Par Audrey St-James
Avocate | Service d’assistance juridique
Fédération québécoise des municipalités
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Depuis le 1er avril 2023, les municipalités locales et les MRC dont le territoire comprend un territoire non organisé doivent avoir adopté un règlement relatif à la démolition d’immeubles conforme aux exigences des articles 148.0.1 et suivants de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[1](LAU). Les municipalités qui possédaient déjà un tel règlement doivent s’assurer que son contenu respecte les mêmes exigences.
Cette nouvelle obligation découle des modifications apportées à la LAU par le projet de loi 69, intitulé Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives[2],sanctionné le 1er avril 2021. Elle vise notamment à protéger les immeubles patrimoniaux au sens de la Loi sur le patrimoine culturel[3] (LPC) et à resserrer le contrôle des municipalités sur les démolitions d’immeubles et les projets de réutilisation des terrains ainsi dégagés.
Exigences du règlement
Le règlement relatif à la démolition d’immeubles doit obligatoirement viser les immeubles patrimoniaux, au sens de la LPC[4]. Il doit également toucher les immeubles situés dans un site patrimonial cité conformément à cette Loi ou les immeubles inscrits dans l’inventaire visé au premier alinéa de l’article 120 de la LPC[5]. Le règlement peut déterminer tout immeuble, autre que patrimonial, qui n’est pas assujetti à ses dispositions[6].
Le conseil municipal doit constituer un comité de démolition ayant essentiellement pour fonctions d’analyser et de se prononcer sur les demandes de démolition. Ce comité doit être formé de trois membres du conseil dont le mandat est d’une durée d’un an et renouvelable. Le conseil peut aussi, par règlement, s’attribuer les fonctions qui incombent au comité[7]. Les demandes de démolitions d’immeubles sont donc analysées au cas par cas par le comité de démolition, qui se prononce à la lumière des critères prévus au règlement. Les municipalités ont le pouvoir de déterminer les critères d’évaluation des demandes d’autorisation de démolition, mais certains sont toutefois prescrits par la LAU[8].
Les critères suivants[9], applicables à tous les immeubles, doivent se retrouver dans le règlement :
- L’état de l’immeuble visé par la demande;
- Sa valeur patrimoniale;
- La détérioration de la qualité de vie du voisinage;
- Le coût de sa restauration;
- L’utilisation projetée du sol dégagé;
- Lorsque l’immeuble comprend un ou plusieurs logements, le préjudice causé aux locataires et les effets sur les besoins en matière de logement dans les environs.
D’autres critères[10], propres aux immeubles patrimoniaux, doivent aussi faire partie du règlement :
- L’histoire de l’immeuble;
- Sa contribution à l’histoire locale;
- Son degré d’authenticité et d’intégrité;
- Sa représentativité d’un courant architectural particulier;
- Sa contribution à un ensemble à préserver.
Communication aux citoyens
En matière de publicité, lorsqu’il est saisi d’une demande de démolition, le comité doit publier, sauf dans les cas prévus par le règlement, un avis public et afficher un avis sur l’immeuble visé indiquant que toute personne souhaitant s’opposer à la démolition doit, dans les 10 jours de la publication de l’avis public ou, à défaut, dans les 10 jours suivant l’affichage de l’avis sur l’immeuble, faire connaître par écrit son opposition motivée au greffier ou au greffier-trésorier de la municipalité, selon le cas[11]. Dans le cas d’une demande visant un immeuble patrimonial, une copie de l’avis public doit être transmise sans délai au ministre de la Culture et des Communications[12].
Décision
À la suite de ce délai, le comité de démolition devra considérer les oppositions reçues dans sa prise de décision. Lorsqu’une demande vise un immeuble patrimonial, celui-ci doit tenir une audition publique ainsi que dans tout autre cas où le comité l’estime opportun[13].
Le règlement peut aussi exiger que le propriétaire soumette au comité une expertise, une étude patrimoniale, un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé ou encore une garantie financière pour assurer le respect de toute condition fixée par le comité[14].
La décision du comité de démolition peut être révisée par le conseil municipal sur demande de toute personne dans les 30 jours suivant la décision, sous réserve des exceptions prévues par le règlement. Pour un immeuble patrimonial, le conseil peut de son propre chef réviser la décision du comité en respectant le même délai[15]. Dans le cas d’une décision du comité ou du conseil qui autorise la démolition d’un immeuble patrimonial, la MRC peut, dans les 90 jours suivant la décision, exercer son pouvoir de désaveu à l’égard de celle-ci[16].
L’article 148.0.22 de la LAU prévoit également des dispositions pénales advenant la démolition d’un immeuble sans autorisation du comité ou à l’encontre des conditions d’autorisation.
Bien que la LAU établisse une série de balises et d’éléments qui doivent être prévus au règlement relatif à la démolition d’immeubles, celui-ci doit être adapté et rédigé en fonction des particularités propres à votre municipalité. Pour vous aider à débuter le processus, un modèle de règlement est disponible dans le recueil LE RÈGLEMENT MUNICIPAL.
N’hésitez pas à communiquer avec le Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités qui peut vous conseiller et vous accompagner dans la rédaction de vos règlements.
[1] RLRQ c A-19.1.
[2] LQ 2021, c 10.
[3] RLRQ c P-9.002.
[4] Id.
[5] Id. note 1, art.148.0.1.
[6] Id. note 1, art. 148.0.2.1.
[7] Id. note 1, art. 148.0.3.
[8] Id. note 1, art. 148.0.2.
[9] Id.
[10] Id.
[11] Id. note 1, art. 148.0.5.
[12] Id.
[13] Id. note 1, art. 148.0.7.
[15] Id. note 1, art. 148.0.19.
[16] Id. note 1, art. 148.0.20.1.