La mise en valeur du patrimoine, une occasion de susciter fierté et appartenance

01 mars 2023
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En adoptant le projet de loi 69 Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel en mars 2021, le gouvernement québécois donnait certaines obligations aux municipalités locales et régionales en matière de patrimoine, mais aussi quelques mesures pour les soutenir. Plus que la préservation de lieux, monuments ou savoir-faire, le patrimoine est aussi source de fierté et d’appartenance. En voici quelques exemples.

MRC DE KAMOURASKA : UNE PRIORITÉ DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

Au Kamouraska, nous sommes choyés en matière de patrimoine bâti et paysager. Nos professionnels accompagnent les municipalités en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine. Récemment, nous avons réalisé un inventaire en patrimoine bâti et la préparation d’un règlement cadre pour régir la démolition des bâtiments patrimoniaux, sensibilisant ainsi notre population au fait que ce patrimoine est une ressource fragile et non renouvelable », commente Sylvain Roy, préfet de la MRC de Kamouraska.

Le patrimoine et la culture revêtent une telle importance à la MRC de Kamouraska que ceux-ci font l’objet d’un chapitre entier dans la dernière mouture du schéma d’aménagement et de développement révisé en 2016. « On s’est donné une vision, souligne Catherine Langlois, urbaniste et directrice du service de l’aménagement et de la mise en valeur du territoire à la MRC. Déjà, dans les années 90, des actions étaient faites pour préserver le patrimoine. Il y a eu Villes et villages d’art et de patrimoine, l’Opération Héritage-Kamouraska, pour ne nommer que ceux-là. Ceci fait en sorte d’éviter de laisser aller notre patrimoine. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on se promène dans Kamouraska et on trouve ça beau. »

Pour Mme Langlois, il est indéniable qu’il y a une certaine aura au Kamouraska, une aura aux accents de patrimoine qui fait la fierté du milieu. Étude de caractérisation des paysages au début des années 2000, inventaire du petit patrimoine agricole bâti en 2005 – mis à jour en 2017-2018 – règlements de contrôle intérimaire, notamment pour préserver les cabourons – les petites élévations si caractéristiques de la région qui ont marqué l’occupation du territoire – mise en valeur du haut pays : ces gestes concrets démontrent que la volonté de préservation du patrimoine ne semble pas s’essouffler.

Depuis quelques années, les municipalités de la MRC de Kamouraska peuvent compter sur l’accompagnement d’une agente au développement culturel, Jeanne Maguire. « Elle est convaincue et convaincante, toujours à l’affût. Lorsque des programmes de subvention sont annoncés, le délai est souvent court. Nous sommes donc toujours prêts à saisir les opportunités », souligne Mme Langlois.

Ainsi, la MRC, avec cinq de ses municipalités (Rivière-Ouelle, Saint-Denis-De La Bouteillerie, Kamouraska, Saint-Alexandre et Saint-Pascal), a reçu en 2022 une subvention de 1 132 803 $ dans le cadre du Programme de soutien au milieu municipal en patrimoine immobilier (PSMMPI) du ministère de la Culture et des Communications. À ce montant, les municipalités participantes ajouteront 670 757 $. C’est ainsi près de 1,8 M$ qui serviront à préserver le patrimoine kamouraskois. Un volet, dont l’enveloppe est de 506 667 $, est destiné aux propriétés privées. Environ 80 immeubles sont admissibles à ce volet pour lequel les appels à projets sont en cours. Le deuxième volet, consacré aux propriétés municipales, sera affecté au quai Taché à Kamouraska ainsi qu’au centre d’art et moulin Lavoie à Saint-Pascal.

« Le patrimoine a longtemps été élitiste. Je pense que c’est à force de petits projets qu’on crée un effet boule de neige et qu’on incite les gens à poser des gestes pour préserver et mettre en valeur notre patrimoine », conclut Mme Langlois.

RIVIÈRE-OUELLE : PROTÉGER LE PATRIMOINE ET LA QUIÉTUDE DES RÉSIDENTS

Premier lieu à être désigné paysage culturel patrimonial en 2021, l’espace formé par la Pointe-aux-Orignaux et la Pointe-aux-Iroquois à Rivière-Ouelle est encore le seul endroit au Québec à bénéficier de cette distinction.

C’est qu’une telle désignation demande du temps. Pour la petite municipalité de près de 1 000 habitants, auxquels s’ajoutent 600 résidents non permanents, il aura fallu huit ans de travail lors desquels une attention particulière a été portée à écouter les citoyens afin de trouver la meilleure façon de mettre en valeur ce site unique tout en préservant l’environnement calme et paisible. « Les citoyens ont clairement dit qu’ils ne voulaient pas que le secteur devienne un lieu touristique de grand achalandage et c’était important pour nous de respecter ça, explique Nancy Fortin, agente de développement et greffière-trésorière adjointe à la municipalité de Rivière-Ouelle. Le plan de conservation a d’ailleurs reçu un accueil favorable puisqu’il avait été élaboré en collaboration avec les citoyens. »

Le site de la Pointe-aux-Orignaux et de la Pointe-aux-Iroquois est le territoire le plus avancé dans le fleuve avant Québec. Il compte quelques terres agricoles et une forêt principalement composée de résineux. Et il est un élément important de l’histoire et du patrimoine de cette municipalité du Bas-Saint-Laurent qui a célébré ses 350 ans en 2022.

