Reprendre, c’est entreprendre!

03 juin 2024
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Entretien avec Alexandre Ollive
Président-directeur général
Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ)

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16 000 entreprises par an ont une intention de transfert. 80 % d’entre elles sont des PME comptant moins de 20 employés. Quand on sait que 50 % du PIB en région et 90 % des emplois sont tributaires de PME, on mesure l’importance du repreneuriat. « Il en va de la vitalité des régions. Il y a des occasions en or dans toutes les régions et tous les secteurs », affirme Alexandre Ollive, président-directeur général du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ).

Le repreneuriat, qu’est-ce que c’est? C’est la reprise, le rachat d’une entreprise par une ou plusieurs personnes. Au Québec, 37 % des propriétaires d’entreprise ont 55 ans et plus. Il n’est donc pas étonnant de constater que le nombre d’entreprises ayant une intention de transfert croît d’année en année. Et ce transfert d’entreprise est nécessaire à son maintien en activité. « L’impact d’une fermeture d’entreprise en région est important. On forme beaucoup à la création d’entreprise et à la croissance, mais on ne forme pas à la vente. Un transfert d’entreprise se prépare au moins 2 ans avant la vente », souligne M. Ollive, en ajoutant que 61 % des propriétaires dirigeants n’ont pas de relève à l’interne, soit dans la famille ou parmi les employés. 80 % des accompagnements effectués par le CTEQ se font auprès de cédants n’ayant pas de relève à l’interne.

Les avantages du repreneuriat

S’assurer que les entrepreneurs qui partent à la retraite puissent passer les rênes à la relève, qu’elle soit interne ou externe, est nécessaire pour préserver la richesse collective, les emplois, le niveau d’innovation et l’intelligence d’affaires dans le milieu où cette entreprise est établie.

Pour le repreneur, il y a des avantages intrinsèques à acheter une entreprise existante plutôt qu’en lancer une nouvelle : équipe en place, fournisseurs établis, produits en stock. Ceci facilite l’obtention de financement et augmente les chances de succès. Le taux de survie sur 5 ans des reprises d’entreprise se situe à 87,5 % alors que dans le cas des démarrages d’entreprise, on parle de 57 %.

Les outils

« La création d’entreprise est très soutenue, très documentée. On commence à mettre la même énergie pour le transfert », souligne M. Ollive. Le CTEQ offre notamment des formations et de l’accompagnement. « Pour le cédant, on accompagne l’entreprise vers son plan de transfert. Il y a beaucoup de questions à se poser, d’aspects à évaluer, de craintes et d’éléments de communication à prendre en compte. Pour le repreneur, on l’aide à établir son plan de match. Est-ce qu’il veut racheter simplement comme investisseur ou s’il veut racheter et s’impliquer dans l’entreprise », ajoute M. Ollive.

Certaines aides financières sont aussi disponibles, notamment le Fonds Accès Experts du CTEQ ainsi que certains autres programmes dans les MRC par le biais des Fonds locaux d’investissement (FLI).

Il y a quelques mois, le CTEQ a lancé sa nouvelle plateforme L’INDEX où s’affichent cédants et acheteurs. « C’est une vitrine. Environ un tiers des acheteurs d’entreprises sont à l’extérieur de la région. Ça permet donc une visibilité en dehors de là où les services de développement économique ont généralement leurs contacts. L’INDEX regroupe environ 50 % des entreprises à vendre au Québec. L’autre moitié, ce sont les entreprises qui ont une relève à l’interne ou familiale », explique le président-directeur général du CTEQ.

Un exemple

« Le repreneuriat, c’est la stabilisation, mais c’est aussi un catalyseur de croissance », souligne-t-il. Il cite en exemple un cas récent de repreneuriat pour lequel l’organisation a joué un rôle d’accompagnement et qui représente tout ce que le repreneuriat peut avoir de positif.

