Les nouvelles dispositions édictées par le projet de loi numéro 57 (Projet de loi) sont, pour la plupart d’entre elles, entrées en vigueur le 6 juin dernier. Parmi celles-ci, notons la sanction de la Loi visant à protéger les élus municipaux et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions (Loi) qui a pour but d’encourager le dépôt de candidatures lors d’élections municipales ainsi que de contribuer à la rétention des membres des conseils qui exercent présentement cette fonction1.
Voici quelques-unes des mesures mises en place afin d’atteindre ces objectifs.
1. L’injonction de la cour supérieure
Cette mesure s’adresse à un élu·e qui, en raison de sa fonction, est la cible « de propos ou de gestes qui entravent abusivement l’exercice de ses fonctions ou qui constituent une atteinte illicite à son droit à la vie privée »2. S’il est victime d’une telle situation, l’élu·e, ou la municipalité pour laquelle il agit à titre de membre de son conseil, peut demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction afin de faire cesser ces propos ou ces gestes à son égard.
La Loi accorde également à la Cour supérieure un pouvoir d’ordonnance et cite, à titre d’exemple, les suivantes :
- De ne pas se présenter aux séances de tout conseil d’un organisme municipal auquel siège l’élu·e municipal; et
- De cesser de communiquer avec l’élu·e municipal.
Un autre élément intéressant de ce recours est que la demande sera jugée en urgence. Ce délai peut peut-être sembler anodin. Cependant, ce choix dénote une reconnaissance par le législateur de l’ampleur et de l’importance que peuvent représenter ces situations au quotidien. Mais, attention! Ce recours n’a pas pour effet de brimer les citoyens dans leur droit de partager leur opinion dans la mesure où ils le font en conformité avec les valeurs démocratiques du Québec.
Enfin, comme cette disposition est nouvelle, il faudra attendre de voir comment les tribunaux vont interpréter ces notions pour circonscrire l’étendue exacte de cette mesure de même que ses effets.
2. L’amende en cas de désordre à une séance ou en cas d’entrave à la fonction d’un élu-e
La deuxième mesure mise en place par le législateur est la création d’infractions et l’imposition d’amendes dans l’une ou l’autre des situations suivantes, soit lorsque quiconque :
- a) Cause du désordre de manière à troubler de façon abusive le déroulement de la séance3;
- b) Entrave l’exercice des fonctions d’un élu·e municipal en le menaçant, en l’intimidant ou en le harcelant de façon à lui faire craindre raisonnablement pour son intégrité ou sa sécurité4.
Le contrevenant à l’une ou l’autre de ces dispositions sera passible d’une amende dont le montant sera
respectivement entre :
- a) 50 $ et 500 $5; ou
- b) 500 $ et 1 500 $6
Au regard de ces nouvelles infractions, il se dégage vraisemblablement une volonté du législateur de sanctionner les comportements préjudiciables à l’égard des élus·es, mais également à l’égard de leur environnement, en l’occurrence, les séances du conseil.
3. Le règlement de régie interne
Bien que cette mesure ne soit pas expressément prévue dans la Loi, elle nous apparaît être aussi utile pour arriver à l’objectif mentionné précédemment. En effet, le règlement de régie interne que doivent adopter les municipalités doit minimalement inclure des règles à propos du maintien de l’ordre, du respect et de la civilité durant les séances du conseil. Cet outil pourra également permettre au conseil d’empêcher les comportements préjudiciables envers les élus·es sous peine d’amende, par exemple.
Ces nouveautés sont assurément un gain important pour les élus·es municipaux qui peuvent, de temps à autre, ressentir une pression importante, parfois même très forte, en raison de leur fonction. Évidemment, il ne faut pas tolérer l’inacceptable.
À ce titre, la Cour d’appel du Québec s’est récemment prononcée sur une décision rendue par la Cour
supérieure qui a déclaré un citoyen coupable de six chefs d’outrage au tribunal en raison de son défaut de respecter une ordonnance d’injonction permanente en plus de le condamner à un paiement punitif de 4 500 $7. Ce jugement s’inscrit d’ailleurs dans un contexte où plusieurs ordonnances furent émises à l’encontre du citoyen en question, notamment afin de lui interdire de se présenter aux réunions du conseil ou à d’autres événements ou activités de la ville. Dans cette décision en particulier8, la Cour conclut qu’il est possible de condamner une personne à une peine d’emprisonnement pour outrage au tribunal pour violation d’une ordonnance de ne pas faire lorsque les circonstances le justifient. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait en imposant une peine d’emprisonnement de trente (30) jours à l’encontre du citoyen.
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programme d’aide psychologique pour soutenir les élu·es, les employés municipaux et leur famille immédiate qui font face à de l’intimidation ou à du harcèlement. Nous vous invitons à communiquer avec votre courtier d’assurance pour en savoir davantage.
Enfin, n’hésitez pas à communiquer avec notre Service d’assistance juridique afin d’obtenir de plus amples détails sur les dispositions de la Loi visant à protéger les élus municipaux et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions ou encore sur les modifications apportées par le projet de loi 57.
12024, chapitre 24, art. 1
22024, chapitre 24, art. 3
3Article 4 de la Loi.
4Article 5 de la Loi.
5Article 4 de la Loi.
6Article 5 de la Loi.
7Ville de Saint-Constant c. Vachon, 2023 QCCS 563.
8Ville de Saint-Constant c. Vachon, 2024 QCCA 1090.