Une nouvelle étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) met en lumière l’influence déterminante de l’aménagement des espaces publics sur la santé des femmes1. Cette recherche approfondie, s’appuyant sur plus de 50 articles scientifiques, propose aux municipalités des pistes d’action concrètes pour créer des environnements plus équitables et inclusifs.
Un portrait révélateur des inégalités
La conception actuelle de nos espaces publics reflète souvent des choix d’aménagement qui, bien qu’involontaires, créent des obstacles particuliers pour les femmes. L’étude de l’INSPQ démontre que ces inégalités se manifestent dans plusieurs aspects de l’environnement urbain, affectant directement la mobilité, la sécurité et le bien-être des citoyennes.
Le système de transport actuel illustre particulièrement bien les défis quotidiens auxquels font face les citoyennes. Représentant 46 % des usagers du transport collectif, les femmes effectuent des déplacements plus complexes, souvent liés à l’accomplissement de multiples responsabilités familiales. L’étude révèle que l’éloignement des services essentiels affecte particulièrement les résidentes des quartiers périphériques, limitant leur accès aux ressources communautaires et aux services de santé.
L’utilisation des espaces verts témoigne également de ces disparités. Une étude menée à Barcelone en Espagne, citée dans la recherche de l’INSPQ, révèle un écart significatif dans la fréquentation des parcs : seulement 26,8 % des usagers sont des femmes. Cette sous-représentation s’explique notamment par un éclairage inadéquat, une surveillance insuffisante et des infrastructures qui ne répondent pas pleinement aux besoins des familles.
Des répercussions concrètes sur la santé
Ces disparités dans l’aménagement urbain ne sont pas sans conséquences. Le sentiment d’insécurité dans certains espaces publics limite considérablement l’activité physique des femmes. Les défis quotidiens liés au transport génèrent un stress supplémentaire, tandis que la conception de certains quartiers peut contribuer à l’isolement social. L’accès restreint aux services de santé et aux activités communautaires entraîne des conséquences directes sur leur bien-être général.
Des solutions municipales éprouvées
Pour répondre à ces enjeux, l’INSPQ identifie plusieurs axes d’intervention prometteurs en matière de transport. La recherche souligne particulièrement l’importance des chaînes de déplacement complexes effectuées par les femmes, qui combinent souvent trajets professionnels et responsabilités familiales. L’aménagement de pistes cyclables physiquement séparées de la circulation améliore significativement le sentiment de sécurité. L’installation de stations et d’arrêts bien éclairés, dotés d’abris confortables, ainsi que l’implantation de systèmes d’alarme dans les véhicules, renforcent la confiance des usagères. Le service d’arrêt à la demande2 en soirée, déjà adopté par plusieurs villes, s’avère particulièrement efficace.
L’aménagement des quartiers nécessite une attention particulière à l’éclairage stratégique des rues et des espaces publics. La mixité des usages, favorisant la proximité des services essentiels, réduit les distances de déplacement et facilite la vie quotidienne. L’installation de toilettes publiques accessibles et sécuritaires, ainsi que l’entretien et le verdissement des terrains vacants, contribuent à créer un environnement urbain plus accueillant.
Les parcs et espaces verts requièrent une approche globale intégrant l’optimisation de leur conception et de leur localisation. Des équipements adaptés aux différents groupes d’âge, combinés à des installations sanitaires sécuritaires et une surveillance adéquate, encouragent une utilisation plus fréquente et diversifiée de ces espaces essentiels.
L’importance de la participation citoyenne
La recherche souligne le rôle crucial de la participation des femmes dans le processus de planification urbaine. Les consultations ciblées permettent d’identifier avec précision les besoins spécifiques de la population féminine. La création de comités consultatifs intégrant une perspective de genre assure une prise en compte constante de ces enjeux dans le développement urbain. L’évaluation régulière des aménagements réalisés permet d’ajuster les interventions en fonction des résultats observés.
Des initiatives pour s’inspirer
Plusieurs municipalités québécoises montrent déjà la voie vers un aménagement plus inclusif. Les technologies intelligentes émergent comme un autre levier prometteur. L’installation de systèmes d’éclairage adaptatif, de caméras de surveillance et d’applications mobiles permettant de signaler les incidents contribue à moderniser la gestion de la sécurité urbaine. Ces innovations, lorsqu’elles sont déployées de manière réfléchie, renforcent le sentiment de sécurité tout en optimisant les ressources municipales.
Des bénéfices collectifs
Les investissements dans un aménagement urbain inclusif génèrent des retombées positives pour l’ensemble de la communauté. Au-delà de l’amélioration de la sécurité pour tous les usagers, on observe une utilisation accrue des services et installations municipales. Le renforcement du tissu social qui en découle contribue à la vitalité des quartiers, tandis que les impacts positifs sur la santé se traduisent par une réduction des coûts sociaux à long terme.
Les investissements dans un aménagement urbain inclusif génèrent des retombées positives pour l’ensemble de la communauté.
L’étude de l’INSPQ démontre clairement le rôle déterminant des municipalités dans la création d’environnements urbains équitables. En intégrant ces recommandations dans leur planification, les villes québécoises ont l’opportunité de contribuer directement à la santé et au bien-être de leurs citoyennes, tout en bâtissant des communautés plus dynamiques et inclusives.
Adopter une approche inclusive en aménagement urbain, c’est reconnaître que les espaces que nous créons influencent directement la qualité de vie des citoyennes et citoyens. En repensant les infrastructures avec une perspective de genre, les municipalités et MRC ont l’occasion non seulement d’améliorer la sécurité et l’accessibilité, mais aussi de favoriser une société plus égalitaire et dynamique. L’enjeu dépasse la simple planification urbaine : il s’agit d’un engagement concret envers l’équité et le bien-être collectif.