Atef Ouchtati souhaitait s’installer au Québec et réaliser un rêve : posséder son entreprise. Il avait contacté le CTEQ pour avoir un aperçu des entreprises à vendre. Puis il est arrivé au Québec avec sa famille pour deux semaines afin de visiter quatre PME et voir si le Québec leur plaisait. Parmi ces entreprises, il y avait Cuirs Desrochers, une PME familiale de Plessisville qui était à la recherche d’un repreneur et qui était inscrite dans la banque d’entreprises du CTEQ. L’entreprise a plu à la famille Ouchtati et les démarches ont été entreprises. Le nouveau propriétaire a non seulement maintenu cette entreprise dans son milieu, mais il a aussi des projets de développement, notamment démocratiser le travail du cuir et exporter des produits.

Le repreneuriat inclusif

En février dernier, le CTEQ lançait l’initiative Repreneuriat inclusif avec le soutien financier de Développement économique Canada afin de trouver de la relève auprès de repreneurs issus des groupes sous-représentés, notamment les femmes, les nouveaux arrivants ou immigrants, les autochtones, les jeunes, les personnes handicapées, les communautés noires, racisées et 2SLGBTQIA+, de même que les membres de communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec a créé le volet 3 en immigration pour ceux qui souhaitent s’installer au Québec en tant qu’entrepreneurs. Ce volet concerne spécifiquement le repreneuriat. Des données récentes montrent que 13,8 % des repreneurs et 16,7 % des démarrages d’entreprise sont attribuables aux personnes immigrantes.

Faits saillants de la 1re étude nationale du repreneuriat et du transfert d’entreprise au Québec

Le CTEQ a profité de la 7e édition du Sommet du repreneuriat les 1er et 2 mai derniers pour dévoiler la toute première étude nationale du repreneuriat au Québec qui a bénéficié de l’appui du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Cette étude, réalisée sous la direction de Marc Duhamel, directeur scientifique de l’Observatoire du repreneuriat et du transfert d’entreprise du Québec, chercheur à l’Institut de recherche sur les PME et professeur agrégé de finance et économique de l’Université du Québec à Trois-Rivières, fait le décompte du nombre de transferts d’entreprises au Québec entre 2015 et 2021.

« Aujourd’hui, nous marquons un tournant dans l’histoire du repreneuriat au Québec avec la publication de la toute première étude nationale sur le sujet. Cette étude valide nos observations des dernières années sur le terrain et nous sommes particulièrement frappés de voir que le repreneuriat occupe maintenant une place plus importante que la création de PME au Québec », a déclaré M. Ollive par voie de communiqué.

Les retombées économiques et financières du repreneuriat sont proportionnellement plus importantes chaque année que celles de la création de nouvelles entreprises. Ce sont en moyenne 3,9 % des petites et moyennes entreprises actives avec employés (PMEAE) qui changent de propriétaire-dirigeant primaire chaque année.

Le transfert d’entreprise de plus en plus fréquent

  • Entre 2015 et 2021, il y a eu tout près de 52 000 changements de propriétaire-dirigeant primaire de PMEAE au Québec
  • Les transferts d’entreprise se concentrent majoritairement dans les régions métropolitaines de Montréal et de Québec
  • Pour la seule année 2021, il y a eu 8 600 transferts d’entreprise, ce qui représente une augmentation de 32,1 % par rapport à 2015. Ainsi, il y a eu en 2021 plus de transferts d’entreprise que de créations d’entreprise lorsqu’on inclut les transferts d’entreprise au conjoint (15,1 % des transferts d’entreprise en 2021 l’ont été vers un conjoint)
  • Le transfert d’entreprise est en croissance dans toutes les industries du Québec. Les trois secteurs connaissant les plus fortes augmentations sont l’industrie du transport et de l’entreposage, l’industrie de la construction et l’industrie manufacturière

Les retombées économiques du repreneuriat

  • En moyenne, chaque année, entre 2015 et 2021, jusqu’à 26 G$ d’actifs et jusqu’à 120 000 employés ont été affectés par un changement de propriétaire-dirigeant primaire
  • Pour la seule année 2021, les transferts d’entreprise étaient associés à plus de 41 G$ de revenus, 33 G$ d’actifs et près de 137 000 employés, soit 3 % de l’emploi total au Québec

Qui sont les repreneurs?

  • En 2021, 58,2 % des repreneurs ont entre 30 et 54 ans et 36,6 % sont âgés de 55 ans et plus;
  • En 2021, 27,9 % des repreneurs sont des femmes et 72,1 % sont des hommes.