Au pays des droits acquis

30 octobre 2023
GestionPermisCertificats_ChroniqueSAM_2023

Par Me Cynthia Tremblay
Avocate | Service d’assistance juridique
Fédération québécoise des municipalités

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Dans le cadre de l’analyse d’une demande de permis, le fonctionnaire responsable de leur émission doit prendre en considération une multitude de règles, de normes et de principes qui peuvent parfois impliquer certains concepts légaux. Le fonctionnaire responsable devra aussi, dans certains cas, analyser les anciennes règles et normes applicables sur le territoire de sa municipalité. Dans un tel cas, il sera nécessaire de consulter les archives municipales afin de retrouver l’information pertinente à son analyse.

Vous l’aurez certainement deviné avec cette entrée en matière, le sujet de la présente chronique est… les droits acquis! Dans le traitement de ces dossiers, l’une des premières questions que le fonctionnaire responsable de l’émission des permis se pose est généralement : comment faire pour s’y retrouver? À travers cette chronique, nous répondons à cette question en vous expliquant brièvement certains concepts, de même que certaines démarches, qui devraient être observés dans le traitement de chacun des dossiers de droits acquis soumis à la municipalité.

Évidemment, le traitement de toute demande de permis passe immanquablement par l’analyse de la règlementation municipale en matière de zonage. Par ailleurs, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[1] attribue à chaque municipalité la possibilité de régir, par le règlement de zonage, l’application des droits acquis sur son territoire[2]. Cette première vérification permet de déterminer si l’opération visée ou le projet convoité par le citoyen est conforme à la règlementation municipale actuellement en vigueur. Il ne s’agit cependant pas d’une conclusion ferme, puisqu’en cas de non-conformité, l’analyse doit se poursuivre, notamment en ce qui concerne la validité des droits acquis invoqués par le citoyen.

À ce sujet, rappelons que le fardeau de la preuve appartient à celui qui invoque l’existence d’un droit, selon la balance des probabilités[3]. En d’autres mots, le citoyen doit démontrer à la municipalité qu’il est plus probable que les droits acquis existent qu’il est probable qu’ils n’existent pas. C’est en faisant ainsi pencher la balance des probabilités que l’on pourra conclure ou non à l’existence de droits acquis.

Afin de confirmer si les droits acquis existent véritablement, le fonctionnaire responsable doit consulter la règlementation municipale applicable et en vigueur au moment de la construction, s’il s’agit d’une construction dérogatoire, ou au moment du commencement de l’utilisation, s’il s’agit d’un usage dérogatoire. En l’absence de conformité à la règlementation municipale de l’époque, aucun bénéfice de droits acquis ne peut s’appliquer et le citoyen n’a d’autre choix que de présenter un projet conforme au zonage en vigueur lors du dépôt de sa demande de permis.

Il est à noter que la notion de dérogation dans ce contexte-ci ne concerne pas les dérogations mineures. En effet, il s’agit plutôt d’un usage ou d’une construction dérogatoire, selon le cas, mais protégé par droits acquis. Cette distinction est impérative afin de bien saisir les nuances légales applicables, puisqu’il s’agit de deux concepts distincts auxquels s’appliquent des règles toutes aussi distinctes.

Pour toute autre information sur le sujet, contactez les avocats du SAJ à saj@fqm.ca. Ceux-ci peuvent également vous accompagner pour mettre en place les meilleures pratiques d’émission de permis.


[1] RLRQ, c. A-19.1.
[2] Article 113 (18).
[3] Articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.