Avec cette désignation vient un plan d’action comportant de multiples éléments dont certains sont réalisés ou sur le point de l’être. Parmi ceux-ci, le comité de bénévoles lié à ce projet a installé le belvédère d’observation et le panneau d’interprétation. La création d’un guide d’accompagnement pour les gens du secteur est aussi sur le point d’être complétée. « Le guide traite des sujets comme la demande de permis de rénovation, quelles sont les plantes indigènes dans le secteur, quoi faire si on trouve un vestige ou artefact archéologique. On a regroupé les questions que se posent les citoyens et les nouveaux arrivants qui se sont établis ici depuis la pandémie pour réaliser ce guide. C’est donc un bel outil qui répond à un réel besoin », explique Mme Fortin.

Parallèlement à tout ça, la municipalité travaille à mettre à jour sa réglementation en collaboration avec la MRC de Kamouraska. Parmi les défis, il faut trouver un moyen d’encadrer le volume des bâtiments, l’affichage et les bâtiments secondaires, sans toutefois appliquer un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA), car la superficie couverte est très grande.

Avoir une telle reconnaissance nationale est un levier de développement et accroît le sentiment de fierté et d’appartenance des citoyens pour cette petite municipalité qui est également reconnue pour la pêche à l’anguille, un savoir-faire faisant partie du patrimoine immatériel recensé dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec.

Dans un esprit de transmission de l’histoire, l’année du 350e de Rivière-Ouelle a été l’occasion d’ériger un monument en hommage au seigneur Jean-Baptiste-François Deschamps de La Bouteillerie, seigneur de la Rivière-Ouelle. Afin de préserver le terrain à potentiel archéologique, le monument est déposé sur des gabions. Les citoyens et visiteurs ont été invités à déposer dans les gabions des roches significatives pour eux. Parmi ces roches, quatre proviennent directement du manoir Deschamps en France qui ont été ramenées par Lyne Lévesque, autrice du livre sur Jeanne Chevalier, épouse en secondes noces du seigneur Deschamps.

MRC DE L’ÉRABLE : UN PATRIMOINE FRANCO-CATHOLIQUE ET ANGLO-PROTESTANT

La MRC de L’Érable, comme bien des MRC du Québec dans la foulée de l’adoption du projet de loi 69 Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel, accueillait au sein de son équipe un agent de protection et de mise en valeur du patrimoine grâce à des subventions du ministère de la Culture et des Communications ainsi que du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Pierre-Gabriel Gosselin, historien, est ainsi chargé de réaliser d’ici 2026 l’inventaire du patrimoine immobilier. Le travail de terrain a été confié à une firme de consultants en patrimoine et la liste des bâtiments est attendue au courant de l’été. M. Gosselin y ajoutera son expertise en histoire afin d’établir la liste qui sera adoptée par le conseil des maires. « Il est possible que des bâtiments plus récents que 1940 fassent partie de cette liste s’ils ont une valeur historique notable », précise M. Gosselin.

Plessisville est plus industrielle et date des débuts de la colonisation, mais le noyau villageois a presque entièrement disparu à la suite de deux gros incendies dont un en 1887. Le temps a entraîné beaucoup de démolitions », note au passage M. Gosselin. Il n’y manque toutefois pas de points d’intérêt patrimoniaux, dont l’inventaire sera connu bientôt puisque la ville avait déjà entamé un processus de recensement de son patrimoine bâti.

Au cours des trois prochaines années, la MRC de L’Érable a de nombreux projets pour mieux connaître et préserver son patrimoine : rédaction d’un portrait historique régional, caractérisation des immeubles à valeur patrimoniale, création d’outils citoyens pour encourager et faciliter la conservation du patrimoine et adoption d’un inventaire patrimonial officiel.

Le patrimoine bâti de cette MRC se caractérise notamment par les traces d’une histoire essentiellement franco-catholique dans sa portion ouest alors que plus à l’est, dans les premières collines des Appalaches, ce sont plutôt les communautés anglo-protestantes qui caractérisent l’endroit. L’arrivée des voies ferrées au 19e siècle a ajouté au patrimoine bâti agricole, résidentiel et religieux des styles architecturaux représentatifs de l’industrialisation.

« Pour l’instant, mon mandat est de répondre aux exigences du ministère et d’encadrer et soutenir les propriétaires des lieux qui seront ajoutés à l’inventaire. Notre objectif est d’aller les voir pour les informer sur les ressources, les regroupements de propriétaires de maisons patrimoniales, les répertoires d’ouvriers spécialisés. Nous sommes conscients des contraintes que ça peut leur apporter de voir leur maison ajoutée à cette liste », souligne M. Gosselin.

