Malgré une présence de plus en plus grande des femmes en politique, elles sont encore confrontées à un système et à des conditions qui ne sont pas adaptées aux multiples rôles qu’elles jouent au quotidien. Quoi qu’il en soit, leur désir de faire une différence et de contribuer au développement de leur milieu est plus fort que tout. Portrait de trois femmes inspirantes.
Audrey Boisjoly : reconnaître les lacunes pour changer les choses
Lorsqu’elle a été élue mairesse en 2017, Audrey Boisjoly était alors la plus jeune femme, à l’âge de 26 ans, à occuper cette fonction. Elle était aussi la 1re femme maire de Saint-Félix-de-Valois, un poste qu’elle occupe à temps complet pour un 2e mandat consécutif. Elle est aussi maman de deux jeunes enfants (3 ans et 10 mois) et engagée dans plusieurs comités à la MRC de Matawinie ainsi qu’à la Fédération québécoise des municipalités (FQM), où elle est 2e vice-présidente du comité exécutif.
Dynamique, inspirante et passionnée, Mme Boisjoly a notamment présidé le Comité femmes et politique municipale, et fait adopter la 1re politique d’égalité et de parité entre les femmes et les hommes de la FQM. En 2022, elle recevait le prix Elsie-Gibbons reconnaissant son apport à l’avancement des femmes en politique.
Son intérêt pour la politique remonte à l’enfance alors qu’en famille, elle découvrait l’actualité et aiguisait son sens critique. C’est tout naturellement qu’elle s’est dirigée en administration publique à l’université. « Un cours obligatoire en gestion municipale m’a interpellée. Puis, j’ai travaillé au bureau de comté au provincial et on m’a attribué les dossiers municipaux. Quand j’ai vu qu’un poste de conseiller s’ouvrait pour un mandat d’un peu plus d’un an, en 2016, j’ai décidé de m’engager.»
S’en sont suivi les élections à la mairie en 2017, qu’elle a remportées haut la main, et un deuxième mandat en 2021 qu’elle a obtenu avec son équipe paritaire.
Comment la jeune trentenaire fait-elle pour concilier son rôle et sa vie familiale? « Je ne vous mentirai pas, ce n’est pas facile. Je pense qu’il faut valoriser le travail d’élu·e pour attirer des femmes et des jeunes, mais il ne faut pas faire semblant que tout est beau. Le système est encore pensé pour les années 80 où les élus·es étaient des hommes et être élu·e était un 2e emploi », souligne-t-elle.
Elle cite en exemple le congé de maternité qu’une élue municipale doit limiter à 18 semaines, sinon elle est, selon la loi, réputée avoir démissionné de son poste.
Mme Boisjoly n’hésite pas non plus à parler de culpabilité. « On a la chance d’avoir un horaire variable, mais on n’est pas souvent là le soir et la fin de semaine. La charge de travail est grande et on veut que nos citoyens soient bien. J’ai la chance d’avoir un conjoint conciliant, mais il y a un sentiment de culpabilité au quotidien qui vient avec ça », confie-t-elle en soulignant que c’est grâce à son réseau qu’elle peut exercer cette profession.
Au moment d’écrire ces lignes, elle rédigeait une résolution demandant au gouvernement de modifier les règles pour qu’une élue nouvellement maman puisse profiter d’un plein congé parental. Elle sollicitera ses collègues des municipalités du Québec afin qu’ils endossent cette résolution. « C’est le temps, juste avant les élections, pour attirer les élues. C’est un dossier que je vais travailler et médiatiser », conclut-elle.
Kariane Bourassa : de témoin immobile à actrice de la société
En remportant son siège dans Charlevoix–Côte-de-Beaupré en 2022, Kariane Bourassa devenait la plus jeune femme de cette législature. Et qu’est-ce qui l’a menée en politique? La jeune trentenaire a d’abord fait carrière en journalisme. « Je me suis beaucoup promenée. J’ai fait le tour du Québec. Je suis une fille de région et c’est en région que j’ai toujours préféré travailler. En tant que journaliste, on doit être neutre. On constate ce qui est dénoncé par les citoyens. J’ai donc eu le goût de faire partie de la solution, d’en faire plus pour les petites municipalités, de passer de témoin immobile à actrice de la société », raconte-t-elle.
