23 mars 2022
L’exception du fournisseur unique, consacrée au paragraphe 2 de l’article 938 du Code municipal du Québec et au paragraphe 2 de l’article 573.3 de la Loi sur les cités et villes, permet à une municipalité de passer outre l’obligation de tenir un appel d’offres dans la mesure où elle peut démontrer qu’après des vérifications sérieuses et documentées, il n’existe qu’un seul fournisseur éligible détenant les qualifications nécessaires à la réalisation du contrat ou répondant aux spécifications requises, et ce, dans l’ensemble des territoires visés par un accord intergouvernemental de libéralisation des marchés publics qui vise les municipalités.
Des vérifications documentées et sérieuses confirmant l’unicité du fournisseur doivent être menées par la municipalité, ce qui conditionne la validité même du contrat à être octroyé1. Ces vérifications doivent être réalisées de manière rigoureuse et les résultats qui en découlent doivent être appuyés par des faits objectifs.
De simples recherches sur Internet ou sur le Système électronique d’appels d’offres du gouvernement du Québec (SEAO) ne suffisent pas2. L’argument selon lequel il serait trop onéreux ou demanderait un effort trop important de réaliser une analyse sérieuse afin de démontrer qu’il n’existe pas d’équipements, autres que ceux provenant de tel manufacturier, pouvant être compatibles avec les infrastructures et les systèmes actuels n’est pas valable pour conclure à un fournisseur unique3. Le fait que les employés se soient familiarisés avec tel produit en particulier ne peut servir de prétexte pour éviter le processus d’appel d’offres4.
Également, fonder sa justification sur une longue relation d’affaires avec une entreprise donnée pour n’autoriser que les biens de celle-ci dans les documents d’appel d’offres et refuser de reconnaître des équivalences n’est pas valable aux yeux de l’Autorité des marchés publics5.
Au-delà des vérifications mentionnées, le pedigree de la personne qui les effectue est également important. En effet, les tribunaux nous enseignent que les vérifications doivent être menées par une personne détenant une expertise dans le domaine visé par le contrat à être conclu.
Dans la décision Alstrom Canada inc. c. Société de transport de Montréal6, rendue par la Cour supérieure du Québec en 2008, la Société de transport de Montréal (STM) souhaitait entamer des négociations de gré à gré avec Bombardier Transport inc. en vue de l’octroi du contrat de renouvellement de 336 voitures de métro, en appliquant l’exception de fournisseur unique prévue à l’article 101.1 de la Loi sur les sociétés de transport en commun.
Dans son analyse, la Cour précise que la personne ayant effectué les vérifications pour le compte de la STM « est ingénieure industrielle, mais n’est pas experte dans le domaine de la fabrication de voitures de métro ou dans le domaine du matériel roulant »7. Elle conclut ainsi que la personne en question n’avait pas l’expertise requise pour mener les vérifications dans le cadre du projet de renouvellement des voitures de métro8.
Comme l’exception du fournisseur unique contrevient au principe fondamental de la libre concurrence dans le processus d’appel d’offres public, les tribunaux font preuve de sévérité et tendent à l’interpréter de façon restrictive. Les municipalités qui souhaitent se prévaloir de cette exception auront le lourd fardeau de motiver son application, à l’issue de vérifications sérieuses et documentées devant être conduites par une personne possédant l’expertise nécessaire.
Pour toute question ou tout commentaire à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec un avocat du Service d’assistance juridique FQM/MMQ.
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