Par la suite, l’agent de protection et mise en valeur du patrimoine aimerait valoriser le patrimoine immatériel de la MRC : potasse, sirop d’érable, travail de la terre, exploitation forestière, présence autochtone. Un travail pour lequel les gens de la région seront appelés à se prononcer. « Il y aura écoute des gens. Il faut que la mise en valeur et la diffusion de notre patrimoine rejoignent les gens », conclut M. Gosselin.

LA MALBAIE : MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE NATUREL

Le 18 juin dernier, La Malbaie inaugurait son parc événementiel aménagé sur les berges du fleuve dans le secteur du Havre. Cet aménagement, récompensé du Prix du patrimoine de Charlevoix dans la catégorie préservation et mise en valeur en avril 2022, a permis de redonner accès aux Malbéens aux bordures du fleuve qui étaient en de nombreux endroits laissés en friche.

Ce projet de 5 M$ est l’étape finale d’une série d’actions posées ces dernières années par la municipalité afin de mettre en valeur le paysage et de revitaliser son littoral qui est distinctif de la région et qui recèle de lieux marqués par l’histoire. Une promenade, des escaliers permettant de descendre au fleuve à marée basse et l’installation de mobilier font partie des aménagements faits ces dernières années. Avec cette ultime phase, c’est notamment le quai de Pointe-au-Pic, qui accueillait des croisiéristes américains au début du 19e siècle à l’époque des « bateaux blancs », qui a retrouvé ses lettres de noblesse.

Ainsi, l’espace événementiel le Projet La Malbaie est la pièce maîtresse de ce vaste chantier. « Il y a eu quelques versions sur la planche. Des consultations auprès des citoyens nous ont permis d’écouter ce qu’ils souhaitaient. Ils voulaient quelque chose qui leur ressemble, près de la nature, qui s’intègre au paysage comme si ça avait toujours été là, car le paysage à La Malbaie a une valeur patrimoniale », explique Sara Tremblay, responsable des communications et de la culture à la Ville de La Malbaie.

Dans ce grand parc, une scène minimaliste a été installée et une attention particulière a été portée à la vue qu’ont les spectateurs vers le fleuve. À proximité, une gare intermodale a été construite en s’inspirant de la gare qui était sur ces lieux à l’époque. Tout a été pensé non seulement pour en faire un lieu pour la tenue d’événements culturels, mais aussi pour que les gens s’y retrouvent sur l’heure du lunch, pour marcher, pique-niquer et profiter du paysage si caractéristique de la région. Des buses d’eau ont même été installées afin de favoriser la détente malgré la proximité de la route très achalandée qui longe le parc.

Quant au quai de Pointe-au-Pic, sa structure a été solidifiée par SOGIT, l’entreprise qui en est propriétaire, et la municipalité s’est chargée d’en aménager la surface. Les pêcheurs et promeneurs y sont maintenant de retour.

La première saison estivale du Projet La Malbaie a connu un franc succès. De nombreuses activités, toutes gratuites, y ont été présentées : 8 grands spectacles (dont Kaïn, Dan Bigras, Corneille et Sylvain Cossette), cinq matinées classiques, trois soirées étoilées, quatre « 5 à 7 », quatre mardis familles, seize heures du conte, cinq cinés dans le parc. S’y sont ajoutées des activités découvertes de la nature avec GUEPE et des pauses actives proposant des activités pour tous les goûts. « Nous avons eu près de 25 000 participants à ces activités et on estime qu’environ une centaine de personnes y passent chaque jour pour simplement marcher ou pique-niquer », souligne Mme Tremblay.

Maintenant que le patrimoine naturel que représente le littoral est redevenu accessible à la population, c’est vers son centre-ville que se tournent les élus·es qui ont adopté un projet de revitalisation qui commencera dès cet été. Dans la foulée de la construction d’une nouvelle école et de travaux d’agrandissement de l’hôpital, un Programme particulier d’urbanisme (PPU) a été adopté en 2021 afin de rendre une grande portion de la rue Saint-Étienne plus conviviale pour les piétons en élargissant les trottoirs, en aménageant des îlots de verdure et en installant des bancs.

Des incitatifs financiers sont par ailleurs prévus afin d’améliorer le cadre bâti et l’esthétisme général des bâtiments du centre-ville. Cette aide financière sera offerte pour des travaux de rénovation des façades et murs latéraux de bâtiments construits avant 1980 et qui « auront pour effet d’améliorer l’intégration du bâtiment dans le cadre bâti existant et l’esthétisme général de sa façade extérieure afin de mettre en valeur les caractéristiques particulières de cette dernière et rehausser sa valeur architecturale et celle du centre-ville ».

« Le conseil est très dynamique. Il souhaite redonner ses lettres de noblesse et dynamiser le centre-ville. Les travaux de cet été permettront de positionner la rue Saint-Étienne comme l’espace clé qui permettra de faire vivre le quartier central de La Malbaie », conclut Mme Tremblay.

Que d’imagination déployée par les gens de nos régions pour mettre en valeur leur patrimoine!

Crédit photo : Ville de La Malbaie.
À La Malbaie, l’espace événementiel et la scène ont été intégrés de façon à ce que les spectateurs puissent bénéficier pleinement de la vue vers ce paysage si caractéristique et à valeur patrimoniale de la région. Crédit photo : Ville de La Malbaie.