conditions de la vente projetée; cette dernière dispose alors d’un délai de 60 jours pour exercer son droit de préemption.
Toutefois, dans le cas où l’aliénation est faite au bénéfice d’une personne liée au propriétaire (au sens de la Loi sur les impôts3 ex. : d’un parent à son enfant, d’une entreprise à sa filiale) ou d’un autre organisme public, la municipalité ne pourra exercer son droit de préemption. L’avis d’assujettissement restera néanmoins inscrit au registre foncier pour les transactions futures.
Les distinctions
Le droit de préemption permet d’acheter un immeuble à un prix proche du prix du marché, car il se base sur le prix d’une offre d’achat acceptée. L’acquisition par voix d’expropriation, de son côté, prévoit une indemnité qui doit couvrir non seulement la valeur de l’immeuble selon l’usage le meilleur et le plus profitable (UMEPP), mais également les dommages directs causés au propriétaire. Cette distinction s’explique par le fait que l’expropriation force le propriétaire à se départir de son immeuble à un moment qu’il n’a pas choisi. Dans le cas du droit de préemption, la municipalité indique son intérêt, mais le droit ne peut s’exercer que si le propriétaire décide d’aliéner son immeuble et que les conditions offertes lui conviennent.
La municipalité qui décide d’exercer son droit de préemption a l’obligation de dédommager l’acheteur initial pour les dépenses raisonnables qu’il a engagées dans le cadre de la négociation du prix et des conditions de l’aliénation projetée, le cas échéant.
Le choix de l’outil adéquat pour la municipalité reposera donc sur les besoins de la municipalité et son échéancier. En effet, l’expropriation permet de forcer la cession de l’immeuble à la municipalité dans un délai relativement court. Alors qu’avec le droit de préemption, il est possible que la municipalité ne puisse jamais l’exercer et par conséquent, qu’elle n’acquiert jamais l’immeuble.
Également, contrairement à la réserve pour fins publiques prévue à la Loi sur l’expropriation4, qui prohibe, pour toute sa durée, les constructions, améliorations ou additions à l’immeuble visé à l’exception des réparations, le droit de préemption ne limite nullement l’usage et la jouissance de l’immeuble par son propriétaire. En raison de cette importante limitation, la réserve ne peut être que d’une durée de 2 ans, renouvelable pour un autre 2 ans, et l’acquisition, sauf entente entre le propriétaire et la municipalité, devra se faire par expropriation. Il est également important de rappeler que l’imposition d’une telle réserve donne lieu à une indemnité se calculant d’après le préjudice réellement subi et directement causé par l’imposition de cette dernière.
En conclusion, les municipalités disposent maintenant d’un autre outil à considérer dans la planification de leur développement et de leur besoin d’immeubles pour des fins publiques. Une analyse détaillée des besoins et des objectifs des municipalités est essentielle afin de choisir la méthode à privilégier dans chacune des circonstances, les municipalités pouvant aussi opter pour une combinaison de celles-ci ou encore pour une acquisition de gré à gré.
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[1] RLRQ, c. C-27.1, articles 1104.1.1 et suivants.
[2] RLRQ, c. C-19, articles 572.0.1 et suivants.
[3] RLRQ, c. I-3.
[4] RLRQ, c. E-24, articles 69 et suivants.
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