Économie circulaire : des retombées environnementales, économiques et humaines

03 juin 2024
NathB photographe tous droits resers

Entretien avec Claude Maheux-Picard
Directrice générale
Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI)
Crédit photo NathB

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Le Québec est un précurseur dans le domaine de l’économie circulaire au Canada. Les premiers projets ont vu le jour grâce à un mouvement provenant du terrain. Puis, RECYC-QUÉBEC et des programmes de subventions ont permis de soutenir des initiatives favorisant le partage des ressources. QUORUM a discuté mise en œuvre et retombées avec Claude Maheux-Picard, directrice générale du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI).

« En ce moment, on est plutôt dans une économie linéaire, soit extraction des ressources, transformation, biens de consommation qui sont jetés en fin de vie. L’économie circulaire cherche une utilisation des produits en fin de vie utile afin d’allonger le cycle de vie des ressources. Le but est d’être plus optimal dans notre utilisation des ressources matérielles, de l’énergie et des ressources humaines, en gardant en tête la compétitivité des entreprises », explique Mme Maheux-Picard. L’économie circulaire peut être implantée au sein d’une entreprise, dans un parc industriel ou sur un territoire donné.

Au Québec, 12 stratégies et modèles d’affaires sont proposés pour produire et consommer autrement. Ils sont regroupés en deux grands principes :

1. Repenser sa production pour réduire la consommation de ressources et préserver les écosystèmes : écoconception, consommation et approvisionnement responsables, optimisation des opérations;

2. Optimiser l’utilisation des ressources en les utilisant plus fréquemment (économie collaborative, location court terme), en prolongeant la durée de vie des produits et composants (entretien et réparation, don et revente, reconditionnement, économie de fonctionnalité) et en donnant une nouvelle vie aux ressources (écologie industrielle, recyclage et compostage, valorisation).

Comment favoriser l’économie circulaire dans notre milieu?

« L’économie circulaire peut être un puissant moteur de développement économique. Les moyens pour favoriser l’économie circulaire sont variés : support, incitatif financier, attraction de nouveaux services. La première étape est de brosser un bon portrait. Quand on sait ce qui est présent, on sait ce qui manque. Parfois, les MRC ont de petits budgets, mais elles ont certains leviers comme le PGMR [programme de gestion des matières résiduelles], qui est un beau canal de dialogue avec les entreprises afin de voir leurs besoins et les occasions de partage. Les communications avec les citoyens sont aussi importantes pour démontrer que les entreprises et MRC ont à cœur de réduire la consommation. Il y a aussi l’aspect mobilité du personnel en optimisant les services de transport, de garderie et de restauration dans les parcs industriels. Ça ne se fait pas encore au Québec, mais on en voit en Europe », illustre la directrice générale du CTTÉI.

« Bien entendu, il faut aussi la volonté. Les gestes à poser relèvent du gros bon sens, mais ça prend un temps de recul et un investissement. Toutefois, ça vaut le coût. Pour les entreprises, il y a des retombées chiffrables, une meilleure résilience de l’entreprise ainsi qu’une valeur ajoutée comme employeur, car ces projets suscitent la fierté et un engagement accru de la part des employés », ajoute Mme Maheux-Picard.

Des retombées concrètes

Depuis 2020, le CTTÉI publie sur Synergie Québec un Recueil de synergies. Symbioses industrielles et projets d’économie circulaire. Petits et grands projets y sont présentés dont voici deux exemples.

Symbiose agroalimentaire Montérégie a aidé Améroquois–Huile Champy, un producteur d’huile biologique, qui souhaitait ajouter des débouchés pour le tourteau de tournesol et le filtrat issus de la filtration par décantation naturelle. Ainsi, à la valorisation vers l’alimentation animale s’ajoute la valorisation vers l’alimentation humaine ainsi que la savonnerie. Résultat : 27 190 kg de résidus déviés, 34 755 kg de CO2 évités et 57 559 $ économisés.

Synergie Bellechasse-Etchemins a contribué au maillage entre la Coopérative Les Choux Gras qui avait besoin dans un court délai de carton de taille et en quantité suffisante pour couvrir les sols. L’entreprise Prévost, située à seulement 20 km, reçoit ses bancs d’autobus dans de géantes boîtes de carton dont elle doit disposer. Résultat : dans un délai d’une semaine, la coopérative a comblé en temps son besoin tout en économisant 296 $. 1 000 kg de matières ont été échangés et 120 kg de CO2 ont été évités. En prime, les deux entreprises complètement différentes ont créé un lien de communication et de collaboration.

D’autres exemples inspirants peuvent être lus dans la section Documentation au synergiequebec.ca.

Un guide pour les acteurs locaux en développement économique

En mai 2023, la Montérégie devenait la première région au Québec à se doter d’une feuille de route en économie circulaire.

Une telle feuille de route régionale vise à susciter l’engagement des organisations dans la transition vers l’économie circulaire. Un document d’accompagnement pour la mise en place d’une feuille de route régionale est disponible sur le site Web cttei.com dans la section Réalisations. Elle propose une méthodologie accessible, étape par étape, avec des objectifs, des outils et des moyens.

Le CTTÉI, qui célèbre ses 25 ans cette année, offre également des services aux entreprises ainsi qu’aux MRC, villes et agences de développement économique : recherche de débouchés innovants et rentables, développement de produits, implantation et accompagnement de symbioses industrielles, formation et conférences sur l’écologie industrielle et l’économie circulaire.

« À l’origine, nous étions très axés sur les services aux entreprises. C’est encore une grosse partie de nos activités. Puis nous avons développé un intérêt vers la symbiose industrielle avec un premier projet à Bécancour vers 2008. C’est un concept qui a vu le jour au Danemark dans les années 60 et qui est devenu un cas d’école. Ça consiste à faire du maillage entre les entreprises. On en est à une vingtaine de projets au Québec, donc une soixantaine de personnes sont conseillères en économie circulaire dans des MRC, des villes, des agences de développement économique. Les porteurs embauchent une ressource dédiée pour rencontrer les entreprises, analyser les besoins et les opportunités et créer un maillage et des occasions d’affaires », conclut Mme Maheux-Picard.