La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables n’est plus

01 septembre 2021
Fédération québécoise des municipalités

1 septembre 2021

La P.p.r.l.p.i. n’est plus. L’entrée en vigueur de la Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions[1], le 25 mars dernier, devait sonner le glas de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (nommée P.p.r.l.p.i.) dès lors que l’article 79 de cette Loi annonçait l’abrogation de l’article 2.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement duquel était issue cette « fameuse » Politique.

La mort de la P.p.r.l.p.i. nous a récemment été confirmée par la publication du projet de Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations, le 23 juin dernier, dans la Gazette officielle du Québec (ci-après le « règlement provisoire »).  Ainsi, l’article 115 de ce règlement indique : « La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (chapitre Q 2, r. 35) est abrogée. »  L’affaire n’est pas sans conséquences pour les municipalités.  Explications.

Petit retour en arrière

D’aucuns se souviendront que le gouvernement du Québec avait adopté et mis en vigueur une zone d’intervention spéciale (ZIS), à la suite de l’inondation printanière de 2019.  Par cette ZIS, le gouvernement écartait les règles d’urbanisme des municipalités pour imposer des mesures spéciales et temporaires devant permettre de conjuguer avec les conséquences de ces importantes inondations.  Selon le texte même du décret 817-2019 établissant cette réglementation particulière, celle-ci devait prendre fin « lorsque la ministre est d’avis que […] la réglementation d’urbanisme municipale applicable sur ce territoire met en œuvre pleinement le cadre normatif gouvernemental qui sera élaboré relativement à la gestion des zones inondables ». Déjà, à ce moment, on annonçait la réforme à venir quant à la gestion des zones inondables.

Avec l’adoption du projet de loi no 67, le législateur québécois marquait le pas et maintenait le cap vers l’élaboration d’un nouveau régime de gestion des plaines inondables où les municipalités régionales de comté seront appelées à jouer un rôle plus actif, notamment par l’élaboration et la mise en œuvre d’un « plan de gestion des risques liés aux inondations » (nouvel art. 79.1 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme). À la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi, il y avait donc lieu, pour le gouvernement, de préciser le cadre réglementaire destiné à mettre en œuvre ce nouveau régime, tout en permettant éventuellement de lever la ZIS de 2019.

Le règlement provisoire propose donc, du moins de façon temporaire, un nouveau régime de gestion des zones inondables, régime à travers lequel les municipalités seront appelées à jouer un rôle différent que celui qu’elles ont assumé, jusqu’ici, sous le régime de la P.p.r.l.p.i.

La suite des choses pour les municipalités

Tout d’abord, une précision : la zone inondable pourra s’étendre, au-delà des traditionnelles cotes d’inondation de 20 ans et 100 ans, à toute zone inondée en 2017 ou 2019 et qui a été incluse dans la ZIS de 2019.  Cela dit, les interventions en milieu hydrique demeurent encadrées dans une approche qui s’inspire des normes minimales de la P.p.r.l.p.i.

Néanmoins, un changement majeur pour les municipalités – illustratif des profondes modifications à venir dans le régime de gestion des zones inondables – concerne les autorisations de constructions résidentielles sur les rives, dans le littoral et dans les zones inondables.  Ce type d’intervention relève en effet, dorénavant, de l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement (art. 22 (4°)), conjuguée avec le Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (Q-2, r. 17.1) et le Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles (Q-2, r. 0.1 ; ci-après « R.a.m.h.h.s. »), et non plus des règlements municipaux.

D’ailleurs, l’article 109 du règlement provisoire précise que celui-ci « prévaut sur tout règlement municipal portant sur le même objet », conformément au premier alinéa de l’article 118.3.3 L.q.e.  C’est dire la profonde mutation qui devra s’opérer en ce domaine.

Les municipalités, cependant, ne sont pas complètement évacuées du nouveau régime puisque le règlement provisoire propose de mettre en place un régime d’autorisation municipale pour encadrer certaines activités réalisées dans les milieux hydriques.  Le règlement provisoire mentionne d’ailleurs que les municipalités locales sont chargées de l’application des articles 1 à 14 et 16. Notamment, seront assujetties à ce régime d’autorisation municipale, tout comme dans le régime actuel de la P.p.r.l.p.i., un certain nombre d’activités dans les rives, en littoral et dans les zones inondables.  Ce faisant, les municipalités seront cependant contraintes au respect du cadre réglementaire établit par Québec, notamment aux termes du R.a.m.h.h.s. (art. 12 du projet de règlement provisoire).

Autre innovation du projet de règlement provisoire : les municipalités locales seront aussi assujetties à des obligations de reddition de compte à propos des autorisations délivrées.  Ainsi, elles devront tenir un registre de ces autorisations qui devra être conservé pendant une période d’au moins 5 ans (art. 13) et elles devront fournir à leur MRC, au plus tard le 31 janvier de chaque année, les renseignements contenus dans ce registre pour les autorisations délivrées dans l’année précédente (art. 14).  Aussi, les MRC devront, pour leur part, publier sur leur site internet un bilan annuel des autorisations délivrées par les municipalités locales sur leur territoire (art. 15).

Enfin, le législateur n’entend pas badiner à propos des responsabilités que devront assumer les municipalités.  En effet, toute municipalité qui ferait défaut d’appliquer et de faire respecter le règlement provisoire pourrait se voir imposer une sanction administrative pécuniaire de 1 000 $ ou, voire, une amende de 3 000 $ à 600 000 $ (art. 17 et 18). Oui, oui, 600 000 $!

Conclusion

Les inondations récentes de 2017 et 2019 nous auront fait prendre conscience de la vulnérabilité de certaines communautés et installations anthropiques.  Un coup de barre s’imposait afin de faire véritablement entrer le Québec dans l’ère de l’adaptation aux changements climatiques.  À ne point en douter, en effet, ces événements climatiques extrêmes sont appelés à se reproduire dans les prochaines années.  Il faut s’y préparer sérieusement.

Si on peut questionner certains choix du législateur dans le cadre de la mise en place de ce nouveau régime provisoire concernant la gestion des zones inondables, il n’en demeure pas moins que l’ordre des choses en sera profondément modifié dans les prochaines années.  À bon entendeur, salut!


[1] L.Q. 2021, c. 7 (projet de loi no 67).

ÉCRIT PAR :

Me Jean-François Girard

Avocat spécialisé en droit de l’environnement et droit municipal au sein du cabinet DHC Avocats