À l’approche des élections municipales, une question revient souvent : qui fait quoi à l’hôtel de ville?
Comprendre la répartition des rôles entre les membres du conseil et les fonctionnaires municipaux est
essentiel pour une gouvernance saine. Cette distinction permet non seulement d’assurer l’efficacité de la gestion municipale, mais aussi de prévenir les dérapages liés aux conflits d’intérêts ou à l’ingérence.
Deux figures centrales assurent ensemble le bon fonctionnement de la municipalité : les membres du conseil, qui incarnent la volonté citoyenne, et la personne qui occupe le poste de direction générale (le ou la DG), fonctionnaire principal de la municipalité. Elles ne jouent pas du même instrument dans l’orchestre municipal, mais doivent jouer en harmonie. Élu(e)s et DG ne sont pas en compétition : ils travaillent côte à côte, chacun dans leur champ d’action respectif.
Les élu(e)s : la voix de la population
Élus démocratiquement, les membres du conseil municipal ont pour mandat de représenter les citoyen(ne)s et d’exprimer leurs préoccupations. Ils prennent des décisions de nature politique : adoption du budget, règlements, planification stratégique, politiques environnementales, priorités d’investissements, etc.
Les élu(e)s prennent les décisions sur les orientations et les priorités d’action de la municipalité. Cependant, contrairement à une idée reçue, ils ou elles doivent s’abstenir de s’ingérer dans le quotidien de l’appareil administratif. C’est, en quelque sorte, décider de la destination d’un voyage sans nécessairement conduire l’autobus.
Maire, mairesse : chef(fe) politique, pas gestionnaire
À titre de plus haute autorité au sein d’une municipalité, le rôle du maire ou de la mairesse est à la fois de représenter officiellement la municipalité et de présider le conseil. Le maire ou la mairesse préside les séances, propose des orientations et agit comme porte-voix de la population auprès des autres gouvernements. Il ou elle exerce également un droit de surveillance et de contrôle sur l’administration, mais cela ne signifie pas qu’il ou
elle peut donner des ordres aux employé(e)s.
Dans certaines situations d’urgence – pensons à une inondation ou une pandémie – le maire ou la mairesse peut prendre des décisions sans attendre l’aval du conseil, notamment pour autoriser des dépenses urgentes. Il ou elle a aussi un droit de veto suspensif, qui peut toutefois être renversé par une majorité absolue du conseil.
Le maire ou la mairesse préside les séances, propose des orientations et agit comme porte-voix de la population auprès des autres gouvernements.
Dans plusieurs petites municipalités, le maire ou la mairesse porte plusieurs chapeaux : élu(e), ambassadeur(-drice), médiateur(-trice), parfois même bénévole lors des événements. Cette proximité avec ses citoyen(ne)s est précieuse, mais elle peut aussi brouiller les frontières si les rôles ne sont pas clairs.
Représentant(e)s du quotidien
Les conseiller(-ère)s, quant à eux, jouent un rôle essentiel dans la proximité démocratique. Ils sont souvent les premiers à entendre parler d’un problème de lampadaire, de déneigement ou de sécurité routière. Ils siègent à des comités, posent des questions en séance et participent à toutes les grandes décisions de la vie municipale.
Dans plusieurs municipalités, les conseiller(-ère)s représentent un district, ce qui permet une représentation
plus équitable. Ailleurs, ils sont élus au suffrage universel. Certains peuvent également agir comme maires ou mairesses suppléant(e)s, assurant la continuité politique lors des absences du maire ou de la mairesse.
Leur rôle est politique et collectif : ils prennent les décisions en tant que groupe et non comme représentants individuels qui peuvent imposer leur volonté.
La direction générale dirige l’orchestre administratif
Contrairement aux élu(e)s, la personne responsable de la direction générale n’est pas élue, mais nommée par résolution du conseil. Le ou la DG est le plus haut fonctionnaire de la municipalité. Il ou elle ne participe à aucune décision politique, mais en son absence, les décisions du conseil ne peuvent pas se matérialiser concrètement.
