Les saines habitudes de vie ne sont pas seulement une question individuelle : elles se construisent à travers les environnements que nous habitons. Dans cette optique, les municipalités et les MRC jouent un rôle central en tant que catalyseurs d’aménagements et de politiques qui favorisent la santé publique. Le présent dossier explore les enjeux actuels, le rôle des municipalités et l’impact de leurs actions sur la santé des citoyens, tout en mettant en lumière les innovations et les meilleures pratiques dans le domaine.
Qu’entend-on par loisirs et saines habitudes de vie?
Les loisirs englobent une vaste gamme d’activités qui favorisent le bien-être physique et mental des citoyen(ne)s. Ils se manifestent sous diverses formes, allant des activités sportives structurées aux loisirs culturels et sociaux. Les infrastructures municipales jouent un rôle crucial dans leur accessibilité, avec des installations comme les sentiers avec stations sportives, les piscines publiques, les patinoires intérieures et extérieures, les réseaux de vélo hivernal et estival, et une variété d’installations intérieures adaptées aux besoins de la communauté.
Les saines habitudes de vie dépassent largement le cadre de l’activité physique traditionnelle. Elles englobent une approche holistique du bien-être, intégrant une alimentation équilibrée facilitée par l’accès à des marchés publics et des jardins communautaires, ainsi que le développement de liens sociaux significatifs à travers des rassemblements communautaires et des activités inclusives. Cette vision élargie reconnaît l’interconnexion entre santé physique, mentale et sociale.
État des lieux et enjeux actuels
Les données récentes de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) brossent un portrait1 préoccupant des habitudes de vie des Québécois(es). En 2014, environ 3 adultes québécois sur 5 atteignaient le niveau minimal recommandé durant leurs loisirs, soit au moins 150 minutes d’activités physiques cardiovasculaires par semaine. La même année, on recensait que 2 jeunes sur 5 atteignaient le niveau d’activité physique recommandé pour ce groupe d’âge, avec au moins 60 minutes par jour. Le temps passé sur Internet des jeunes Québécois(es) de 6 à 17 ans aurait connu une augmentation constante au fil des années. En 2022, 42 % d’entre eux auraient passé en moyenne plus de 10 heures par semaine devant un écran, comparé à 25 % en 2019, augmentant la sédentarité.
Disparités régionales
L’accès aux infrastructures et aux services de loisirs varie considérablement selon les régions, créant des inégalités importantes dans la capacité des citoyen(ne)s à adopter un mode de vie actif. Selon une étude2 sur le plein air de proximité, les personnes qui ont accès à plusieurs parcs à 500 mètres ou moins de leur résidence font, en moyenne par semaine, 21 minutes d’activité physique de plus par jour.
En milieu urbain, la densification pose des défis particuliers. La pression foncière et le manque d’espaces disponibles compliquent l’implantation de nouvelles infrastructures sportives et récréatives. Les régions rurales font face à des défis différents, mais tout aussi importants. Par exemple, le Témiscamingue souffre d’un manque d’infrastructures sportives, obligeant ses résident(e)s à parcourir des distances considérables pour accéder à des installations adéquates. Ce type de situation affecte particulièrement les populations à mobilité réduite et les familles à faible revenu.
S’adapter au climat et à ses changements
Le climat québécois exerce une influence majeure sur l’accessibilité et l’utilisation des infrastructures de loisirs. Durant l’été, les installations extérieures comme les piscines et les terrains sportifs connaissent des périodes de forte affluence, nécessitant une gestion rigoureuse des horaires et de l’entretien. Les municipalités doivent également gérer les pics d’utilisation des parcs et des espaces verts, particulièrement durant les canicules, où ces espaces servent d’îlots de fraîcheur essentiels.
L’hiver pose des défis uniques, exigeant des municipalités qu’elles maintiennent des activités intérieures accessibles tout en assurant l’entretien des installations extérieures comme les patinoires et les sentiers de ski de fond. Les coûts d’entretien augmentent significativement durant cette période, tandis que la participation aux activités peut diminuer en raison des conditions météorologiques

Infrastructures vertes
L’intégration des préoccupations environnementales3dans la planification des infrastructures de loisirs devient une priorité. Les corridors verts multifonctionnels combinent transport actif, loisirs et biodiversité, créant des espaces qui servent à la fois la santé publique et l’environnement.
L’aménagement de toits verts accessibles au public sur les bâtiments municipaux offre de nouvelles possibilités pour l’activité physique en milieu urbain dense. Ces espaces servent souvent de jardins communautaires ou d’aires de détente active.
Les installations sportives intègrent de plus en plus de technologies écoénergétiques, réduisant leur empreinte environnementale tout en maintenant des services de qualité. L’utilisation de systèmes de récupération d’eau de pluie et d’énergie solaire devient la norme dans les nouvelles constructions.
Innovation et technologie dans les services municipaux
L’intégration des technologies numériques transforme rapidement la manière dont les municipalités gèrent leurs services de loisirs et encouragent les saines habitudes de vie. De nombreuses villes ont développé des applications mobiles municipales permettant aux citoyens de réserver des plages horaires pour les installations sportives, de consulter les horaires en temps réel et de recevoir des notifications sur les activités à venir.
Ces plateformes numériques facilitent également l’accès à l’information sur les parcours actifs, les installations disponibles et les programmes en cours.
Des systèmes de surveillance en temps réel de l’achalandage permettent une meilleure gestion des installations et une expérience utilisateur optimisée. Ces outils, fournis par certaines entreprises privées, aident à prévenir la surcharge des installations populaires et à rediriger les usagers vers des activités moins achalandées.
