Montgomery c. Ville de Montréal, 2020 QCCS 4278 – La portée des pouvoirs dévolus au maire en vertu de l’article 52 LCV

27 janvier 2021
Fédération québécoise des municipalités

27 janvier 2021

Le 12 novembre 2020, la Cour supérieure a rendu un jugement concernant l’application de l’article 52 de la Loi sur les cités et villes (LCV) et sur l’ingérence de Ville de Montréal (ci-après Ville) dans les pouvoirs de la mairesse, Mme Montgomery, de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (ci-après l’arrondissement).

Mise en contexte

La Ville et Mme Montgomery recherchent l’une contre l’autre, des conclusions déclaratoires et en injonction. Mme Montgomery soutient que le contrôleur général de la Ville outrepasse ses pouvoirs et perturbe les opérations de l’arrondissement. Elle soutient également qu’il fait défaut de respecter son devoir de réserve en s’opposant publiquement à elle.

Par ailleurs, Mme Montgomery allègue qu’il harcèle sa directrice de cabinet et qu’il prend des mesures draconiennes pour entraver son travail. Selon elle, une telle conduite s’apparente à une immixtion dans son droit de gérance. Elle allègue que les agissements du contrôleur général l’empêchent d’exercer les pouvoirs que la loi, les règlements et les politiques de la Ville lui confèrent expressément. Cette ingérence la prive, entre autres, d’un accès complet aux rapports du service des ressources humaines de la Ville, dont un sur le climat de travail de l’arrondissement et un second sur des allégations de harcèlement psychologique visant sa directrice de cabinet. Elle demande ainsi de se faire reconnaître le statut « d’autorité désignée », tel que défini par la Politique de respect de la personne de la Ville afin d’être en droit d’obtenir les rapports d’enquête en cause.

Pour sa part, la Ville allègue que la directrice de cabinet de l’arrondissement effectue du harcèlement psychologique à l’endroit de deux fonctionnaires et que Mme Montgomery, par aveuglement volontaire, refuse de faire respecter les directives émises par le contrôleur général. Ainsi, la Ville demande que la directrice de cabinet soit interdite de communication avec quiconque étant fonctionnaire de l’arrondissement.

Les faits

Vers la mi-août 2019, divers événements visant le directeur de l’arrondissement amènent Mme Montgomery à s’interroger sur ses compétences et ses intérêts à demeurer en poste. Elle prétend que le climat de travail est toxique en raison de la gestion déficiente de celui-ci. Elle demande ainsi de rencontrer le contrôleur général et la directrice Division respect de la personne (DDRP) afin de leur exposer les faits qui, selon elle, nécessitent le congédiement du directeur de l’arrondissement. Une enquête est ouverte et deux rapports sont achevés. Ces rapports confidentiels sont ensuite présentés à la chef de cabinet et au directeur adjoint de la mairesse Valérie Plante.

Ces rapports concluent que le directeur de l’arrondissement est victime de harcèlement psychologique de la part de la directrice de cabinet. Ils concluent également que « la directrice de cabinet, ainsi que la mairesse « par son inaction », ont failli « au maintien de conditions psychologiques nécessaires à un climat de travail sain. » Ils recommandent que ces conclusions soient transmises à Mme Montgomery afin que des mesures soient prises.

Le 6 décembre 2019, Mme Montgomery est conviée à une rencontre à laquelle participent la DDRP et un attaché politique de Valérie Plante. On l’informe alors des conclusions des deux rapports. Surprise, Mme Montgomery demande une copie des rapports à plusieurs reprises, mais se bute à des refus catégoriques. Cette dernière conteste cette décision en affirmant qu’il est impossible pour elle de prendre des mesures contre sa directrice de cabinet, sans savoir ce qui lui est reproché.

Le 13 décembre 2019, le contrôleur général émet alors la directive voulant que la directrice de cabinet ne puisse avoir aucune communication avec quelque fonctionnaire de l’arrondissement que ce soit. Mme Montgomery soutient que le contrôleur général n’avait aucun droit d’imposer des sanctions semblables à sa directrice de cabinet.

Le droit

La Cour conclut que la loi est claire à l’effet que Mme Montgomery bénéficie d’un droit de surveillance, d’investigation et de contrôle sur tous les départements et les fonctionnaires de l’arrondissement.[1] De tels pouvoirs lui permettent d’avoir accès de plein droit à tous les documents de la municipalité, sauf si la loi interdit un tel accès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, et en vertu des droits et des pouvoirs dévolus à la mairesse, elle peut, en tout temps, suspendre sans traitement un fonctionnaire de la municipalité.

La Cour conclut que la directrice de cabinet est l’employée de Mme Montgomery. La Ville exige ni plus ni moins de cette dernière qu’elle discipline son employée sans connaître les motifs ayant provoqué l’imposition de sanctions.

La Cour conclut qu’il ne fait pas de doute que Mme Montgomery est « l’autorité désignée » au sens de la Politique de la Ville puisqu’elle est le membre du conseil qui a nommé la directrice de cabinet. Étant l’employeur, c’est à Mme Montgomery de choisir les mesures à prendre, en fonction des motifs justifiant les conclusions des rapports en cause. Ce droit, découlant des pouvoirs conférés en vertu de l’article 52 LCV, est le sien, et non celui du contrôleur général. Elle détient ainsi un droit d’accès à l’intégralité des rapports.

La Cour soulève qu’il est anormal qu’un employé ou fonctionnaire, tel le contrôleur général, ait plus de droits que le chef exécutif de l’arrondissement. Rien ne justifiait qu’on refuse à Mme Montgomery de prendre connaissance des rapports. Un tel refus contrevient aux dispositions de la LCV et de la Politique de la Ville.

Finalement, la Cour conclut que l’interdiction de communication entre la directrice de cabinet et les fonctionnaires, exigée par la Ville, est déraisonnable compte tenu du rôle important et des responsabilités que celle-ci possède au sein du cabinet de la mairesse. La Cour ordonne ainsi de mettre fin à cette directive de non-communication.


[1] Article 52 de la L.c.v., RLRQ c. C-19.

ÉCRIT PAR :

Me Solveig Ménard-Castonguay

Avocate en droit administratif, Lavery Avocats