Enjeux en matière d’habitation : de nouveaux pouvoirs municipaux

17 octobre 2024
Fédération québécoise des municipalités

Par Mes Audrey St-James et Marie-Michèle Paquin, avocates au Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités

Les enjeux en matière d’habitation sont très présents, et ce, dans toutes les régions du Québec. Que ce soit pour des logements abordables, pour aînés, pour les nouveaux arrivants ou pour les jeunes familles, les besoins se multiplient. Récemment, de nouvelles dispositions ont été adoptées afin de diversifier les outils disponibles aux municipalités pour faire face à ces enjeux.

Les derniers ajouts proviennent de la Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres
dispositions législatives
(L.Q. 2023, c. 33), la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière
d’habitation
(L.Q. 2024, c. 2) et la Loi édictant la Loi visant à protéger les élus municipaux et à favoriser
l’exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le
domaine municipal
(L.Q. 2024, c. 24).

Bien qu’il ne soit pas possible d’expliquer en détail dans cette chronique l’ensemble des outils, tel que le zonage incitatif et différencié, ce texte propose un survol des principales nouveautés actuellement en vigueur.

1. Taxation distincte par secteurs
Les municipalités peuvent désormais, en vertu des articles 244.64.10 et suivants de la Loi sur la
fiscalité municipale (RLRQ, c. F-2.11, LFM) appliquer différents taux de taxe en fonction des secteurs
de leur territoire. Cet outil peut être utile pour favoriser la densification ou la construction dans
des secteurs cibles ou aborder une situation d’ordre économique. Les secteurs devront être déterminés
par une résolution de la municipalité.

2. Taux variés de taxation selon des sous-catégories résidentielles
Les municipalités peuvent également, en vertu des articles 244.64.8.1 et suivants de la LFM, établir des sous-catégories résidentielles aux fins d’établissement des taux de taxation. Cela peut
notamment permettre d’encourager la construction d’immeuble de plus d’un logement. Ces sous-catégories devront être définies avant le dépôt d’un nouveau rôle et pourront différer selon les secteurs
déterminés par la municipalité.

3. Pouvoir d’autoriser des projets d’habitation dérogatoire à la règlementation d’urbanisme
L’article 93 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation permet à une municipalité locale d’autoriser, par résolution, des projets d’habitation d’au moins trois logements qui seraient autrement dérogatoires à la règlementation d’urbanisme en vigueur. Le projet visé doit toutefois respecter les conditions suivantes :
a) Être composé majoritairement de logements sociaux et abordables ou de logements destinés à des personnes aux études2 OU être situé dans une municipalité dont la population est de 10 000 habitants ou plus et dont le plus récent taux d’inoccupation des logements locatifs3 à l’égard du territoire de la municipalité ou d’une région métropolitaine de recensement est inférieur à 3 %;
b) Être situé à l’intérieur du périmètre d’urbanisation;
c) Être situé dans une zone où l’usage résidentiel est autorisé. Si ce n’est pas le cas, il doit être possible
d’établir que le projet est conforme aux affectations du sol déterminées dans le plan d’urbanisme4;
d) Ne pas être situé dans un lieu où l’occupation du sol est soumise à des contraintes particulières pour des raisons de santé ou de sécurité publique, de protection de l’environnement ou de bien-être général.

L’autorisation peut également inclure la démolition d’un immeuble malgré les normes du règlement de
démolition municipal, sauf s’il s’agit d’un immeuble patrimonial ou comprenant un logement. De plus, l’autorisation peut être conditionnelle aux respects de différentes conditions, dont la signature préalable
d’une entente. Ce nouveau pouvoir est applicable jusqu’au 21 février 2027.

4. Pouvoir d’aide des municipalités
Afin de favoriser les projets en matière d’habitation, la Loi sur les compétences municipales, (RLRQ, c. C-47.1), LCM prévoit dorénavant que les municipalités peuvent :
a) Accorder une aide aux fins d’hébergement transitoire de personnes dans le besoin, du maintien ou
de l’augmentation de l’offre de logements sociaux, abordables ou destinés à des personnes aux études
et pour le bon fonctionnement d’un organisme qui a la gestion de logements sociaux ou abordables.
Cette aide peut prendre plusieurs formes dont le crédit de taxes, le prêt, une subvention, le partage
d’une ressource municipale ou la jouissance gratuite d’un immeuble (art. 84.2);
b) Adopter, par règlement, un programme visant à favoriser la construction ou l’aménagement de
logements locatifs. Cette aide peut prendre la forme d’une subvention, d’un prêt ou d’un crédit de
taxes et ne peut viser les logements destinés à des fins touristiques. La durée de l’aide ne peut excéder
5 ans ou, dans le cas d’un prêt, 20 ans (art. 84.4);
c) Adopter par règlement un programme d’aide à tout propriétaire d’une habitation unifamiliale qui
comporte un logement accessoire et dont l’un des logements est occupé par un proche aidant ou une
personne qui a un lien de parenté ou d’alliance avec l’occupant de l’autre logement, incluant par
l’intermédiaire d’un conjoint de fait (art. 84.3);
d) Adopter, par règlement et selon différentes contraintes prévues à la loi, un programme d’aide
visant à favoriser l’établissement de nouveaux résidents. Cette aide doit être accordée uniquement
pour l’acquisition d’un terrain situé dans un secteur déterminé par la municipalité et compris dans
le périmètre d’urbanisation afin d’y construire la résidence principale du bénéficiaire de l’aide. L’aide
d’une durée maximale de 5 ans peut prendre la forme d’une aliénation de terrain à titre gratuit ou à
des conditions préférentielles, d’une subvention ou d’un crédit de taxe (art. 84.6).

Ces différents pouvoirs d’aide demeurent soumis à l’application de la Loi sur l’interdiction de subventions
municipales, sauf exception spécifiquement prévues par la loi5. Également, les pouvoirs prévus aux articles 84.2 à 84,4 de la LCM peuvent être exercés par une MRC, à l’exception de l’aide sous forme de crédit de taxe.

Ainsi, ces nouvelles compétences s’ajoutent et complètent celles dont disposaient déjà les
municipalités pour agir face aux enjeux en habitation. Avec l’adoption récente des Orientations
gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT), une analyse des enjeux et des besoins
en logement sera essentielle pour une bonne planification. Nous conseillons aux municipalités de
combiner différents outils dans le cadre d’un plan d’action en matière d’habitation, lequel devra respecter
les conditions applicables aux différents pouvoirs afin d’en assurer la validité juridique. N’hésitez pas
à contacter le Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités afin d’avoir
de l’accompagnement personnalisé à ce sujet.


1 Ainsi que les articles 979.1 du Code municipal du Québec (RLRQ, c. C-27.1) et 487,1 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, c. C-19).
2 Au sens de l’article 1979 du Code civil du Québec.
3 Taux publié par la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
4 Loi édictant la Loi visant à protéger les élus municipaux et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions et modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, article 179.
5 Des exceptions sont prévues au 2e alinéa de l’article 84.2, 84,4.