L’utilisation et l’analyse des données deviennent un élément central dans la planification et l’amélioration
des services municipaux. Les municipalités collectent et analysent des informations sur les schémas d’utilisation des infrastructures, permettant une allocation plus efficace des ressources et une meilleure compréhension des besoins de la communauté.
La dimension sociale des loisirs
Les municipalités développent de plus en plus de programmes visant à renforcer le tissu social à travers les activités de loisir. Les jardins communautaires intergénérationnels constituent un excellent exemple de cette approche, permettant aux aînés de partager leurs connaissances avec les plus jeunes tout en restant actifs physiquement.
Des clubs de marche pour aînés encouragent non seulement l’activité physique, mais créent aussi des opportunités de socialisation régulière. Ces initiatives s’avèrent particulièrement précieuses pour lutter contre l’isolement social, un enjeu de santé publique croissant.
Les activités parents-enfants dans les parcs publics, souvent gratuites ou à faible coût, favorisent le développement des liens familiaux tout en promouvant l’activité physique. À ce sujet, 76 % de la population4 estime important que les municipalités en fassent plus pour favoriser le bien-être et le développement des 0 à 5 ans (Léger – Observatoire des tout-petits, 2018). Les parents demandent plus de parcs, d’activités sportives ou d’événements pour les jeunes. (Léger – Observatoire des tout-petits, 2017).
Rôle des organismes communautaires
Le succès des initiatives municipales repose en grande partie sur la collaboration avec les organismes communautaires. Ces derniers jouent un rôle crucial dans l’animation des espaces publics et l’organisation d’activités adaptées aux besoins locaux.
Les partenariats avec les écoles5 pour l’utilisation partagée des installations sportives représentent une autre forme de collaboration efficace. Ces ententes permettent d’optimiser l’utilisation des infrastructures tout en élargissant l’accès aux activités physiques pour les jeunes.


Aspects financiers et gestion des ressources
Face aux contraintes budgétaires, les municipalités explorent des approches créatives pour financer leurs infrastructures et programmes de loisirs. Les partenariats public-privé se multiplient, particulièrement pour les installations majeures comme les complexes sportifs ou les centres communautaires.
La commandite locale joue un rôle croissant, avec des entreprises contribuant au financement d’équipements ou d’événements sportifs en échange de visibilité. Ces partenariats permettent souvent d’offrir des services améliorés sans augmenter significativement les coûts pour les usagers.
Le financement participatif émerge comme une option viable pour des projets communautaires spécifiques. Cette approche permet non seulement de réunir des fonds, mais aussi d’engager la communauté dans le développement des projets dès leur conception.
Tarification sociale
L’accessibilité financière demeure une préoccupation centrale dans la gestion des services de loisirs. De nombreuses municipalités adoptent des modèles de tarification modulée selon le revenu, permettant aux familles à faible revenu de participer pleinement aux activités.
Les passes familiales avantageuses et les programmes de gratuité ciblés pour certains groupes vulnérables constituent d’autres stratégies pour promouvoir l’inclusion. Certaines municipalités expérimentent également avec des systèmes d’échange local6 de services, où les citoyens peuvent obtenir des accès gratuits en échange de bénévolat ou de participation à l’organisation d’activités.
Réflexions et pistes d’action pour le milieu municipal
Il existe de nombreux outils pour mettre en pratique une programmation en loisirs variée et un accès facilité au plein air de proximité. Les sites Web Le pointeur7, Espace Muni8 ou encore l’entreprise Tougo9 offrent des idées et des services aux municipalités pour faciliter l’activité physique et les saines habitudes de vie à la fois chez les populations et chez les individus. M36110 aide quant à elle les gouvernements et les organisations à maximiser leur impact social pour créer une société plus saine, sécuritaire, équitable, juste et durable. La trousse de l’élu en loisir11 est une ressource destinée spécifiquement aux élu(e)s du palier municipal, afin de les aider à améliorer leur milieu.
Évaluation et amélioration continue
Les municipalités développent des systèmes sophistiqués pour mesurer l’impact de leurs initiatives. Les indicateurs incluent non seulement les taux de participation aux activités, mais aussi des mesures plus larges comme l’amélioration de la santé publique et le retour sur investissement social.
Des sondages réguliers auprès des usagers permettent d’évaluer la satisfaction et d’identifier les besoins émergents. Les consultations citoyennes régulières permettent d’ajuster les programmes et les infrastructures aux besoins évolutifs de la communauté.
Pour conclure
Les municipalités et MRC québécoises se positionnent comme des actrices incontournables dans la promotion des saines habitudes de vie. Leur capacité à conjuguer innovation technologique, inclusion sociale et durabilité environnementale démontre l’évolution de leur rôle vers une approche plus intégrée et stratégique du bien-être communautaire.
Les succès observés à travers la province soulignent l’importance d’une approche multidimensionnelle, où infrastructures, programmes et politiques se complètent pour créer des environnements véritablement favorables à la santé. Les exemples présentés également dans notre section Nos régions en action montrent qu’il est possible de développer des solutions créatives et efficaces, même avec des ressources limitées.
L’avenir des municipalités dans ce domaine repose sur leur capacité à maintenir cette dynamique d’innovation tout en assurant l’accessibilité et l’équité des services. Les défis sont nombreux, mais les outils et les approches développés ouvrent la voie à des communautés plus saines et plus durables.