Cette volonté d’engagement ne vient cependant pas sans certains défis. « On est député 24 heures sur 24. C’est important d’essayer de garder l’équilibre avec la vie familiale. Je suis coprésidente du Cercle des jeunes parlementaires et la conciliation est l’une des choses pour lesquelles on se bat. Il y a un projet pilote de halte-garderie, il y a des tables à langer, mais on est encore loin. C’est un milieu d’hommes. Il faut se battre pour changer ça, notamment le congé de maternité qui est présentement au cas par cas. Si on veut attirer de jeunes femmes en politique pour que ce soit représentatif de la société, il faut faciliter la conciliation », souligne Mme Bourassa.
Les activités dans la circonscription empiètent aussi sur le temps en famille. « C’est important pour moi de participer aux événements. Je ne veux pas juste remettre des chèques. Mon conjoint a deux enfants alors on participe à des activités en famille. La politique, ça se fait en famille. J’aime les discussions que ça génère avec les enfants. Toutefois, nous avons convenu qu’on se gardait deux semaines en été et deux semaines aux fêtes pour déconnecter.»
Kariane Bourassa souhaite aussi que les gens découvrent ce qu’est le travail de député. « Il faut lutter contre le cynisme. Le député a deux grands mandats : celui de législateur au parlement, mais aussi celui de représenter les 63 000 électeurs de sa circonscription. C’est pour cette partie-là que je me suis lancée en politique. Pour pousser des projets, pour mettre en contact les bonnes personnes.»
Et qu’est-ce qu’on dit aux femmes pour les encourager à faire le saut? « Si elles se sentent concernées par notre société, par le Québec qu’on veut laisser à nos enfants et qu’elles ont le désir de s’engager, c’est possible de faire leur place. Peut-être qu’il faut travailler un peu plus fort pour asseoir sa crédibilité, mais on crée sa propre chance et sa propre place, qu’on soit un homme ou une femme », conclut-elle.
Line Fréchette : faire de la politique à sa manière
« La politique est arrivée à moi. Je suis éducatrice à la petite enfance et copropriétaire d’une garderie. En 2008, j’ai fondé la Coalition des garderies privées non subventionnées du Québec, ce qui m’a amené à travailler en relation avec le gouvernement. Ma collègue Marie-Claude Coallier est conseillère municipale et ma mentore. Elle m’a transmis sa passion. J’habite mon village natal et je ne comprenais pas pourquoi ça ne se développait pas. J’ai donc décidé de m’engager », raconte Line Fréchette, mairesse de Saint-Majorique-de-Grantham et nouvellement préfète de la MRC de Drummond.
Son arrivée en politique municipale a commencé avec un mandat de conseillère en 2013. Et depuis 2017, elle occupe le rôle de mairesse. Prenant part à plusieurs comités à la MRC de Drummond, elle est aussi membre du conseil d’administration de la FQM dont elle sera par ailleurs présidente du Congrès 2024.
« Quand j’ai décidé de me présenter au poste de mairesse, je ne me présentais pas contre le maire sortant, mais plutôt parce que j’étais certaine de pouvoir faire une différence. J’adore la politique municipale, c’est le cœur de la politique. On est près des citoyens et on les entend », confie Mme Fréchette.
En tant que mairesse, elle s’est beaucoup engagée à la MRC. « On était dans un tournant, il y avait des problématiques majeures. Pour moi, l’équité, la justice, la droiture et la transparence, c’est très important. Sans le savoir, je me suis découvert un leadership important. Je suis fonceuse et j’ai réalisé que je pouvais rallier les troupes. Ça ne faisait pas partie de ma vision d’être préfète adjointe ou préfète », raconte-t-elle.
Un parcours qui teinte indéniablement sa façon de faire de la politique. « Je ne me considérais pas politicienne, mais j’ai réalisé que je pouvais faire de la politique à ma façon, différemment. Mon métier d’éducatrice, c’est le plus beau métier du monde. On apprend à vivre, écouter, trouver des solutions, gérer des émotions. Tout ça me sert en politique. » Elle voit son mandat de préfète comme une occasion de responsabiliser la population en faisant comprendre ce qu’est une MRC et ce que ça peut faire pour eux. Elle souhaite plus de bienveillance, de sens des responsabilités et de pensée pour le bien de la collectivité; non seulement entre les élus·es de la MRC, mais