Une gestion exigeante et transversale
Le ou la DG est responsable de la mise en œuvre de toutes les décisions politiques prises par le conseil. Cela commence par la planification stratégique : il ou elle s’assure que les orientations politiques se traduisent par des plans d’action réalistes, bien structurés et adaptés aux capacités
de la municipalité. Ensuite, il ou elle chapeaute la gestion des ressources humaines, ce qui comprend les embauches, les évaluations de rendement, la formation continue, les horaires, les conditions de travail et, parfois, les relations syndicales. C’est aussi à sa fonction que revient la délicate tâche de s’assurer que les équipes sont bien organisées, motivées et efficaces.
Le ou la DG supervise aussi les travaux publics et tous les services municipaux, comme l’entretien des routes, la gestion des matières résiduelles, les services de loisirs, les bibliothèques ou encore l’urbanisme. Bien entendu, son rôle demande un travail d’équipe et de coordonner les différents services pour garantir une cohérence globale et une bonne exécution.
Les employé(e)s : sous la responsabilité de la direction générale
Le personnel municipal – technique, administratif, professionnel, etc. – relève exclusivement du ou de
la DG. Aucun élu(e), même le maire ou la mairesse, ne peut leur donner directement des directives.
Cela permet d’éviter la politisation de la fonction publique municipale, de garantir l’équité entre
citoye(ne)s et de protéger les employé(e)s contre les pressions politiques.
Imaginons qu’un(e) conseiller(-ère) demande à un(e) employé(e) de déneiger le stationnement d’un citoyen(ne) « plus influent »… ou d’accélérer une demande de permis pour un(e) ami(e) : ce serait non seulement une ingérence, mais possiblement une infraction aux règles d’éthique.
Exemples d’ingérence : des gestes à éviter Prenons quelques exemples pour illustrer ce qu’on appelle une ingérence administrative. Imaginons qu’un(e) conseiller(-ère) municipal(e) demande à un(e) employé(e) d’installer une affiche pour annoncer un événement dans son district. Même si l’intention est bonne, il s’agit d’une directive
opérationnelle, que seule la direction générale est autorisée à transmettre. Autre cas fréquent : un
maire ou une mairesse convoque un(e) employé(e) pour discuter de son horaire ou de ses conditions de travail. Cela empiète directement sur la gestion des ressources humaines, ce qui relève aussi exclusivement de la direction générale.
Un autre exemple courant d’ingérence est celui d’un(e) élu(e) qui communique directement avec un entrepreneur ou un fournisseur engagé par la Ville, par exemple pour accélérer des travaux ou modifier un contrat. Ce type de contact, s’il n’est pas encadré par l’administration, peut nuire à la transparence des processus et ouvrir la porte à des soupçons de favoritisme.
Enfin, il arrive que des comités formés d’élu(e)s tentent de forcer la main à l’administration pour orienter une décision d’achat – comme l’acquisition d’un véhicule ou d’un équipement particulier. Or, les décisions d’ordre opérationnel doivent toujours revenir à la direction générale, même si elles doivent s’inscrire dans les orientations adoptées par le conseil.
Une gouvernance efficace repose sur le respect
Pour fonctionner efficacement, une municipalité a besoin de clarté, de respect mutuel et de communication
fluide entre le conseil et l’administration. Trop souvent, les tensions naissent d’un flou ou d’une
mauvaise compréhension des rôles.
C’est pourquoi la FQM et le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation offrent des formations
obligatoires aux nouveaux élu(e)s, et que la loi oblige les municipalités à adopter un code d’éthique
et de déontologie. Plusieurs services de la FQM sont d’ailleurs présents pour accompagner les municipalités et bâtir une meilleure collaboration.
Une collaboration au service des citoyen(ne)s
En résumé, les élu(e)s orientent, le ou la DG administre. L’un ne fonctionne pas sans l’autre. Le succès d’une municipalité repose sur la capacité de ces deux pôles à travailler ensemble dans le respect des rôles. Il peut être tentant de régler des problèmes « sur le coin de la table » dans certains milieux, mais une bonne gouvernance demande de la rigueur, même dans les municipalités les plus unies. Il en va de la transparence, de l’équité et de la confiance du public.